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(fr) Courant Alternative #344 (OCL) - MARTINIQUE: Vie chère et colère
Date
Tue, 12 Nov 2024 17:51:42 +0000
Depuis le début de septembre, la Martinique se trouve de nouveau avec
des manifestant-e-s qui dressent des barrages, bloquant des routes et
les abords des grandes surfaces pour protester contre la vie chère. ----
Au début était le RPPRAC ---- «Bésé les prix, sé pou sa nou lari, la
Matinik levé» - Baisser les prix, c'est pour ça qu'on est dans la rue,
la Martinique debout. ---- C'est suite à l'appel du RPPRAC
(Rassemblement pour la protection du peuple et des ressources
afro-caribéennes) que les manifestants défilent pacifiquement, puis
s'installent sur les parkings et bloquent les entrées des centres
commerciaux durant la journée, ou le temps que les forces de répression
viennent les déloger. L'objectif: dénoncer la vie chère, 40 % de plus
qu'en métropole. Ces actions se sont déroulées dans de nombreux centres
commerciaux sur l'île - les Leclerc, mais surtout les Carrefour,
symboles du monopole de la grande distribution dans l'île, dont les
enseignes appartiennent au groupe capitaliste du béké Bernard Hayot. Dès
le premier appel, qui a rassemblé près de 700 personnes, les leaders du
RPPRAC ont été interpellé-e-s, dont Rodrigue Petitot qui sera ensuite
relâché. La France a vu défiler les gilets jaunes, le rouge est ici le
symbole de ralliement. Il s'affiche sur les manifestants: T-shirts,
chemises, rubans sur les voitures, etc. Le slogan: «On est ici chez
nous... Quand on comprend qu'on est propriétaire, on arrête de se
comporter en locataire». Le mouvement dénonce le monopole de la grande
distribution. Son leader dit représenter «le peuple» et n'hésite pas à
parler au nom du «peuple». Ce mouvement qui se veut citoyen et pacifique
a été porté par les réseaux sociaux, et c'est via ces réseaux que le
RPPRAC a lancé dès la mi-aout les premières mobilisations hors syndicats
ou mouvements politiques. Ses représentant-e-s se revendiquent de la
mouvance RVN «rouge-vert-noir» - le drapeau emblème qui devra effacer le
bleu-blanc-rouge.
Institutions et patronat dans la crainte
Parallèlement, le 8 septembre, à la suite d'une énième manifestation
contre la vie chère, la «carotte» des tables rondes ne tarde pas. Il
s'agit de faire oublier le souvenir laissé par la grève générale de
2009, menée par le LKP avec son leader Elie Domota, qui a paralysé les
Antilles mais surtout la Guadeloupe. De faire oublier aussi les grèves
et la révolte, voici deux ans, suite aux licenciements de soignants et
pompiers qui refusaient l'obligation vaccinale contre la covid-19. Là
encore, la contestation dénonçait les conditions de vie dégradées et la
répression de l'Etat colonial. «An bann bétché, vôlé nou kéyé fouté you
dewô» - Bande de békés voleurs, nous allons vous foutre dehors.
Cette fois-ci, avant que la rue ne s'organise, se radicalise, et que le
mouvement ne s'étende, les acteurs de l'économie (politiques,
associatifs et syndicalistes) se réunissent très rapidement. Face à ce
problème profond et structurel, il leur faut gagner du temps, désamorcer
la colère des quartiers et tenter de trouver une réponse. La grande
distribution est en accusation. Tenaces et avides, les patrons veulent
obtenir encore et toujours plus d'aides de l'Etat pour accompagner et
compenser les éventuelles diminutions concédées sur les prix tant
demandées par les manifestants. Mais le grand patronat, puissant et sur,
se voit protégé par les forces de répression coloniale avec la venue de
renforts de CRS. Les patrons de la grande distribution ne sont pas prêts
à rogner sur leurs marges ni sur les profits qu'ils réalisent sur le dos
de la population et des salariés. Notons que si le RPPRAC est parti lors
de la première réunion de concertation, suite au refus du préfet et
autres présents que ces discussions soient diffusées et servent de
tribune aux leaders du mouvement, il est revenu ultérieurement autour de
la table.
Parallèlement et pendant ces concertations, l'ordre étatique et
républicain doit régner. La répression policière en cours est
accompagnée d'un couvre-feu et d'une interdiction de se rassembler et
manifester en ville jusqu'au 26 septembre, puis jusqu'au 21 octobre. Des
mesures qui n'ont en rien découragé les manifestants et arrêté les
blocages. En réponse, et dans l'attente de solutions concrètes et
rapides, la population en mouvement dans la rue se radicalise.
Contre la vie chère
D'une façon générale, les prix de consommation courante et services
payés par les ménages sont de 30 à 42% plus élevés que ceux de la
métropole. Le lait: 46% de plus; le paquet de pâtes: 90%, etc. Ces
différences sont autant dues aux prix imposés par les grandes enseignes
que par la CMA CGM - le transporteur maritime de conteneurs qui en a le
monopole sur les Antilles. Selon l'Observatoire de la pauvreté (janvier
2023), la grande pauvreté frappe 5 à 10 fois plus fort les départements
d'outre-mer (DOM) que la métropole: 10% en Guadeloupe, en Martinique et
à La Réunion, et 30% en Guyane, contre 2% en métropole. Selon l'INSEE,
en 2022 les prix à la consommation ont davantage augmenté qu'en France
métropolitaine: 9% à La Réunion et 16% en Guadeloupe et pour l'ensemble
des DOM.
La Martinique reste à 87% encore très dépendante de la métropole pour
les importations alimentaires, selon un rapport de l'Assemblée
nationale. En 1956, Daniel Guérin résumait ainsi cette dépendance des
Antilles (1): «En bref, les Antilles servent de marché à peu près
exclusif pour les denrées alimentaires et produits fabriqués en
métropole qu'elles échangent contre leur sucre et leur bananes.»
Aujourd'hui, après la chute du sucre et de la banane, c'est sous une
autre forme que cette politique colonialiste persiste. Car n'oublions
pas le lourd tribut payé par les Antilles dans le domaine de la santé,
où 85% de la population subit les effets dévastateurs du pesticide
chlordécone: empoisonnement de la population mais aussi du littoral, des
rivières, etc. Sans parler du problème de l'eau. C'est dans ce cadre
d'importations et d'exploitation que les groupes capitalistes
monopolistiques - tels ceux de B. Hayot et de R. Saadé (patron de la CMA
CGM et 8e fortune de France - gonflent les prix et assurent de
confortables marges à leurs bénéficiaires.
Le Groupe Bernard Hayot
«Hayo toujou sakrifié salaryé aypou féankos plis lajan» - Hayot sacrifie
toujours les salariés pour faire encore plus d'argent.
Le Groupe Bernard Hayot (GBH) est dominant dans la grande distribution
(les Carrefour, mais aussi Euromarché, Décathlon, etc.). Il a su aussi
développer ses activités dans l'importation d'automobiles. GBH est
présent à La Réunion, en Guyane, en Kanaky... Il a étendu ses tentacules
au-delà des colonies, vers le Maroc et l'Algérie, voire d'autres pays en
Afrique. La famille Hayot est classée au 119e rang des fortunes de
France. Le chiffre d'affaires de GBH a doublé en six ans: il est passé
de 1 à 2 milliards d'euros de 2001 à 2008. En 2021, ce chiffre
s'élèverait à 3 milliards, et la fortune personnelle d'Hayot à 300
millions d'euros. Descendant de colons arrivés en Martinique en 1680,
Bernard Hayot est donc l'héritier d'une fortune bâtie sur l'«or blanc»:
le sucre. Une fortune faite sur l'exploitation des esclaves puis, au fil
des décennies, des salariés, et bien sur en tirant profit des prix fixés
sur le dos des consommateurs. Autant de faits qui feront du patron de ce
groupe le symbole naturel de la pwofitasion maintes fois dénoncée par
les populations au cours des dernières révoltes sociales.
Entre la carotte et le bâton
C'est donc entre concertation et répression que de violentes
échauffourées ont opposé jeunes et forces de répression dans les
quartiers de Fort-de-France ou ailleurs sur l'île. Comme en Kanaky, la
répression reste la réponse de l'Etat français à la population qui
proteste dans la rue. La tension est montée d'un cran à Fort-de-France
avec des nuits de révolte, des voitures brulées, des lampadaires et des
arbres abattus pour entraver routes et ronds-points. Le bilan
préfectoral est de 52 véhicules incendiés et 61 commerces cambriolés et
pour certains incendiés. Une révolte suivie par de nombreuses
arrestations. L'ordre doit régner sur tout le territoire de la
République. C'est dans ce but que l'ancien ministre de l'Intérieur, G.
Darmanin, a dépêché vers la Martinique ses CRS. Notamment la CRS8, unité
d'élite spécialisée dans la lutte contre les violences urbaines et qui a
été déployée en renfort à Mayotte pour l'opération «Wuambushu». Pour
nombre de Martiniquais, l'arrivée de ces CRS est une provocation de plus
de la part de l'Etat français. En effet, en 1959, suite à un banal
accident de la route entre un Martiniquais noir et un métropolitain
blanc, la tension monte, et s'ensuivent trois jours de violences.
L'intervention des forces coloniales provoque trois morts, celles de
Martiniquais âgés de 15, 19 et 20 ans. Face à cette démesure de la
répression, le conseil général de Martinique décide le retrait de tous
les «CRS et éléments racistes indésirables». Cet événement est resté
dans les mémoires sous le nom de «décembre noir». Le retour des CRS
soixante-cinq ans après a fait resurgir souvenirs et traumatismes.
«Cette mesure ne fait qu'aggraver les tensions et détourner l'attention
des revendications légitimes», a déclaré la députée PS de la Martinique.
Le retour des institutionnels
Des manifestations fréquentes et des actions de blocage d'enseigne
répétées sont initiées par le RPPRAC depuis la mi-aout, accompagnées
parfois par des travailleurs solidaires (comme des dockers), les rideaux
des boutiques du centre-ville à Fort-de-France sont baissés le 19
septembre, les chauffeurs de taxi mènent des opérations escargot, suivis
le 24 septembre par des chauffeurs routiers... Et pourtant c'est
seulement un mois après que les organisations syndicales, dont la CGTM
(2) et la CDTM (3), décident de rattraper le mouvement pour protester
aussi contre la vie chère et le racket des populations. Radicale, la
CGTM dépose un préavis de grève illimité, mais sans réelles perspectives
ni objectif concret, tandis que la CDTM se contente d'un défilé le seul
28 septembre. Durant cette période, manifestations et barrages
continuent et s'intensifient, suivis par de violentes confrontations
nocturnes avec leurs lots de blessés et d'arrestations.
Ce 1er octobre, comme partout en métropole, sera l'énième appel syndical
à se mobiliser et descendre dans la rue. Ce jour-là, les Martiniquais
manifestent contre l'augmentation des salaires et des minima sociaux,
pour le retrait de la réforme des retraites et, bien sur, contre la vie
chère. Les syndicats invitent même la population à se joindre aux
mobilisations et barrages qui perdurent, depuis plus d'un mois, animés
par des jeunes, des habitants et des travailleurs. Par ailleurs, malgré
l'instauration du couvre-feu imposé par les forces de l'ordre
coloniales, les échauffourées continuent et conduisent aux émeutes des 7
et 8 octobre.
Un appel sans lendemain
«Les fauteurs de troubles, persistant à prendre la population en otage
de leur stratégie de chaos, ont continué à semer la violence dans la
nuit dans la nuit du 7 au 8 octobre (...). Conformément à leur mission,
gendarmes et policiers sont intervenus pour garantir la sécurité sur
tout le territoire», communique le préfet.
Suite à cette flambée de violence, l'ensemble des syndicats, des
associatifs, etc., déclarent la journée du 9 octobre «Martinique île
morte» et dénoncent la répression coloniale, avec un appel à la grève et
à ce que la mobilisation soit la plus forte possible. Une manière de
circonscrire une situation qui leur échappe. Une opération que le maire
de Fort-de-France soutiendra pleinement avec, bien sur, un appel «au
calme et à la retenue pour trouver des solutions durables aux problèmes
structurels de la cherté de la vie».
Certes, il est important que les travailleurs se mobilisent à leur tour.
«Ensemble et unis» reste le seul moyen qu'avec la population ils fassent
reculer les affameurs et les exploiteurs du patronat. Une «union» déjà
réalisée sur les blocages et manifestations. «Ensemble et unis», seul
outil aussi pour faire reculer l'Etat colonial qui réprime les révoltes
pour protéger les profiteurs parasites et garder sa domination sur les
Antilles. Mais encore faut-il dépasser l'attentisme syndical, encore
faut-il que les travailleurs conscients de leur force collective
s'emparent de leurs luttes et ne se laissent pas brider par les
bureaucraties et les politiciens nantis.
Pour gagner du temps et calmer la population, les élus fixent une table
ronde le 10 octobre avec l'ensemble des représentants concernés. C'est
dans le cadre de cette journée «Martinique île morte», et à la suite de
violents affrontements au Carbet le matin entre manifestants et
gendarmes venus débloquer un barrage, que dans l'après-midi la
gendarmerie inaugurée mi-aout est partie en fumée.
Oui, les travailleurs et la population des Antilles, comme en Kanaky ou
ailleurs, ont raison de se révolter. En plus des profiteurs, c'est
l'ordre colonial qu'il faut renverser, et le système capitaliste qui le
produit.
Decaen, le 15 octobre 2024
Notes
1. Militant anticolonialiste et communiste libertaire. Lire CA n° 341
(juin 2024): «Un couvre-feu et puis après».
2. Confédération générale des travailleurs de la Martinique.
Indépendante de la CGT française depuis 1976 et premier syndicat de l'île.
3. Confédération démocratique des travailleurs martiniquais. Se
revendique de la lutte des classes, mais aussi «du bien-être au travail
des salariés».
https://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article4284
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