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(fr) Courant Alternative #343 (OCL) - Avec Dieu, on ne discute pas!
Date
Fri, 25 Oct 2024 17:31:17 +0100
Dès le titre on est dans le vif du sujet. Car Dieu, pour les croyants,
leurs prêtres, églises et communautés est au-dessus de la loi humaine.
Et pour les radicalismes religieux tout doit plier devant ses
commandements: obéissance et confiance aveugle, multiplication genrée
des interdits, pratiques religieuses uniformisées et contrôlées,
réorganisation et contrôle en profondeur de la vie collective et
individuelle. Il s'y ajoute une lutte acharnée, méthodique et
exterminatrice contre les «Autre» à soumettre ou à détruire: laïques et
athées massacrés par des groupes extrémistes au Bangladesh et en Inde;
yézidis et chrétiens par l'État Islamique en Irak, chiites afghans
massacrés par les Talibans, puis par l'État Islamique; chrétiens
condamnés à mort au Pakistan, emprisonnés en Inde mais aussi victimes
des violences d'extrémistes juifs à Jérusalem; musulmans marginalisés,
réprimés et tués par le pouvoir indien...
Et, il ne faut pas oublier le sort systématiquement réservé à la moitié
des populations de ces pays. Les femmes, sont les cibles permanentes de
l'ordre masculin et bigot (au pouvoir ou pas) et à qui on n'accorde au
mieux qu'un statut de subalternes, mariées de force, violées, exploitées
et soumises à vie. Pour des fautes graves contre l'absolutisme religieux
et patriarcal tortures, viols, assassinats et exécutions publiques sont
dans la norme. Pour les minorités sexuelles c'est au mieux l'exil ou la
prison et au pire la mort.
Le sous-titre rappelle lui, que pour comprendre ces nouveaux extrémismes
religieux dans leur globalité et leur unité il faut éviter l'effet de
loupe occidental qui réduit (pour des raisons politiques et
idéologiques) les radicalismes religieux à un seul, le musulman, alors
qu'ils se déploient sur tous les continents et dans toutes les religions.
L'action meurtrière et terroriste de ces systèmes politico-religieux se
déploie sur tous les continents avec un renouveau marqué depuis les
années soixante-dix et la chute du «bloc socialiste»: fascisto-religieux
juifs; soldats de Dieu de l'évangélisme américain; sionistes chrétiens
anglo-saxons dont l'intérêt pour Israël s'appuie autant sur leur
antisémitisme que sur leurs délires messianiques de la fin des Temps;
pouvoirs bouddhistes épurateurs ethniques et massacreurs en Birmanie et
au Sri Lanka...
Qu'ils soient au pouvoir ou en position de pouvoir dans des systèmes
dictatoriaux ou démocratiques (Iran, Arabie Saoudite, Inde, Brésil,
Liban, États-Unis...) et producteurs de projets impérialistes
(États-Unis, Israël, Iran...) ou dans des oppositions frontales à
l'ordre établi (groupes djihadistes divers et variés en Afrique et
Asie); qu'ils soient à vocation universelle (chrétiens et musulmans) ou
localisée (indouisme et bouddhisme) tous ces mouvements «dessinent une
nouvelle géopolitique et sous-tendent nombre de crises violentes.»
Conesa analyse finement à l'aide de nombreux faits historiques et
politiques l'unité profonde reliant tous ces mouvements violemment
antagoniques:
* Refus des révolutions scientifiques surtout darwinienne pour les trois
monothéismes,
* Constat de «l'échec des idéologies occidentales» (démocratie,
fascisme, communisme) et leur disqualification du fait des «double
standard» mis en place systématiquement au détriment des peuples colonisés.
* Mise en place de «théories de la radicalisation» au 19ème et 20ème
siècle (État-Unis, monde musulman, Inde...) au nom de la survie et de la
purification de la communauté des vrais croyants. Elles s'appuient sur
la nécessité de revenir vers le/les textes sacrés, réinterprétés de la
manière la plus littérale possible, de glorifier un passé sans
contradictions internes, d'exalter une martyrologie basée sur une
sélection des souffrances infligées par des groupes toujours extérieurs
à la communauté (c'est le rôle dévolu au colonialisme occidental mais
chez les fascistes du BJP indouiste le rappel des innombrables massacres
commis par les conquérants mongols musulmans de l'Inde),
* Fabrication d'une identité collective excluant toutes les autres,
justifiant des violences sanctifiées et purificatrices,
* Mise en place d'un nouvel internationalisme religieux mêlant
diplomatie et prosélytisme: catholique ((Jean-Paul II), protestant
(explosion des sectes évangéliques et pentecôtiste en Afrique et en
Amérique Latine avec leurs liens étroits les militaires et les
apprentis-dictateurs (cf Bolsonaro au Brésil et Ortega au Nicaragua) ou
musulman (diplomaties religieuses saoudienne et turque). Ce nouvel
internationalisme de l'obscurantisme se déploie aussi au sein de groupes
politico-théocratiques hors pouvoir: Frères musulmans, djihadismes
divers, Tabligh...
* volonté de contrôler politiquement et religieusement leurs diasporas à
travers le monde afin de les transformer soit en relais de la politique
internationale de la mère-patrie soit en source de financement pour les
partis légitimes de la mère-patrie. C'est le cas du BJP et de sa maison
mère fasciste le RSS indou. Le tout étant géré via internet, ce qui
permet de créer et de maintenir à peu de frais des «communautés
imaginaires» idéalisées et lointaines.
* La «violence sanctifiante» est au coeur de ces systèmes. Car, s'il y a
bien une fable à dénoncer c'est celle des religions d'Amour et de Paix.
La non-violence du Daïla-Lama est bien récente lui qui provient du pire
état féodal et religieux de l'Himalaya: guerres incessantes entre
monastères, exploitation forcenée des paysans par les moines, massacres
des réformateurs dans les années trente...
* La violence des groupes djihadistes elle frappe ainsi à 90 % des
musulmans, car l'Autre à détruire est «dans l'ordre, ce sont l'athée,
le mécréant mais aussi et surtout les pratiquants de la même religion
qui ne satisfont pas à ces normes auto-proclamées...»
* Chacune de ces idéologies meurtrières à sa version du «Grand
Remplacement» qui menace en permanence l'unité religieuse, du peuple et
du territoire qu'il s'appelle Oumma, Chrétienté, Sangha bouddhiste ou
Sang Parivar indouiste. L'épuration ethnique est la norme: le BJP et les
gouvernements indous jouent de la carte religieuse pour justifier la
recolonisation indouiste de zones musulmanes en Assam et déchoient de
leur nationalité les réfugiés musulmans du conflit de 1971 qui a donné
naissance au Bangladesh. La Birmanie n'est pas en reste avec le refus
des militaires appuyés par la hiérarchie bouddhiste d'accorder depuis
1982 des certificats de naissance aux enfants Rohingya (ce qui en fait
des non-citoyens), prélude aux massacres de 2017.
* Lois contre le blasphème: En 2017 «71 pays possédaient une loi contre
le blasphème... 21,5 % au Moyen-Orient, et en Afrique du nord, 22, 5 %
en Europe, 15,5 % en Afrique sub-saharienne et 11,2 % sur le continent
américain». Les peines vont de la peine de de mort (Iran, Pakistan,
Mauritanie), au travail forcé (Russie), à l'emprisonnement (Algérie,
Autriche, Brésil, Suisse...). En Arabie Saoudite, athées et convertis
sont passibles de la peine de mort pour «terrorisme».
Bref un ouvrage à lire car d'une part, il nous force à reprendre en
compte un élément essentiel de la critique anarchiste celui l'oppression
religieuse dans ses nouvelles formes et d'autre part il incite à mener
une réflexion critique sur les questions qu'il pose ou effleure pour
alimenter les luttes d'émancipations ici et ailleurs: poids du religieux
sur le politique, rôle déterminant ou pas des facteurs économiques dans
la montée des radicalismes, justification de l'exploitation forcenée des
humains et de la nature car c'est Dieu qui le veut, validité du concept
de religion des opprimés véhiculé par les trotskistes anglo-saxons et
les post-modernes...
Eugene the Jeep
https://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article4271
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