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(fr) Alternative Libertaire #356 (UCL) - Unification syndicale: Les fondations de la maison commune
Date
Fri, 17 Jan 2025 20:31:54 +0000
Le terme «maison commune» a émergé ces derniers mois à l'occasion du
processus de rapprochement entre la CGT et la FSU. Il peut être compris
comme une étape vers une unité renforcée du syndicalisme de lutte. Mais
comment la traduire concrètement dans le militantisme syndical de
terrain, loin des tractations entre responsables syndicaux? ---- Les
syndicalistes révolutionnaires de l'UCL se sont dotés lors du congrès
d'Angers d'une orientation «pour une unification du syndicalisme de
lutte»[1]. À ce titre, nous saluons l'écho trouvé récemment par l'idée
de «maison commune» entre la CGT et la FSU. Nous souhaitons qu'à terme
elle puisse accueillir les syndicalistes de lutte quelle que soit leur
étiquette syndicale et qu'elle puisse préfigurer ainsi d'une
recomposition plus profonde. Le mandat fédéral de la FSU de travaux à
trois avec Solidaires et sans exclusive est un signal positif. Mais pour
l'heure les mandats de congrès de la CGT comme de Solidaires sont de
tenir Solidaires à l'écart.
Cette maison commune ne pourra pas être construite par en haut. Loin des
décisions de congrès, ce sont les équipes syndicales de terrain qui
doivent donner corps à cette orientation unitaire et de classe. Voici
trois ingrédients qui nous semblent incontournables.
Prendre l'habitude de militer ensemble
Auprès des collègues, sur le lieu de travail, le syndicalisme de lutte
est plus fort, plus crédible, plus lisible, quand il est uni. Chaque
action syndicale, de l'accueil des salarié·es en détresse individuelle à
l'appel à la grève en passant par la syndicalisation et la
représentation des personnels, doit être l'occasion de poser la question
de la collaboration entre organisations syndicales, de leur
complémentarité, et d'ouvrir les initiatives aux autres partenaires
syndicaux. L'arc intersyndical possible dépendra toujours plus des
réalités de terrain que de grandes déclarations sur le trio
CGT-Solidaires-FSU (dans le privé la FSU n'existe pas; dans bien des
secteurs, FO, la CFDT ou l'Unsa peuvent être des interlocuteurs
corrects, voire même avec des pratiques de lutte; attirer une CFDT
hésitante dans une initiative peut permettre de réunir ensuite un arc
intersyndical au grand complet, plus crédible auprès des salarié·es,
etc.). Sans tomber pour autant dans la compromission, il s'agit de
laisser chaque organisation prendre ses responsabilités face à des mots
d'ordre de lutte, revendicatifs, crédibles, à l'écoute des travailleurs
et des travailleuses.
Au-delà du syndicalisme sur son lieu de travail, l'intersyndicale doit
être une préoccupation permanente à tous les échelons professionnels et
interprofessionnels, locaux, départementaux, nationaux. L'idée reste la
même: laissons les autres organisations se positionner elles-mêmes sur
un axe «lutte de classe versus collaboration de classe», ne décidons pas
à leur place, et gagnons nos luttes ensemble au lieu de les perdre seul·es.
Le pire ennemi du travail intersyndical généralisé, et par suite de la
maison commune, c'est le sectarisme de chapelle syndicale. Celui-ci peut
être motivé de différentes manières mais résulte souvent d'un historique
conflictuel: mésentente entre responsables syndicaux, scissions,
exclusions, construction «contre» le syndicat voisin, dénonciation de la
mainmise d'un parti politique, etc.
Le rejet du sectarisme syndical
Ces divisions peuvent avoir été légitimes, et l'être encore, mais elles
ne peuvent en aucun cas justifier un affaiblissement du syndicalisme de
lutte au détriment des travailleurs et des travailleuses. Quand les
conditions sont réunies pour que ces conflits soient dépassés, ils
doivent l'être, au nom de l'intérêt supérieur de l'unité de classe. Il
est donc de la responsabilité des militant·es révolutionnaires de se
comporter de manière à reconstruire des ponts, et pas au contraire de
bruler les ponts subsistants. Reconstruire entre organisations de lutte
d'abord, et entre toutes les organisations syndicales ensuite, sans
exclusive, pour que le pôle de lutte puisse reprendre du terrain sur le
pôle cogestionnaire. Reprendre du terrain en convainquant les collègues
perplexes devant la division syndicale en même temps que les équipes
syndicales «d'en face».
Ainsi il faut s'interdire les blagues entendues sur telle confédération
qui serait experte en trahison ou telle autre confédération qui serait
perméable à l'extrême droite, et ne pas alimenter de manière superflue
la concurrence identitaire entre Solidaires et la CGT. Il faut
encourager ses camarades syndicalistes à comprendre que chaque
organisation a ses intérêts à défendre, ses stratégies, ses
contradictions et tensions internes aussi, et que les jugements à
l'emporte-pièce ne rendent pas compte fidèlement de ces réalités
complexes et contrastées.
Une réflexion de fond sur nos outils syndicaux
Une bonne «praxis» syndicale quotidienne, articulée autour des deux
ingrédients précédents, est indispensable mais insuffisante. En effet le
syndicalisme nous met le nez dans le guidon des défenses individuelles,
des élections professionnelles, de la logistique de manifestation, des
réunions d'instance, etc. Dans ces conditions, difficile de poser les
débats de fond. Or la fondation d'une maison commune est précisément un
débat de fond.
Les moments de respiration dans ce syndicalisme du quotidien, que sont
les congrès syndicaux, les assemblées générales de sections, les congrès
confédéraux ou de l'union, doivent être exploités pour poser ces enjeux
sur la table, dans le respect de la démocratie interne et sans
développer de positions théoriques ou absolutistes hors sol. Ces moments
doivent être l'occasion de rappeler les fondamentaux du syndicalisme
révolutionnaire, la double besogne, la distinction cruciale entre
indépendance syndicale et neutralité politique, la légitimité du
syndicalisme à proposer un projet de société et à s'exprimer sur tous
les sujets qui concernent les classes laborieuses, et ainsi de suite.
Interroger l'outil syndical, tirer des bilans et des perspectives, dans
un contexte de renforcement des crises du capitalisme, de montée en
puissance de l'extrême droite et d'affaissement du syndicalisme de
lutte, doit nous permettre de désacraliser les formes syndicales que
nous connaissons aujourd'hui et de nous demander: «que ferions-nous si
nous repartions aujourd'hui d'une table rase?». Il y a fort à parier que
si nous repartions d'une table rase, on bâtirait dessus une maison commune.
Auguste (UCL Lyon)
Notes:
[1]« Réflexion syndicaliste révolutionnaire », IIe congrès de l'UCL
(Angers, 3-5 novembre 2023).
https://www.unioncommunistelibertaire.org/?Unification-syndicale-Les-fondations-de-la-maison-commune
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