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(fr) Monde Libertaire - Rat noir en novembre, Noël en décembre
Date
Sun, 10 Nov 2024 08:31:00 +0000
Pour changer un peu, le mois de novembre, en France avec François
Villon: Balades en argot homosexuel. Russie classique: Le Nez de Nicolas
Gogol et Russie contemporaine: Le mage du Kremlin de Giuliano da Empoli.
Italie: Ernesto d'Umberto Saba. Et pour terminer, focus sur L'anarchisme
en Méditerranée orientale et occidentale d'Isabelle Felici et Costano
Paonessa. ---- ... «Que ce refrain ne vous remaine: Mais où sont les
neiges d'antan?» ... ---- François Villon ---- Le port de Parga (Epire),
photo Patrick Schindler, 2024 ---- François Villon: Balades en argot
homosexuel ---- François Villon, Ballades en argot homosexuel (éd. Mille
et une nuits): un petit livre révélateur sur ce qu'ont essayé de nous
cacher les censeurs patentés, tout en transformant François Villon «en
un être malchanceux injustement persécuté par tout le monde».! Tels sont
en effet les termes de Thierry Martin, le préfacier de ce petit ouvrage
qui tient à souligner qu'au contraire du mythe, «Villon était un écolier
farceur et pétomane[note]!
Plus loin, Thierry Martin confirme que François Villon était bien
homosexuel: «Il l'avoue lui-même dans des vers cryptés, retrouvés et
étudiés à partir de 1884, dont on a surtout vu jusqu'ici le sens
apparent, destiné à écarter les non-initiés». Thierry Martin nous
restitue alors, une «traduction cash», suggestive et décryptée ne
laissant aucun doute à ce sujet.
Il s'arrête ensuite sur la différence entre l'argot des coquillards,
celui des jobelins homosexuels picards du XIIIème siècle et le brief
langage de François Villon, «utilisé par les prostitués pour tromper la
police et les clients». Ce dernier obéissant à deux règles: il était
interdit aux homosexuels de l'époque (environ, 1460), «de ne pas
sodomiser un homme en érection et de se protéger en tentant de désarmer
buccalement son adversaire pour le sodomiser»!
Ici donc: sept ballades authentifiées de François Villon (aux titres on
ne peut plus explicites: «Ballade des planteurs de culs», «Ballade des
emmanchés», etc.). Les quatre autres ballades étant «attribuées», les
deux premières à Villon et les deux dernières, à son ami et complice
homosexuel: Colin de Crayeux.
Extrait de La balade des esquiveurs de bites!
A gauche: en brief langage et à droite en gras: traduction contemporaine:
Maint coquillart escorné de la sauve / Plus d'un enculeur démâté de
cette sauvegarde
Et désbousé de son ence ou sa poue / Et privé de son levier ou de son membre
(Beau de bourdes, blandy de langue fauve), / Indisponible du javelot,
ayant été caressé par une langue traîtresse,
[Il fait], au ront, faire aux grimes la moue / Fait un peu butiner sa
perche aux brouteurs
Pour quarer bien affin qu'on ne le noue; / Pour bien rebander afin qu'on
ne l'enfile pas,
Couplez vos rois à beaulx-sire-dieulx, / Couplez votre flèche à son priape,
Ou vous aurez le riffle en la joue, / Sinon vous aurez dans la bouche
son bâton,
Jonc verdoyant, havre du marïeu. / Sa tige raide refuge du laboureur.
En postface, avant de nous rappeler les grandes dates de la vie de
François Villon, Thierry Martin nous offre un aperçu complet de
l'homosexualité au temps de François Villon avant de conclure: «Quant à
l'enfer promis aux sodomites, personne n'y croyait: le théâtre profane,
violemment anticlérical, s'en riait autant que de l'excommunication». Claro!
Nicolas Gogol: Le nez
Nicolas Vassiliévitch Gogol est né en 1809 au domaine de Vassilievka,
près de Sorotchintsy, (situé aujourd'hui en Ukraine). Il est considéré
comme l'un des écrivains classiques de la littérature russe. Il a en
effet exercé une grande influence dans la littérature russe de la
seconde moitié du XIXe siècle, notamment sur Fiodor Dostoïevski qui
aurait dit: «Nous sommes tous sortis du Manteau de Gogol.» Son aura
s'est sans doute encore accrue au XXe siècle. Mikhaïl Boulgakov s'en
inspira pour son chef-d'oeuvre, Le Maître et Marguerite.
La préface du Nez de Gogol (éd. Allia, traduction du russe Arthur
Larrue), nous livre un petit secret, qu'il n'est naturellement pas
question de dévoiler. Laissons-nous plutôt conduire par Gogol dans le St
Pétersbourg des années 1830, «où l'on n'avait que peu l'occasion de rire
beaucoup». Pourtant, dans Le Nez, on rit beaucoup! A ce point qu'il
n'est pas étonnant que cette petite nouvelle ait été refusée en 1834,
par le comité de rédaction de L'Observateur moscovite, jugé «sale et
vulgaire». Elle ne paraitra en fait que deux ans plus tard, grâce à
l'influence de Pouchkine dans Le contemporain.
Début de l'intrigue: Que se passe-t-il donc au domicile du barbier
ivrogne, Ivan Yakovlevitch? D'où viennent ces cris? Serait-ce parce
qu'en prenant son petit déjeuner, il a trouvé dans son pain: un nez? Si
oui, était-il si ivre que ça la veille pour avoir par inadvertance,
coupé le nez d'un de ses clients d'un coup de rasoir malheureux? Si
c'est bien le cas, alors son propriétaire devait être pour l'heure, bien
embêté. Et pour cause. Mais alors, que faire? S'en débarrasser
discrètement? Suspens...
Et en attendant la chute, laissons-nous errer parmi des personnages et
des situations hauts en couleur. Ceci, pour notre plus vif plaisir.
Eternel Gogol!
Giuliano da Empoli: Le mage du Kremlin
Giuliano da Empoli, né en 1973 à Neuilly-sur-Seine, est un écrivain et
un conseiller politique italo-suisse.
Dans Le mage du Kremlin (éd. Folio), Vadim Baranov, surnommé «le nouveau
Raspoutine» vient de démissionner de son poste de conseillé du «Tsar»,
entendons: Vladimir Poutine... De ce fait, d'éminence grise, il vient de
passer au statut de fantôme. Mais pour l'heure, où peut-il donc se cacher?
Or, il s'avère que ce n'est pas tout-à-fait par hasard que le narrateur
va réussir à le dénicher. Ce dernier faisant des recherches passionnées
à Moscou sur Evgueni Zamiatine, l'écrivain «hérétique» censuré, «autant
par le Tsar Nicolas II que par le régime soviétique». Parvenu chez Vadim
Baranov sous bonne garde, ce dernier reçoit le narrateur dans sa modeste
résidence surveillée. C'est là qu'il lui tend un document rare: une
correspondance entre Zamiatine et Staline, dans laquelle le premier
demande, dans un style direct au second, l'autorisation de quitter
l'URSS. Et Baranov de commenter: «Vous tenez dans vos mains une des plus
belles suppliques adressée par un artiste à Staline. Cependant, le
problème de Zamiatine était d'avoir tout compris trop vite de ce
qu'allait devenir le soviétisme et surtout d'avoir commis l'imprudence
de l'écrire».
Sur ce, Baranov se met à raconter à notre narrateur toute son histoire.
Elle commence avec cette phrase: «Le pouvoir est comme le soleil et la
mort, ils ne peuvent se regarder en face». Une image pour montrer
comment trois générations de sa famille ont réussi à passer entre les
mailles du filet. Son grand-père, au temps du «vrai Tsar»; son père
«ayant presque réussi à rester un bon communiste jusqu'au déclin du
régime» et enfin, lui-même: un étudiant surnageant dans le Moscou
électrique des années 1990, «où le capitalisme assumé allait reprendre
les manettes du pays soviétisé».
C'est ainsi que nous allons retraverser les dernière années tsaristes,
puis soviétiques, ceci jusqu'à la fin de l'ère Eltsine et enfin, les
vingt-cinq années de la «démocratie souveraine» sous l'ère Poutine.
Nous allons alors faire la connaissance des principaux acteurs de son
entourage, tous inspirés des vrais protagonistes, ainsi que de sa
conception fétiche: «la verticale du pouvoir»! Commentaire de Baranov:
«C'est ainsi que moi aussi j'ai glissé dans le nouveau régime avec le
naturel de celui qui avait dans le sang au moins trois siècles de
courbettes». S'en suit un véritable tango infernal qui commence par un
flashback, où l'on voit danser tous les jeunes loups essayant de prendre
la place du «vieil ours alcoolique», à savoir Eltsine.
Dont bien sur, l'ancien bureaucrate du KGB, Vladimir Poutine, celui-ci
se voyant déjà «nouveau Kalif à la place du Kalif»! Et c'est alors que
va apparaitre dans son ombre, le fameux Baranov, convoqué au siège du
FSB (ex-KGB) qui, quelques jours plus tard, se retrouve dans un
restaurant français, face-à-face avec Vladimir Poutine qui l'embauche
afin de «peaufiner son image». Et, nous n'en sommes alors qu'au début du
récit. Baranov va-t-il devenir le «valet Matti» de Poutine ou bien
sera-ce le contraire? Magnifique portrait d'un pouvoir absolu qui
provoque un sacré froid sibérien dans le dos!
NB: dans le même registre, pour les personnes s'interrogeant sur
l'occultisme en Russie, le Rat noir vous suggère de découvrir l'étonnant
document de Patrick Maraloni, paru dans la Revue Basero (N°2&3, éditions
L'Echappée) sur la télépathie en Russie tsariste, puis en URSS jusqu'aux
années 1930.
Umberto Saba: Ernesto
Umberto Saba (pseudonyme d'Umberto Poli), est né le 9 mars 1883 à
Trieste, alors sous l'Empire austro-hongrois, d'une mère juive du ghetto
de Trieste et d'Ugo Edoardo Poli, agent de commerce d'une noble famille
vénitienne. Quand la Première Guerre mondiale éclate, leur fils, Umberto
Saba est appelé sous les drapeaux. C'est durant cette période qu'il
découvre Friedrich Nietzsche. Après-guerre de retour à Trieste, il
commence la rédaction du Canzoniere, se lie d'amitié avec Giacomo
Debenedetti et collabore à la revue Primo Tempo.
Il participe au milieu littéraire et gravite dans les sphères de la
revue Solaria. Entre 1929 et 1931, en raison d'une crise nerveuse
intense, il commence une analyse avec Edoardo Weiss (introducteur de la
psychanalyse en Italie en 1932). C'est alors que la critique découvre
Saba, (ainsi que de nouveaux jeunes auteurs, Comisso, Penna, etc.) et
commence à le considérer comme un maître.
En 1938, en raison des «lois raciales» mises en place par Mussolini,
Umberto cède sa librairie et émigre à Paris. Il retourne en Italie fin
1939, d'abord à Rome où Ungaretti essaie en vain de l'aider, puis à
Trieste, où il décide d'affronter avec d'autres Italiens «la tragédie
nationale». Le 8 septembre 1943, il est obligé de fuir avec sa femme et
sa fille. Il se cache à Florence en changeant de très nombreuses fois
d'appartement, aidé par le poète Eugenio Montale et Carlo Levi. Après la
guerre, Saba reste dix ans à Milan, retournant épisodiquement à Trieste.
Malgré ses deux prix littéraires, Saba reste éloigné du milieu
néo-réaliste qui le redécouvre avec ferveur. Son oeuvre romanesque et
poétique est résolument autobiographique.
Dans la préface d'Ernesto, (éd. Seuil), le traducteur René de Cecaty
nous révèle l'histoire de ce roman autobiographique posthume d'Umberto
Saba écrit en 1953, inachevé et seulement édité en 1975, grâce à la
volonté de sa fille. Il s'agit d'un texte d'une lucidité troublante,
sans concession, mais n'excluant pas une bonne dose de tendresse. Le
préfacier nous explique ensuite, les difficultés de traduction dues au
dialecte triestin. Puis, il nous livre son interprétation sur ce qui
décida Saba (homme marié et père) à faire cet espèce «d'outing tardif»
sur ses premières expériences sexuelles d'adolescent de 16 ans. Cecaty
nous gratifie également d'un panorama des auteurs évoquant l'évolution
de la perception de l'homosexualité dans la littérature européenne,
d'Oscar Wilde à Marcel Proust et ceci, jusqu'à Jean Genet.
Ernesto. Nous sommes à Trieste dans les toutes dernières années du
XIXème siècle sous la domination autrichienne, tandis qu'un dialogue
s'instaure entre «l'homme», un manoeuvre occasionnel embauché dans un
entrepôt de farine «à l'allure vaguement gitane» et Ernesto, notre
héros, un jeune garçon de seize ans, vendeur «». Le sujet de la
discussion des deux protagonistes concerne leur patron, mais dévie
rapidement sur des révélations plus intimes, de part et d'autre.
Nous allons alors suivre le chemin d'une relation devenant très intime
et privilégiée. Une passion plus physique et globale pour «l'homme»,
tandis qu'elle lasse rapidement le gamin. Sans compter les conséquences
qu'implique une telle relation dans une société très règlementée, autant
au niveau des genres que des classes sociales. L'histoire se corse
tandis qu'Ernesto décide de mettre un terme à ce «sac de noeuds»[NdR:
merci de me pardonner ce mauvais jeu de mots!]. Mais comment ne pas
vexer ou être méchant avec «l'homme», lorsque l'on est comme lui, un
garçon au naturel si gentil et complaisant?
Les cinq épisodes de ce magnifique roman nous mènent de rebondissement
en rebondissement, ponctués par les singuliers dialogues de personnages
souvent très attachants. Nous pouvons également jouir d'une peinture
pittoresque de la Trieste aux heures du règne de l'empereur François
Joseph (coutumes, préoccupations politiques et sociales). L'appendice
reproduit une lettre qu'Ernesto adressa à un professeur, émouvante
confession bien que partielle!
Enfin en postface, Maria Antonietta Grignani revient en détail sur la
«naissance» d'Ernesto durant l'été 1953, à l'appui des lettres dans
lesquelles Umberto Saba, bien que très malade, dévoile ses intentions
concernant son roman, dont il pensait qu'il ne serait jamais publié ...
Anarchisme en Méditerranée orientale et occidentale
Anarchisme en Méditerranée (éd. Atelier de création libertaire), est un
ouvrage réalisé sous la direction d'Isabelle Felici et Costantino Paonessa.
Y sont rassemblés les textes de chercheurs et chercheuses, étudiant
l'histoire de l'internationalisme et de l'anti-autoritarisme, en
Méditerranée orientale et méridionale, entre la seconde moitié du XIXème
siècle et la Première guerre mondiale, «longtemps restée en marge de
l'historiographie et seulement remémorée à partir des mouvements sociaux
dans cette région entre 2011 et 2020».
Et ceci, «selon une approche méthodologique transnationale commune aux
différents auteurs, conduisant au dépassement de la "dictature du
national" et à la fin de la distinction entre migration politique et
migration économique, afin de redonner à la Méditerranée la centralité
qui était la sienne de la fin du XIXème au début du XXème siècle, aux
frontières plus fluides que de nos jours»!
Et ce n'est pas tout: dans ces sept textes, nous expliquent Isabelle
Felici et Costantino Paonessa, «le choix a été fait de considérer le
sentiment d'appartenance du point de vue de l'histoire sociale des idées
et de la notion de déplacement, au sens le plus large, plutôt que celle
de "mouvement", généralement utilisée».
D'où le titre de la première partie de l'ouvrage «Déplacements». Serena
Ganzarolli y introduit une première figure marquante, Amilcar Cipriani.
Un «garibaldien en Méditerranée», dont il ne faut pas limiter
l'évolution idéologique et politique à sa seule participation à La
Commune de Paris en 1871. On suit au contraire sa route, tandis qu'il
quitte Rimini e 1859 à l'âge de 16 ans, pour participer à la Deuxième
guerre d'indépendance italienne qui lui vaudra un procès, aux côtés de
Carlo Cafiero et Errico Malatesta (épisode développé plus loin). On
retrouve Cipriani déserteur à 20 ans, exilé d'abord à Alexandrie, puis
durant ses péripéties en Grèce (1862), alors qu'il combat pour la
destitution du roi Otto de Wittelsbach. Ce dernier imposé par la France,
la Russie et l'Angleterre, à l'issue d'une guerre contre l'empire ottoman.
L'autrice s'interroge alors longuement, sur les raisons qui ont poussé
Cipriani à s'embarquer pour la Grèce, puis la Crète (1866), mais surtout
se penche sur leur contexte sous l'occupation ottomane.
Le tout expliquant l'évolution des idées internationalistes de Cipriani
et sa participation à La Commune de Paris, qui le conduiront huit ans en
déportation en Nouvelle Calédonie jusqu'en 1880, avec les autres
Communards condamnés à l'exil.
Mais, son histoire ne s'arrête pas là. Reste à découvrir son autre
séjour en Crète et son conflit avec Malatesta (luttes de libérations
nationales vs/ internationalisme anarchiste). Très intéressant.
Thomas Bleugniet reprend la plume pour nous parler du parcours d'un
autre anarchiste italien en Méditerranée, à la fin du XIXème: Florido
Matteucci. Sa participation à l'internationale anarchiste en 1876, en
passant par ses périodes d'emprisonnement à Naples, Gênes et Florence.
Et son itinéraire «romanesque» de militant clandestin (comme beaucoup
d'Italiens de l'époque), après sa libération de 1880 à 1885, entre les
grands foyers de l'anarchisme en Italie, à Genève, Lugano, Marseille,
Nice, Barcelone et Alexandrie!
Bonne occasion d'en apprendre beaucoup sur les pratiques de surveillance
et d'administration de l'exil, couramment pratiqué à l'époque.
Dans «Lieux», la deuxième partie de l'ouvrage, Weil Bahri aborde
l'émergence entre 1885 et 1921, de groupes politiques (14) et
d'organismes syndicaux en Tunisie, dans lesquels opérèrent nombre
d'anarchistes italiens sous la «Régence», afin de diffuser les idées et
pratiques anti-autoritaires. Rim Naguid nous embarque alors pour
l'Alexandrie du XXème siècle, et reconstitue en détail, «deux épisodes
déterminants pour le développement des réseaux anarcho-syndicalistes».
Le premier en 1907, avec l'arrestation par la police égyptienne sous
domination ottomane, du leader du Mouvement socialiste révolutionnaire
d'Odessa et de deux marins, à l'occasion du complot, organisé par le
consulat russe pour demander leur extradition. Episode historique qui
soulèvera un immense élan de solidarité, mais n'anticipons pas sur la
suite. Signalons juste la rebelotte en 1913, où trois marins du Syndicat
de la mer Noire sont arrêtés sur ordre du consulat de Russie. L'autrice
développe alors avec brio, l'aspect international, cosmopolite et
transnational des deux événements, ainsi que le contexte historique de
l'Egypte, encore province ottomane sous contrôle britannique au tournant
du XXème.
Dans la troisième partie, «Points de vue», Laura Galian traite de
l'anarchisme espagnol et de la question du Maroc, avant et pendant la
guerre civile (1936/39), à partir des discours et prises de positions
des anarchistes espagnols, à l'égard du Maroc et des Marocains sur
l'internationalisme et le colonialisme. Et ceci, depuis et face à la
naissance du fantasme d'une réunion ibérique (Portugal/,
Espagne/Andorre), et d'une étroite collaboration économique et politique
avec le Maroc. L'occasion de suivre de près l'évolution de l'anarchisme
espagnol au Maroc, entre immigrations et luttes ouvrières. Tentatives
d'insurrection anticoloniales au Maroc et explication des raisons pour
lesquelles les troupes républicaines n'ont pas encouragé le nationalisme
marocain contre Franco.
Focus sur la représentation des Marocains dans la presse anarchiste.
Etude comparée des communautés d'anarchistes italiens sur les routes de
la Méditerranée, dans une Egypte «bouillonnante» et dans une Tunisie au
contexte beaucoup plus calme.
Dans les deux cas, précise alors Giorgio Sacceti, «persiste le
conditionnement des rapports humains et sociaux ruinés par des
situations et mentalités polluées par le colonialisme, même pour les
anarchistes».
Ce dernier reprend ensuite le cheminement des chapitres précédents, à
partir des migrations du militant anarchiste Romolo Garbati, exilé
politique errant entre Tunisie, Algérie et Egypte. Ce dernier ayant lui
aussi, tout comme les autres personnages évoqués dans l'ouvrage,
«exploré, selon différents angles, les liens entre dimension
personnelle, biographie locale, provenance et parcours migratoire
international, à l'époque de la première phase d'apogée de la
mondialisation apparue à la fin du XIXème siècle, jusqu'à la Première
guerre mondiale». Ceci tendant à souligner «la prévalence de la notion
de déplacement plutôt que celle de mouvement». Notions nous apparaissant
beaucoup plus claires après lecture.
En postface, Isabelle Felici et Constantino Paonessa nous expliquent
l'idée et la naissance de ce livre en 2020. Le contexte, ou comment
durant l'épisode du covid et des restrictions de déplacements, les
divers auteurs ont réussi à faire parvenir leurs textes aux deux
organisateurs de l'ouvrage, permettant ainsi la réalisation de cet
ouvrage qui passionnera les historiens du mouvement anarchiste (même si
depuis sa publication, quelques spécialistes ont réfuté certaines thèses
évoquées), mais aussi les personnes curieuses de découvrir son parcours
dans les régions méditerranéennes.
Patrick Schindler, individuel FA Athènes
Un passager clandestin qui n'a pas oublié
https://monde-libertaire.fr/?articlen=8084
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