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The.Supplement
{Info on A-Infos}
(fr) Echanges et mouvement hors-série juin 2003 (2)
From
Danielle Rétorré <danielle.retorre@free.fr>
Date
Mon, 14 Jul 2003 19:42:18 +0200 (CEST)
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A G E N C E D E P R E S S E A - I N F O S
http://www.ainfos.ca/
http://ainfos.ca/index24.html
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[ 2e partie ]
UN TEMOIGNAGE SUR LES GREVES DANS L'EDUCATION NATIONALE de 2003 DANS UN
DEPARTEMENT
Quelques informations à partir des derniers jours et des dernières
actions.Pour simplifier la présentation je décrirai ce que je vis dans le
Vaucluse.Ce n'est pour le moment qu'un bref aperçu de quelques aspects
importants de ce mouvement.
Les raisons du mouvement
Ce n'est qu'au bout de plusieurs semaines de grève que les medias
nationaux se sont fait l'écho des raisons premières de mobilisation dans
l'éducation nationale, avant on ne parlait que de la réforme des
retraites. Si les deux sont liés, il faut quand même expliquer ce que
représentera réellement la réforme de décentralisation de l'Education
Nationale.
Essentiellement, ce sera une dégradation des conditions de travail des
personnels concernés par ces mesures à la rentrée prochaine et le début
de l 'ouverture à la privatisation de l'éducation nationale, par des
voies détournées. Privatisation qui signifie à terme contractualisation,
flexibilité des personnels de l'éducation, donc encore dégradation des
conditions de travail et accentuation des inégalités suivant les régions.
Cette réforme se traduit dès l'an prochain par :
n suppression du statut de surveillant et disparition de 5600 postes dès
l' an prochain (ceux qui sont en fin de droit). Les Aides éducateurs sont
supprimés : départ de 20000 d'entre eux à la rentrée prochaine.
L'ensemble (25 600 suppressions) est remplacé par 16 000 " assistants
d'éducation " , au statut précaire, moins payés que les surveillants, et
pouvant être appelés à d'autres tâches que dans les établissements
scolaires.
n Les personnels techniciens, ouvriers et de services (TOS) passent à la
fonction publique territoriale, c'est-à-dire qu'ils effectueront des
tâches à la fois dans les établissements scolaires et en dehors : ils
deviendront corvéables à merci.
n Les conseillères d'orientation, les assistantes sociales, les médecins
scolaires passent à la fonction publique territoriale. Ils ne seront donc
plus rattachés à un établissement, mais effectueront d'autres tâches en
plus. Leur aide dans les équipes enseignantes sera très réduite au vu de
leur surcharge de travail probable.
n Les crèches, payantes, se voient changer de nom et sont baptisées "
centres d'accueil de la petite enfance ", annonçant la disparition des
sections d'école maternelle (déjà prévue dans la région du Havre)
n Augmentation de l'autonomie des établissements scolaires et
universitaires avec régionalisation du financement et entrée des
entreprises dans l' élaboration des projets de ces établissements.
Beaucoup de jeunes professeurs (et de moins jeunes) découvrent le jeu du
libéralisme international et se familiarisent avec la lecture des textes
de l'OMC, de l'ERT et de l'AGCS, textes qui prônent la destruction des
services publics dans le monde. Ces textes décrivent avec cynisme comment
les dirigeants des pays doivent s'y prendre pour détruire ces services et
laisser sur le tapis une partie de la jeunesse qui n'a pas besoin de
formation ni de culture approfondie. Ils se radicalisent rapidement au
cours de la lutte et se rendent compte que cette lutte n'est rien d'autre
qu'une lutte contre le capitalisme et contre tous les aspects de la
société qui en découlent.
Les réalités du mouvement
C'est la première fois qu'un mouvement d'une telle ampleur, d'une telle
durée se produit dans l'Education nationale depuis 1968. Tous (ou
presque) les établissements primaires et secondaires sont entrés en grève
reconductible, dans toutes les académies de France.
Le début
Tout a commencé, le 18 mars, dans l'académie de Bordeaux, car cette
académie a été choisie comme académie pilote pour l'application de la
réforme, avec comme premières conséquences, des suppressions de postes,
des suppressions d 'heures , de places pour les élèves dans certains
lycées et blocage des mouvements de mutations dans certaines matières et
création de 12 lycées pilotes pour l'application de la réforme.
" les lycées pilotes d'expérimentation de la loi organique de financement
permettent de voir ce que sera l'école de demain. Le schéma est inspiré
du fonctionnement des lycées agricoles. Introduction de représentants des
chambres consulaires et des entreprises dans les conseils
d'administration, extension des pouvoirs de l'établissement en matière de
gestion des personnels, mais aussi sur le recrutement et la pédagogie.
Ces
établissements recevront une dotation emploi, ces emplois seront "
étiquetés " et " profilés " par le nouveau conseil d'administration
présidé par une personnalité extérieure à l'établissement. Le chef
d'établissement sera chargé du recrutement des personnels répondant au
profil des emplois. Le CA déterminera la pédagogie enseignée, le nombre
d'ATOS, de profs ;;; auxquels servira la dotation. "
Peu de temps après La Réunion est entrée en grève reconductible
massivement( 80% de grévistes en continu) ainsi que la région parisienne,
surtout le 93.
L'extension
Le mouvement s'étend dans les autres départements au fur et à mesure que
les académies rentrent des vacances de Pâques.
Des assemblées générales se tiennent quotidiennement dans les
établissements pour reconduire la grève chaque jour et décider des
actions locales, puis des assemblées de secteurs et des assemblées
départementales.
Les collèges et les écoles primaires en grève font le tour des
établissements qui ne sont pas encore dans le mouvement. Il y a une
assemblée de secteur par semaine plus une assemblée départementale. Des
réunions d'explication du mouvement ont lieu avec les parents, dans les
villages, partout. Des piques niques, des fêtes, chaque inauguration ou
réunion officielle est l'occasion de se faire entendre en fanfare, en
invitant si possible les médias. Chaque gréviste est actif.
C'est une grève qui vient de la base, et qui s'est étendue rapidement.
Dans certains établissements, les parents occupent l'école ou le collège.
Après plusieurs semaines de grève, devant le blocage de la situation, les
personnels de l'éducation nationale sont de plus en plus nombreux à ne
voir l'issue du conflit que dans une grève générale. Et ce n'est pas
l'influence de FO, qui bien sûr a lancé ce mot d'ordre rapidement, mais
qui est très minoritaire. S'il a été repris , c'est qu'il correspondait à
la nécessité du moment.
Des équipes de grévistes sont allées dans les différentes entreprises de
leur région pour établir des contacts et discuter d'une généralisation du
mouvement. Des réunions communes ont eu lieu partout.
L'organisation
L'autonomie du mouvement est à l'image de la colère immense de l'ensemble
des personnels de l'éducation.
Les syndicats (FSU , UNSA,FO,CFDT, SUD) organisent les assemblées
générales de secteurs, mais surtout les assemblées départementales. Une
intersyndicale s'est tout de suite mise en place dans les différents
départements, pour contrôler et freiner le mouvement.
Dans les départements où une coordination s'est tout de suite mise en
place, les syndicats y étaient présents au même titre que les autres
participants.
Dans d'autres départements comme le Vaucluse dont je vais parler, l'
intersyndicale appelait à des AG départementales après chaque grande
manifestation hebdomadaire.(entre 300 et 400 participants). Ils trônaient
à la tribune devant la salle, s'attribuaient mutuellement des
félicitations pour l'ampleur du mouvement puis faisaient voter une motion
(en général présentée par FO) d'appel à l'extension, puis à la grève
générale, motion qu 'il fallait souvent rediscuter et modifier. Une heure
était ainsi passée pour " occuper " le temps. La parole était ensuite
donnée aux différents intervenants de la salle.
Aucun ordre du jour, aucun président de séance. Les actions proposées par
la salle ne sont pas soumises au vote de l'AG. Des protestations de plus
en plus nombreuses venant des collèges les plus mobilisés contre
l'inertie et le blocage des syndicats se font entendre.
Je propose un fonctionnement différent et " démocratique " avec ordre du
jour établi par l'assemblée, un président de séance et un tour de parole
en fonction de l'ordre du jour où les syndicats parleraient au même titre
que les présents dans l'AG. Ils deviennent très hargneux.
Au même moment, en haut de l'amphi où se tenait l'AG tout un collège en
grève, déguisés en indiens et avec leurs tambours crient " on veut des
actions, on en a marre des manifestations qui tournent en rond ". La
responsable FO crie à la collusion, au coup monté, elle est folle de
rage.
A partir de ce jour, à l'initiative d'un autre collège massivement en
grève, un regroupement en dehors des syndicats s'organise. Il rassemble
entre 20 et 30 établissements sur Avignon et Nord Vaucluse et se baptise
" collectif Vaucluse des personnels de l'E.N. "
Ce collectif se réunit plusieurs fois par semaine et organise des actions
indépendamment des syndicats. Aucun syndicat n'est présent en tant que
tel. Il y a bien sûr des syndiqués, qui en ont marre de l'attitude des
syndicats, et une majorité de non syndiqués. Beaucoup de jeunes, c'est la
majorité. La tonalité, c'est " on sait quel est le rôle des syndicats,
qu'ils ont toujours été contre l'expression de ceux qu'ils ne contrôlent
pas ". Mais on ne veut pas perdre de temps à des critiques que tout le
monde partage concrètement ou conceptuellement. Ce n'est de toute
évidence pas un discours de quelque organisation trotskyste ou similaire.
De plus, il est exprimé clairement que " nous ne voulons ni construire un
nouveau syndicat, ni une organisation permanente. La durée de ce
collectif sera celle du mouvement et on est appelés à disparaître quand
le mouvement s 'arrêtera ". Je n'invente rien.
Les AG se déroulent dans le respect de la parole de chacun et dans un
calme étonnant.
Il y a en moyenne 60 à 70 présents régulièrement.
Devant le blocage du gouvernement, devant l'inutilité reconnue des
manifestations, des actions plus percutantes sont organisées par ce
collectif. Ces actions qui vont jusqu'à bloquer les portes des lycées ou
de l'université pour empêcher le passage des examens sont bien évidemment
dénoncées par les syndicats. (Il faut faire une place à part à SUD
syndicat minoritaire qui est dès le début pour le mouvement des
assemblées et des coordinations)
Ce collectif a organisé le blocage du lycée Mistral à Avignon, le jour
des épreuves de philo de bac, et toute la matinée du 12 juin, France Info
annonçait que c'était le seul lycée en France à être bloqué par 200
personnels grévistes ( en réalité il y en a eu au moins trois autres :
Roanne, Belfort et Toulouse).
Comme les CRS sont ensuite arrivés, les épreuves ont pu se dérouler "
normalement " avec quelque retard.
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UN JEUNE PARLE DE CE QU'IL A VU ET DE SES REACTIONS LORS DE LA
MANIFESTATION DU MARDI 10 JUIN A PARIS
Place de la Concorde, un mardi soir en république Ils ont osé gazer et
charger des manifestants, jeunes et vieux, ce soir. , en toute légalité
et égalité.La disposition des CRS était la suivante : grillage, canons à
eau et forte présence des CRS bloquant l'entrée du pont, un gros paquet à
droite, et quelques uns sur la gauche. Belle image de la démocratie,
puisque dans le même plan on a une horde de flics derrière leur grillage
et au fond l'Assemblée Nationale .où siègent à ce moment les députés.Vers
18h30, des milliers de manifestants s'amassent sans violence devant les
CRS. Slogans : "Raffarin démission, Chirac en prison"; Une deux
bouteilles en plastique volent du côté des CRS. Deux cars (vides)du coté
gauche se mettent en position pour bloquer la sortie vers la gauche.
Quelques minutes après, les premiers gaz lacrymo sont jetés. Le vent est
favorable aux CRS, les premiers gaz sont pas balancés dans la foule,
juste posés devant. Les CRS commencent alors à bloquer les issues sur les
quais, ne laissant plus passer personne. Cependant le service d'ordre de
la CGT, qui s'est interposé entre les manifestants et les CRS fait tout
pour contenir les manifestants. Ils essayent de calmer les manifestants
qui s'énervent contre les CRS et empêchent un petit groupe de dépaver la
place. Certains (CNT, Education, SUD...etc.) commencent à s'énerver
contre le service d'ordre de la CGT et en viennent quasi aux mains. Le
service d'ordre CGT (trois rangées de gros bras) quitte la place devant
les flics à 19 heures précises en déclarant à ceux qui les injurient :
"Démerdez-vous avec les flics ". En fait, ils vont ailleurs se
repositionner selon les ordres d'en haut. .
Au fur et à mesure, les CRS prennent de moins en moins de précautions.
Les gaz sont même tirés horizontalement en direction de la foule. Les
salves sont généralement constituées d'une dizaine de lacrymo. Grâce au
vent, les gaz se dispersent rapidement (en quelques minutes). Un bravo
aux
manifestants qui malgré tout continuent à s'amasser après chaque salve
devant le cordon, avec des slogans des moins violents (Tous ensemble,
Grève Générale, etc.)
Du coté manifestant, la manifestation est loin d'être terminée
(contrairement à ce qu'annonçait la radio). Les cheminots et RATP
arriveront qu'après 20h sur les lieux. Cependant le service d'ordre de la
CGT qui s'est déplacé et celui de la CFDT (entre autres) empêchent les
derniers
manifestants d'accéder à la place et organisent un cordon pour les faire
bifurquer dans une rue sur le côté de la rue de Rivoli . Vers 19h30, la
place est totalement enfumée (une quarantaine de lacrymo en même temps),
malgré tout, les manifestants continuent d'affluer. Nous sommes plus de 5
à 10 000 à être présents et à vouloir rester sur place ( certains diront
" même la nuit s'il faut "), mais il ne pourront rester longtemps sur la
place ( c'est fixé en haut lieu)(une enseignante se retrouvera couverte
de bleus par l'action musclé du service d'ordre syndical auquel elle ne
voulait pas obtempérer); Enervement du coté du cordon CRS de gauche : un
manifestant âgé est en train de les insulter;
ils ne laissent toujours passer personne. Vers 20h, les lacrymos semblent
se calmer, on se dit que ça coïncide avec le début du JT. Peut-être pas à
20h20, ça repart de plus belle.(lacrymos et canon à eau). Les yeux et le
nez piquent terriblement, certains vomissent. Excédés et désabusés,
certains vocifèrent "il est beau le dialogue social ! " On a beau
chercher, pas de médias. Il faut dire que les manifestants ont plus que
marre de leur désinformation. Tout au long de la journée ils ont eu droit
à des "Libérez l'information". Une moto RTL qui essayait de se frayer un
chemin dans la manif s'est fait prendre à parti, un camarade lui a cassé
son antenne. et sa radio-portable Donc pas de médias avec nous...c'est
normal ils sont tous avec les CRS
Bref poursuivons. Vers 20h30, ça y est, ça charge. On est tous
refoulésrue Royale. Il y a des blessés, certains camarades sont en sang.
Il paraît qu'un manifestant a reçu un lacrymo dans la tête. Quelques
manifestants
traînés au sol sont frappés. Puis nouvelle charge quelques minutes après
un canon à eau qui fonce sur nous. Tout le monde se regroupe versla
Madeleine. Nouvelle charge, on descend le boulevard qui mène vers
l'Opéra Garnier. On est encore 4000 à 5000 pas du tout décidés à. se
disperser, puis charge brutale des CRS avec leur canon à eau qui avance
aussi vite que l'on court. C'est sauve qui peut Quelques passants
attablés aux terrasses des restaurants plongent se réfugier à
l'intérieur; d'autres sont copieusement arrosés. Tout le monde court dans
tous les coins.Certains prennent une rue à droite, pour la plupart on
débouche au milieu de la circulation sur la place devant l'Opéra Bon
nombre (quelques centaines peut-être ?) seréfugie dans l'Opéra. D'autres
continuent tout droit et renversent despoubelles sur la rue afin de faire
des barricades enflammées pour retarder ma meute des flics qui nous
pourchassent. Certains se dispersent d'autres retournent vers l'Opéra où
plus de 60 manifestants sont sauvagement arrêtés; d'autres sortiront
libres sans qu'on sache le sens d' une telle discrimination ;pas question
que tous sortent.
Résumons : les CRS ont gazé ce soir des personnes qui étaient tout sauf
des casseurs. Et pas quelques centaines, mais quelques
milliers.certainement .Ils ne laissaient pas partir les manifestants de
sur la place. J'ai vu personnellement plus de 5 arrestations. Je sais pas
combien en tout. iEt j' ai vu clairement les CRS balancer des lacrymos en
se foutant bien de l' endroit où elles tombaient. Et tout ça sans aucune
provoc de la part des manifestants.. Elle est belle la démocratie. Et les
médias dans tout cela les médias continuent à parler des casseurs, d'une
petite centaine d' anarchistes, de minimiser le nombre de manifestants et
à tout faire pour rendre impopulaire le mouvement.Autant dire qu'ils
furent aidés en cela par ce qui avait dû être convenu avec les syndicats
avant la manifestation.
La violence était uniquement le fait des flics. A croire qu'ils
ontconsciemment décidés de faire dégénérer les choses. Pour l'instant
lemouvement reste calme (j'ai juste vu une voiture qui a été cassée
sansraison en toute fin de soirée), mais ça ne va peut-être pas
d.durer..Apparemment ces actions violentes ont été concertées au plus
haut sommet afin de durcir la répression ( je pense par exemple à Metz ;
où les flics ont également chargé les manifestants sans raison). Je ne
sais pas quel est leur intérêt mais en tout cas n'ayons pas peur de tels
agissements qui ne font que renforcer notre colère et notre mobilisation.
QUELQUES NOTES EN MARGE DE CE RECIT
Extraits d'un tract CGT (Postaux de Paris):"... c'est cela qui fait peur
au pouvoir. Comment expliquer autrement la violente répression policière
du 10 juin lors de laquelle de paisibles manifestants furent sauvagement
matraqués? Le cycle provocation/répression est un système rôdé.
Rappelons-nous, par exemple, que dans le passé (notamment lors de la
manifestation sur le sidérurgie en 1979) on a déjà vu des casseurs
portant sur le blouson de faux badges syndicaux mais de vraies cartes de
police dans la poche...."(12/6/2003)
Extraits du Monde (12/6/2003")"... plusieurs responsables syndicaux ont
été conviés au ministère de l'intérieur dans la nuit du lundi au
mardi..." et question d'un lecteur du journal"...Quel sorte de
gentleman's agreement ont conclu les différents interlocuteurs...Que se
trame-t-il dans les
coulisses?...(Le Monde 18/6/2003)
QUELQUES REFLEXIONS SUR UNE COORDINATION NATIONALE DES ETABLISSEMENTS ET
DES ECOLES EN LUTTE
Lors de la manifestation du 10 juin, il nous a été possible de voir
affiché tout au long du parcours un "Appel aux Confédérations, aux
Fédérations et aux Syndicats. Ces appels étaient signés, sans autre
mention, "Coordination des établissements et des écoles en lutte". Nous
avons été aussi été intrigués de voir que nombre de ces affiches étaient
déchirées, selon toute vraisemblance par ceux qui voyaient d'un drôle
d'oeil le développement d' organismes de lutte organisés par les
travailleurs eux-mêmes.
A première vue, le texte de cet appel pouvait paraître recouper
l'ensemble du mouvement de base chez les enseignants qui, dans certaines
régions avait constitué de telles coordination ou collectifs pour que les
travailleurs impliqués puissent décider eux-mêmes de la forme de leur
lutte et des moyens d'action. Nous avions eu également des échos, comme
en témoigne le récit ci-dessus, des méthodes utilisées par les "grands"
syndicats "reconnus"pour court-circuiter ces organisations de base, leur
ôter tout efficacité, en quelque sorte les détruire, sinon en faire des
appendices des syndicats totalement soumis à leurs mots d'ordre, à leurs
politiques qui de tout évidence ne coïncident pas avec ceux de la base.
Les échos de ces conflits au sujet de l'orientation du mouvement de lutte
nous ont fait réfléchir plus avant au contenu de cet appel. Il n'est pas
nécessaire de reproduire tout le texte de cette affiche pour comprendre
ce qui est en cause, sans pouvoir attribuer une telle orientation à une
manipulation politique ou syndicale ou bien à un un manque d'expérience
ou de réflexion politique de la part des acteurs dans cette coordination.
Citons seulement les passages qui nous paraissent les plus significatifs:
"...C'est au moment où les travailleurs sont mobilisés à un niveau jamais
atteint depuis longtemps et où le pouvoir est en difficulté, que les
syndicats doivent prendre l'initiative de façon décisive, par un appel
sans ambiguïté à la grève générale interprofessionnelle
reconductible...." ( passage imprimé en rouge pour qu'il soit lu et
retenu avant tout)
"...La Coordination nationale... appelle solennellement les
confédérations, fédérations, syndicats, à lancer , à partir du 10 juin,
une mobilisation de tous les salariés qui prenne la forme d'une grève
générale..." Suit une énumération des projets (retraite,
décentralisation) qui doivent être retirés purement et simplement. "Ces
retraits et abrogations constituent des préalables indispensables à toute
réelle négociation..."
Suit tout un ensemble de recommandations dont la plus intéressante est
que les organisations ainsi sollicitées: "...s'engagent à ne rien signer
qui ne soit pas préalablement soumis au personnel gréviste réunis en AG ,
à tous les niveaux...".
La fin est un appel à la "responsabilité" des organisations visées, les
culpabilisant en quelque sorte d'avance si elles n'obtempéraient pas à
cet appel.
Peu importe de savoir comment un tel appel a pu être élaboré et par qui.
La principale question ainsi posée est de savoir quel sens a un tel appel
aux syndicats et si ceux-ci sont capables d'y répondre.
Pour trouver la réponse à cette question, on peut regarder quelles furent
les réponses des syndicats lors des grands mouvement de mobilisation des
travailleurs ( 1936, 1945-47, 1968, 1995): ils firent alors tout ce qui
était en leur pouvoir, non pour donner plus d'ampleur au mouvement pour
une transformation de la société mais pour stopper le mouvement et ainsi
renforcer le capitalisme.
Pour trouver une réponse, on peut se demander simplement pourquoi existe
une coordination alors que les syndicats sont là, théoriquement, pour
organiser un mouvement de lutte et impulser sa dynamique. La coordination
n'existe précisément parce qu'ils ne le font pas et qu'ils oeuvrent pour
d'autres buts que laisser les travailleurs en lutte décider eux-mêmes de
leur lutte.
Alors, pourquoi la coordination en appelle aux syndicats, abdiquant en
quelque sorte son propre rôle et sa propre existence d'émanation des
travailleurs en lutte. Si un appel devait être lancé ainsi au cours d'une
manifestation ce serait d'appeler précisément les travailleurs à
s'organiser aux-mêmes, à surmonter toutes leurs divisions, à créer
eux-mêmes leurs propres organisations de lutte,à les coordonner en fixant
les règles de ces coordinations et les but de la lutte, à décider de tout
eux-mêmes.
En appeler aux syndicats, au lieu de s'adresser à l'ensemble des
travailleurs, c'est faire rentrer dans le cadre légal les créations
existantes des travailleurs en lutte, un cadre légal auquel elles
échappaient par leur existence même. Pourquoi ?
La réponse peut être donnée par le report des débats qui se sont déroulés
au sein de cette coordination nationale à la fin mai. et qui touchent l'
intervention du groupe Lutte Ouvrière sur une question en apparence
secondaire d'organisation des débats. Les militants de Lutte Ouvrière,
par une présence massive aux assemblées de cette coordination ont fait
échouer une proposition visant à requérir de chaque participant d'être
mandaté par une assemblée de base précise locale , et réussi à faire
adopter ( facile car ils étaient majoritaire) un vote à main levée des
seuls présents ( qui pouvaient venir de partout et ne représenter
qu'eux-mêmes,ces assemblées étant ouvertes). De même, auparavant, la même
majorité avait faire repousser une proposition de transformer la
coordination enseignante en une
coordination interprofessionnelle.
On comprend mieux, connaissant ces faits, le sens de l'appel que nous
évoquons ici. Pour les groupes politiques, qui souvent occupent ou
tentent d 'occuper des positions dans les hiérarchies syndicales et leurs
délégations de base en vue d'un élargissement de leur base politique,
l'essentiel est précisément de renforcer leur présence dans les
syndicats. Donc, le mouvement de base doit être orienté et canalisé vers
les syndicats. Pour la plupart des groupes politiques, petits et grands,
pour la plupart des syndicats, petits ou grands, les créations de la base
doivent à tout prix être colonisés (parce qu'elles sapent leur raison
d'être) et transformées en annexes de l'organisation oeuvrant pour ses
visées politiques ( un vieux problème historique autant qu'actuel)
Tout mouvement autonome trouve ainsi devant lui des opposants parfois
inattendus, d'autant plus dangereux qu'ils emploient un langage radical,
critique des directions syndicales mais n'oeuvrant nullement pour donner
force entière aux organismes de lutte créés par les travailleurs
eux-mêmes.. C'est inévitable et cela ne peut être surmonté que si le
mouvement est assez puissant pour réduire à néant ces tentatives
d'appropriation. On peut penser que si de telles tentatives réussissent ,
comme cela paraît être le cas pour cette coordination, et sans doute
aussi pour d'autres organismes de base, c' est parce que le mouvement
n'est pas assez fort, généralisé et conscient de ses perspectives pour
déjouer ces manipulations et imposer ce que requiert ses propres
intérêts.
Nous répétons que notre intention avec ces textes est de recueillir des
conseils, des critiques et des informations sur tout ce que chacun a pu
vivre au cours de ces derniers mois en vue d'en faire une brochure.
Notamment dans les tentatives de donner forme et contenu au mouvement d'
autonomie de la lutte .Et, en particulier, dans les difficultés qu'ils
ont pu rencontrer de la part de tous ceux ( pas toujours ceux auxquels on
pense d'abord) qui tentèrent de manipuler et de détruitre les expressions
de cette autonomie qui constitue, pensent-ils (et ils ont raison), une
menace pour leur existence même en tant qu'organes de gestion du
capitalisme et de maintien de l'ordre social garantie de cette existence
même.
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