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(fr) CNT-AIT - Inondations en Espagne: comment le capitalisme aggrave le désastre. la «normalité capitaliste» est le problème, pas la solution!
Date
Sat, 9 Nov 2024 08:06:55 +0000
Comment le capitalisme aggrave le désastre. Communiqué de l'Union
régionale CNT-AIT du Levante. ---- 4 novembre 2024 ---- LE CAPITALISME
EST LA PLUS GRANDE CAUSE AGGRAVANTE DES PHÉNOMÈNES CLIMATIQUES EXTRÊMES.
---- Déclaration de la Confédération Régionale Levante de la CNT-AIT
----
https://levantecntait.wordpress.com/2024/11/05/regional-como-el-capitalismo-agrava-el-desastre-comunicado-de-la-cnt-ait-del-levante
---- Nous sommes horrifiés par le niveau de morts et de destructions que
la catastrophe DANA[1]du mardi 29 octobre dernier a provoqué dans le
Centre-Est de l'Espagne. Nous transmettons nos condoléances à tous les
parents et amis des défunt. Nous espérons un rétablissement rapide de
toutes les zones touchées et exigeons des améliorations adéquates face à
la réalité climatique. Depuis certains de nos syndicats de la CNT-AIT,
nous collaborons à la collecte des biens de première nécessité pour
pouvoir les livrer le plus rapidement possible aux zones touchées ces
jours-ci[2]. La solidarité, le soutien mutuel et l'autogestion qui
naissent spontanément de ces catastrophes montrent que la nature humaine
n'a pas de racine égoïste comme voudraient nous le faire croire les
ancrages de la culture capitaliste dominante.
Nous ne partageons cependant pas l'expression récurrente dans ces
moments de «retour à la normale», car, comme dans d'autres crises, nous
soulignons que la soi-disant «normalité» est le problème.
La situation climatique elle-même est en grande partie une conséquence
directe de notre activité économique mondiale; le réchauffement
climatique provoqué par les émissions de gaz à effet de serre
nécessaires au maintien de la production et de la consommation
capitalistes génère un changement climatique rapide, qui augmente à la
fois la quantité et la force de ces phénomènes extrêmes. . Il s'agit
d'un fait scientifiquement vérifié, mais activement marginalisé par les
professionnels de la politique qui savent que, si la politique y
répondait de manière cohérente, elle mettrait en danger la sacro-sainte
croissance économique, dont dépendent les élites économiques ainsi que
les États et leurs structures de pouvoir. L'euphémisme de «développement
durable» promu par la social-démocratie et les libéraux ne cherche pas à
réduire la croissance, qui est la seule formule efficace pour réduire
les émissions et les déchets - même si nous sommes déjà en retard - mais
plutôt à poursuivre la croissance capitaliste repeint sous un logo de
couleur «verte», mais avec la même structure exploiteuse et polluante,
changeant seulement la forme de production ou exportant les conséquences
toxiques vers d'autres territoires.
La société ne considère pas non plus ce problème comme une priorité. Si
on observe tant ses tendances politiques que les courants d'opinion plus
ou moins populaires, il apparaît que la majorité de la société ignore ou
minimise le problème. L'influence sociale des médias généralistes - et
capitalistes - est évidente, qui cachent, confondent ou déforment la
réalité, en faveur de la continuité du système dominant, dans cette
crise et dans d'autres. L'influence particulière des réseaux sociaux ces
derniers temps est aussi un élément aliénant de premier ordre, puisque
leur dynamique a consacré l'opinion[et les émotions]au détriment de
l'argumentation[et des débats], se transformant en un terrain fertile
pour les charlatans de divers bords qui ont popularisé les théories les
plus absurdes et nuisibles. Les réseaux sociaux ont mis en avant
politiquement et socialement beaucoup d'individus aux pensées misérables
avec leurs «bons mots» (buzz) réactionnaires, ce qui convient bien au
pouvoir capitaliste de base: nous maintenir dans l'ignorance par excès
ou par manque d'information contribue à limiter le développement de la
conscience. Sans aucun doute, être à la merci des médias - qu'ils soient
classiques ou en ligne - éloigne les gens de la réalité objective, qui
est celle que permet le contact réel et l'interaction avec ce qui est le
plus proche et le plus existentiel: avec les voisins, avec les
compagnons de travail ou de participation à la vie sociale,
professionnelle ou environnementale, aux collectifs d'assemblées et de
classe... Mais là où devraient se comparent et se discutent les
problèmes qui sont communs à la classe sociale et au lieu où l'on, au
contraire ne pas cultiver ces possibilités, c'est s'abandonner à la
vulnérabilité intellectuelle qui permet la manipulation.
La plus grande anomalie de la normalité officielle est celle qui
concerne l'origine sociale des sinistrés. Dans cette crise et dans
toutes les autres, la classe ouvrière, avec ou sans travail, employée ou
retraitée, est toujours le groupe social le plus touché. C'est d'abord
parce que nous sommes l'immense majorité, mais aussi parce que l'accès
au logement dans notre cas nous conduit dans des lieux historiquement
plus exposés et précaires, où les administrations ont directement permis
un urbanisme kamikaze, accéléré et expansif sur des terrains plus
économiques justement parce qu'ils sont exposés à différents types de
risques, ce qui n'arrive pas dans les zones urbanisées des classes
capitalistes. Il suffit de regarder dans les villes affectées les
quartiers avec les loyers les plus élevés et les plus faibles dans les
villes et on voit que les zones en hauteur, qui ne risquent pas les
inondations dans ce cas, correspondent à celles avec les loyers les plus
élevés.
La pression urbaine du développement urbain poussée par les employeurs
du bâtiment et les banques au cours des dernières décennies a créé une
dynamique administrative favorable à la promotion à grande échelle[de la
construction]. La libéralisation foncière par la loi dans les années
1990 a donné l'impulsion définitive pour faciliter la construction
presque partout, la recherche de requalification en «zone constructible»
a ouvert la porte à davantage de spéculation et de corruption, en
particulier dans la région du Levant où l'espace le plus sur n'était pas
seulement réservé aux riches, aussi pour le tourisme. Dans de nombreux
endroits, les risques tels que les inondations ont été ignorés en raison
de travaux publics très couteux visant à rediriger l'eau, rapprochant
les habitations de ces mêmes torrents.
Dans la plupart des cas, l'expansion lente et naturelle de l'eau[en cas
de forte pluies]a été était limitée drastiquement, la capturant en la
canalisant, ce qui augmente sa vitesse et donc sa force. Bien que ces
éléments de canalisation aient été projetés avec des marges de capacité
élevées, ils sont dépassés par la réalité climatique avec des
conséquences dramatiques et ceux qui vivent dans ces espaces récupérés
sur l'eau sont les classes ouvrières.
La principale vulnérabilité de la classe travailleuse est la coercition
universelle qu'exerce sur elle le capitalisme, c'est-à-dire l'obligation
de devoir vendre notre force de travail pour vivre, et ces jours-ci elle
est devenue un autre piège dans le désastre que nous analysons. Pendant
la catastrophe, tout le monde a pu voir comment les entreprises - déjà
avec l'avis tardif de la protection civile - ne laissaient pas leurs
travailleurs quitter le lieu de travail. Ainsi par exemple, les
plateformes ont forcé les livreurs à continuer de distribuer leurs
colis, ou encore les faisaient venir pour continuer à assurer leurs
quarts de travail au milieu du chaos. Il n'y a pas de surprise dans la
façon de procéder de la production capitaliste: pour eux nous sommes des
chiffres et des résultats; l'exploitation quotidienne, les accidents du
travail ou la condamnation au chômage corroborent cela mois après mois...
Il n'est pas possible de faire appel à la bonne volonté des employeurs,
leur nature est celle de la recherche du profit et cela s'obtient en
comprimant le temps et la main d'oeuvre des salariés. Les
réglementations {censées nous protéger]sont lettre morte en raison de
leur ambiguïté même devant l'exécutif. Il suffit de regarder le
ministère du Travail lui-même qui demande - et non pas oblige - aux
employeurs de respecter la loi sur les risques professionnels afin
d'éviter les situations à risque. Or une alerte météorologique rouge est
bien une telle situation! Mais les patrons n'avaient aucune obligation
légale! Seuls certains centres de travail publics et scientifiques,
comme l'Université de Valence, ont réagi à temps en renvoyant leurs
travailleurs chez eux cinq heures à l'avance, évitant ainsi à leurs
salariés de mettre leur vie en danger.
Face à cette logique habituelle, qui devient visible dans des situations
comme celle que nous venons de vivre, la classe ouvrière, très peu
organisée et sans grande cohésion, dépend presque entièrement d'un
système de représentation syndicale peu soucieux du bien-être des
travailleurs dans leur ensemble. Les comités d'entreprise composés d'un
certain nombre de syndicats institutionnalisés, n'ont réagi à aucun
moment, éloignés comme d'habitude de la réalité ouvrière et sociale qui
entoure le monde du travail.[ces syndicats vivent de]privilèges au sein
de la classe ouvrière, qu'ils obtiennent sans déranger les patrons. En
tant que prolétaires, nous avons encore un long chemin à parcourir pour
assumer la responsabilité de nous auto-organiser dans chaque entreprise,
sur chaque lieu de travail, afin de contrecarrer directement le pouvoir
des entreprises. L'objectif devrait être de parvenir à gérer la
production ou les services à partir d'assemblées ouvrières; cette
possibilité éviterait nombre des attaques patronales dont nous souffrons
en tant que classe ouvrière et faciliterait également une réponse sure,
juste et énergique pour ceux d'entre nous qui travaillent dans des
situations de crise ou d'urgence.
L'État et ses sous-États régionaux ont pour première tâche de maintenir
l'ordre établi, et cet ordre n'est autre que celui du privilège de
l'élite obtenu grâce au capitalisme et à l'inviolabilité de la propriété
privée. C'est la raison / le sens de leur existence et l'autorité est
leur outil. L'Etat n'est pas là pour nous secourir en premier lieu, ce
n'est pas qu'il soit négligent, c'est qu'il répond à une autre logique
primordiale où l'aide à la Population est secondaire. Les espaces de
secours qu'ils aménagent sont des créations secondaires complémentaires
et non prioritaires, destinés uniquement à légitimer leur existence aux
yeux de l'opinion publique en démocratie. Ainsi, face à la catastrophe,
la première chose qu'il fait est de maintenir l'ordre établi en réponse
aux besoins d'un peuple qui a tout perdu et qui a besoin d'avancer[3].
L'État, par ses organes et forces de sécurité, arrête toute personne qui
viole la sacro-sainte propriété privée. Alors que[dans ce chaos]les
mains et les moyens manquent partout,[les éléments de protection de
l'Ordre établi]ne manque pas dès le premier instant. Ils appellent mises
à sac ou pillage pour criminaliser ce qui est une nécessité dans des
situations exceptionnelles. Les médias font écho à ces problématiques
presque anecdotiques pour donner le sentiment d'un danger social et
justifier une répression sévère contre les victimes. Aujourd'hui, même
des groupes réactionnaires se joignent à cette fausse alerte sociale
pour se plonger dans l'émotion viscérale d'aujourd'hui, en organisant
des patrouilles paramilitaires qui parcourent les rues pour défendre
leurs marchandises, pourtant déjà couvertes par les assurances, et qui
pourraient servir à atténuer des situations graves.
Défendre la propriété privée n'aide pas le peuple, cela aide le
capitalisme, l'expropriation sociale de la propriété est un droit alors
que la subsistance en tant que groupe social nous est refusée. La
deuxième réaction de l'État face au vide structurel de gestion et à
l'organisation sociale spontanée qui en résulte est de déployer un grand
nombre de forces de l'ordre, non pas tant pour soulager ou aider, que
pour contrôler les réactions de mal-être qui découle de l'effondrement
culturel des croyances sociales établies.
La Generalité de Valence - l'une de ces Région, sous-États compétents
pour réguler nos vies, pour gérer et répondre aux risques possibles au
sein de la structure exécutive de l'État - a minimisé la menace jusqu'à
ce qu'il soit trop tard, alors qu'elle avait été alertée
scientifiquement 10 heures à l'avance. À l'incompétence homicide de ceux
qui occupent des postes de responsabilité bien payés et dotés d'un grand
pouvoir - que nous devrions immédiatement défenestrer... - nous
ajoutons, comme nous le soulignons tout au long de cet écrit, qu'il ne
s'agit pas seulement d'une négligence de la part de personnes
spécifiques. La chaîne des «échecs» est un fait structurel inhérent au
capitalisme et à son organisation sous la régulation du parlementarisme
délégatif Si cette organisation existe partout, c'est spécifiquement
dans la région levantine que la facilité accordée par l'administration à
l'expansion capitaliste a généré bon nombre de désastres,
fondamentalement lié à l'urbanisme et aux chantiers de construction
(métro de Valence, incendie du complexe résidentiel de luxe «Valencia»
en février 2024, construction du réservoir de Tous suite à la rupture du
barrage de 1982 ...). Comme nous pouvons le constater malheureusement
ces jours-ci le BTP, qui était pourtant le secteur le plus vanté par
l'administration elle-même comme formule de développement, a finalement
eu beaucoup à voir avec le niveau de destruction et de mortalité comme
nous l'avons souligné plus haut.
L'autre point à souligner dans le comportement de l'administration
exécutive élue est celui qui concerne l'arrêt de la production et de la
consommation capitalistes face aux alertes, une possibilité qui sauve
des vies et qui n'est pas exploitée. Il semble que le maintien de la
«normalité» nécessite un certain risque. Dans ce contexte capitaliste,
le principe de précaution n'est applicable ni pour assurer le bien-être
des travailleurs, ni pour maîtriser la fabrication des produits finaux
eux-mêmes (toxicité, contaminants, etc.). ) Comment peut-il encore
exister une croyance sociale selon laquelle l'État ou ses petits frères
s'occuperaient du peuple?... Dans des semaines, des mois et des années,
nous verrons à nouveau, comme dans d'autres catastrophes, comment les
autorités hiérarchiques tenteront d'échapper à leurs responsabilités
envers leurs subordonnés, résistant à leurs obligations subsidiaires, ou
comment les assureurs réduiront, entraveront ou retarderont les
indemnisations en plein deuil... car au début[de la catastrophe]le
Capital et l'État portent le masque de la douleur, mais quand les
émotions se calment, ce qui compte dans le capitalisme c'est l'équilibre
économique et politique.
Enfin, nous voyons se refléter dans d'innombrables images les
«barricades» que la nature a construites dans les rues avec tous les
biens, propriétés et déchets générés par le consumérisme, comme s'il
s'agissait d'une révolution. La nature construit ces murs faits des
conséquences d'une société qui a accumulé des objets et des biens sans
nécessité vitale, et qui ont finalement contribué à aggraver la
situation avec les blocages qu'ils ont générés. La voiture, symbole de
l'individualisme et du capitalisme de consommation, redevient un piège -
comme ce qui arrive avec l'effet de ses émissions ou lors des accidents.
Une mobilité majoritairement collective et non individuelle atténuerait
les grands problèmes généraux comme les problèmes particuliers. La
Méditerranée, cette mer poubelle, reçoit désormais tout le poison que
notre société produit, matériellement mais aussi mentalement...
Il est entre nos mains, nos esprits et nos corps, ceux de toutes les
classes populaires, de repenser ce qu'est réellement la «normalité». Le
réveil que doit provoquer cette nouvelle approche dans les consciences
doit nous permettre de réémerger comme des humains justes et libres,
sans crainte de désobéir, pour rechercher, parmi toutes celles et ceux
qui n'ont pas été contaminées par les privilèges du capitalisme, notre
émancipation.
Organisation sans hiérarchie ni autorité, solidarité et entraide,
rassemblement et action directe, dans la rue, sur les lieux de travail,
dans les quartiers jusqu'au monde entier.
Confédération Régionale Levante de la CNT-AIT.
[1]depresion aislada en niveles alto en espagnol, ou dépression isolée à
niveau élevé en français
[2]Cf. l'article
ESPAGNE: ENTRAIDE ET SOLIDARITE CONCRETE FACE A LA CATASTROPHE DES
INONDATIONS
https://cnt-ait.info/2024/11/07/espagne-entraide-dana
[3]Note des traducteurs: On se souvient que déjà lors de la catastrophe
de l'explosion de l'usine chimique d'AZF à TOulouse en 2001, ou lors de
l'Ouragan Katarina en Louisiane en 2005, les mêmes scènes et la même
politique de maintien del'ordre établi était à l'oeuvre, montrant bien
la caractère structurel du phénomène.
Lire par exemple:
[AZF]ASSASSINS!
https://cnt-ait.info/2024/11/07/dana-cnt-ait-levante/
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