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(fr) Socialisme Libertaire - Les élections passent, les problèmes restent...
Date
Thu, 31 Oct 2024 17:29:04 +0000
«Le récent spectacle donné à l'occasion de la dissolution du Parlement
vient de nouveau éclairer ce que les anarchistes - et donc les
anarchosyndicalistes - répètent depuis plus de 175 ans: les élections
passent, les problèmes restent. L'amère expérience de Proudhon, élu à
l'assemblée de 1848, servit de vaccination initiale: il se rendit compte
que le Parlement, loin d'être un instrument pour porter la parole de la
révolte populaire, était en fait un instrument destiné à étouffer toute
tentative de rupture avec l'Ordre établi. Depuis, chaque élection agit
pour les anarchistes comme une piqure de rappel. ---- Il faut dire que
dernièrement, nous avons été particulièrement gâtés dans ce domaine:
c'est un festival permanent depuis le fameux référendum de 2005 où le
non l'avait emporté, mais dont le gouvernement jugea que le peuple avait
mal voté... On ne peut qu'être admiratif de l'ingéniosité des serviteurs
de l'État, et dont Macron n'est que l'avatar du moment - en la matière:
ils ont l'art de faire et défaire les règles électorales, toujours dans
le but que le Pouvoir reste entre les mains de la bourgeoisie et des
capitalistes. Le scandale de la situation en Nouvelle-Calédonie en est
un autre exemple flagrant: pour calmer les légitimes aspirations à la
liberté des kanaks, l'État avait conclu en 1988 un «deal» avec les
partis politiques représentants les deux communautés insulaires, qui
excluait une partie de la population de l'île du sacro-saint «droite de
vote» - pourtant la liberté absolue selon nos «démocrates
parlementaires». Pour paraphraser Churchill, l'État ne croit qu'aux
élections dont il a falsifié le résultat.
Ce pacte a amené une stabilité politique et donc économique qui a
profité à toute la bourgeoisie néo-calédonienne, qu'elle soit Kanak ou
Caldoche. Mais pendant ce temps, la situation des habitants les plus
pauvres n'a fait que perdurer. On leur a fait alors miroiter la promesse
que l'indépendance nationale allait résoudre comme par magie les
problèmes sociaux, qui ont cependant pour origine la division en classes
sociales. Mais l'État, se ravisant que vue l'évolution démographique de
l'île, le résultat des prochains élections risquait de ne pas être celui
que souhaitait la bourgeoisie locale ou métropolitaine, finalement la
règle fut changée brutalement et sans prévenir. Les rêves de liberté et
d'émancipation des kanas se sont brisés sur la barrière du
parlementarisme et de la «représentativité», qui in fine aboutit
toujours à ce que l'État use et abuse du monopole de la violence dont il
jouit.
Mais ces tours de magie électoraux ne sont pas une spécificité
franco-française. C'est au contraire une pratique répandue dans tous les
pays, et parmi tous les types de régimes politiques. Ainsi, ces derniers
mois, nous avons eu le droit aux élections présidentielles en Algérie
dont même le président élu a estimé qu'elles avaient été truquées!!! Le
spectacle des élections en Russie aussi a été brillant: Poutine réélu
avec 89% des voix de 77% de votants... Il est vrai que les déserteurs ne
votaient pas, pas plus que les pacifistes ou antimilitaristes qui, comme
Azat Miftakhov pourrissent dans les prisons et les camps de travail
sibériens. On a même vu Kim Jung Un, le monarque communiste de Corée du
Nord, aller déposer son petit bulletin dans une urne dont, comme par
magie, là aussi, son parti est sorti vainqueur à 99,9 %! L'élection
présidentielle qui s'annonce en Tunisie ne sera pas en reste: Kaïs Saïed
est en passe de devenir le nouveau Bel Ali, ruinant les quelques acquis
du Printemps Arabe qui avait fait souffler un vent de liberté sur le
monde entier. Le spectacle des élections américaines promet aussi d'être
«grandiose»: pendant que chacun des camps va s'affronter à coup de shows
et de spots publicitaires sur les télés et réseaux sociaux, cramant des
centaines de millions de dollars dans la campagne électorale, des
millions d'Américains vont continuer de crever du fait du trafic de
drogue ou d'armes à feu, et d'un système de santé qui n'est accessible
qu'aux riches.
Certes, si on revient en France, les partis politiques de toute nature
sentent bien le vent de la colère qui grandit: tous, sans exception,
disent qu'ils ont entendu, qu'ils ont changé, qu'ils vont porter une
politique de rupture. Tous les partis qui ont exercé le pouvoir depuis
80 ans (de LFI aux Républicains en passant par les Verts, le Modem ou
les macronistes) - et qui ont donc une responsabilité écrasante dans la
situation de naufrage général - le promettent la main sur le coeur: ce
qu'ils n'ont pas été capables de faire hier, ils le feront demain. Quant
à ceux qui n'ont jamais exercé le pouvoir, le Rassemblement National,
ils jurent qu'ils mettront en place une politique différente. En
attendant, ils n'ont pas attendu d'être au pouvoir pour retourner leur
veste sur un certain nombre de sujets majeurs (sortie de l'UE et de
l'Euro, nucléaire, ...), montrant ainsi la confiance qu'on peut leur
accorder... La seule chose sur laquelle on peut faire confiance au RN
pour respecter sa parole, c'est sur l'application d'une politique encore
plus xénophobe et anti-sociale que celle qui est déjà en vigueur.
Devant ce spectacle affligeant, il n'est pas rare d'entendre des amis,
des familiers, des collègues se demander à quoi sert d'aller voter. En
effet, la question fait sens. Mais il ne faudrait pas que la réponse
soit celle d'une résignation ou pire d'une aspiration à un système
politique autoritaire et policier. Il nous revient à nous, anarchistes,
de rappeler que si les élections passent sans rien changer aux
problèmes, seule une révolution sociale et libertaire permettra la
réelle rupture avec le système de l'argent et de l'État. Mais cette
révolution que nous appelons de nos voeux ne surgira pas spontanément.
Et cela commence par un engagement déjà à titre individuel, celui de
refuser de participer au spectacle affligeant du parlementarisme. Puis à
titre collectif de se regrouper pour organiser la résistance populaire
autonome.»
SOURCE: CNT-AIT - Toulouse | Anarchosyndicalisme!
https://www.socialisme-libertaire.fr/2024/10/les-elections-passent-les-problemes-restent.html
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