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(fr) UCL Saguenay - L'automobile qui nous ronge

Date Sun, 27 Oct 2024 18:53:59 +0000


La démocratisation de l'automobile dans la société de consommation de l'Après-guerre s'accompagnait de belles promesses d'une vie changée. En allant plus vite, nous aurions du temps libéré pour s'occuper de nous et de nos familles. Ces promesses se sont bien vite révélées de vaines illusions. La nouvelle temporalité nous a enchaîné-e-s à une croissance infinie de la productivité et des rapports sociaux encore plus déshumanisants. Or, hormis se trouver un toit sur la tête, la voiture est l'un des biens les plus couteux dans la vie d'un travailleur ou d'une travailleuse. Un nombre astronomique d'heures est passé dans une année à travailler pour la payer ou la rembourser, en plus des intérêts, des assurances, de l'essence, des réparations, etc. Pour se rendre au travail (à l'extérieur de la maison), cela prenait, selon Statistiques Canada, 26,4 minutes en moyenne au Canada en mai 2024[1]. Cette durée, à calculer deux fois dans une journée, ampute encore les 24 heures dans une journée et s'ajoute, sans être rémunérée, au temps de travail, dont le revenu d'une proportion considérable sera consacré à la voiture. Quand on ajoute à cela que nos revenus réels ne font que décroître depuis quelques décennies, on voit que le char nous permet d'aller de moins en moins vite.

Dans les régions périphériques, les petites villes et les villages, l'automobile est aujourd'hui une nécessité pour se déplacer sur les distances de plusieurs dizaines de kilomètres. Après des décennies de dépenses en transport orientées presque uniquement autour de l'auto, il en serait difficilement autrement. Les trains, les services d'autobus et les autres modes de transport en commun apparaissent comme vieillissants, mais ce sont des décisions politiques à la chaîne qui ont fait en sorte que leur financement ne soit pas à la hauteur d'en faire un outil collectif de déplacement viable. Les rapports sociaux de convivialité, de partage et d'entraide ont également écopé d'une temporalité profondément individualiste et productiviste. Dernièrement, Éric Duhaime et le Parti conservateur du Québec faisaient les manchettes avec un rassemblement en Beauce. Avec pour thème "Mon char, mon choix" (récupération stupide d'un slogan féministe), Duhaime cherchait à y rallier démagogiquement la population locale contre une décision gouvernementale de bannir la vente des véhicules à essence dès 2035. Devant la caméra, un homme racontait comment c'était important pour lui d'y participer parce qu'il ne voyait pas comment il pourrait se passer de son vieux char à gaz, parce qu'il n'avait pas les moyens de s'acheter un char neuf électrique. Bien sur, on est pas mal tous et toutes pogné-e-s comme ça. Pogné-e-s, mais vraiment pogné-e-s avec des vieux chars que l'on aime pas plus, que l'on doit toujours faire réparer, avec le stress des couts inattendus au garage et l'angoisse de la fin de vie du véhicule. Comme si l'on ne pouvait pas espérer mieux que d'être pogné-e-s avec nos vieux chars... C'est bien la réalité, dont témoignait l'homme devant la caméra à ce rassemblement, mais c'en est pas moins choquant d'entendre la gang à Duhaime, un ancien lobbyiste de l'industrie pétrolière, tenter de nous faire croire qu'il fait ces pirouettes pour défendre l'intérêt des travailleurs, des travailleuses et des moins nanti-e-s (alors que son programme prône des privatisations et des coupures massives dans les services). Il est évident que dans l'état actuel, sans auto en région, on est très restreint dans notre mobilité et avec une famille, cela peut être très difficile. Mais l'opposition qui est souvent faite entre la "vie en région" et le transport en commun n'est qu'un symptôme du manque d'intérêt accordé au transport en commun par les gouvernements successifs et de tout un système qui a enrichie des poignées de personnes en détruisant la planète.

Enfin, la même tendance se dessine un peu partout sur Terre: on habite de plus en plus loin de nos milieux de travail. La crise du logement nous force encore plus à s'en éloigner. Les constructions domiciliaires qui étendent de plus en plus les villes, le manque de valorisation du transport en commun, ainsi que l'embourgeoisement des centre-villes (avec des rues dominées par la circulation de transit des employé-e-s pressé-e-s) aggravent encore le problème. L'idée que les changements climatiques nous commandent de passer à l'action dès maintenant fait désormais consensus. Néanmoins, on voit bien que nous n'avons rien à attendre de l'État, qui se montre plus soucieux d'assurer le but premier de son existence: d'offrir les meilleures conditions au Capital financier et industriel. Puis, on a vu comment l'un de ses appareils, le système judiciaire, traite les militants et militantes qui ont escaladé le pont Jacques-Cartier à Montréal il y a quelques jours pour réclamer la fin urgente de l'exploitation et de l'utilisation des énergies fossiles. Deux militants demeurent en prison alors qu'une militante a été libérée avec des conditions drastiques: elle ne peut être en compagnie de plus de trois personnes en public, elle ne peut plus participer à aucune manifestation, elle ne peut pas parler de cette affaire sur les médias sociaux et elle ne peut pas parler de cette affaire avec les médias. C'est le visage autoritaire de l'État. Une campagne de socio-financement pour défrayer les frais juridiques se trouve à cette adresse: http://www.chuffed.org/project/support-collectif-antigone-and-last-generation-canada .

Steeve

Notes:
[1]https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/240826/dq240826a-fra.htm

https://ucl-saguenay.blogspot.com/2024/10/lautomobile-qui-nous-ronge.html
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