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(fr) CNT-F - Recontre avec un camarade cheminot de Belgique
Date
Fri, 25 Oct 2024 17:31:13 +0100
Ci-dessous, la traduction d'un texte écrit par un de nos contacts proche
du secteur ferroviaire belge (SNCB) qui résume une discussion à propos
de la situation syndicale là-bas, organisée par nos camarades de la CNT
Nord-Pas-de-Calais ---- Dans le secteur ferroviaire belge, il y a 6
syndicats: 3 désignés, c'est-à-dire affiliés aux trois grandes
fédérations (ACOD Spoor, ACV Transcom, VSOA Spoor) et 3 non
désignés/indépendants (OVS, ASTB, Metisp). Voici dans les grandes lignes
la situation légale à ce sujet: ---- Les décisions importantes
concernant les travailleur·euses du secteur ferroviaire sont prises au
sein de la «Commission paritaire nationale» (CPN), une situation de
négociation typique du monde du travail. Le gouvernement désigne
certains syndicats pour représenter les travailleur·euses au sein de
cette commission (ceux affiliés aux grandes fédérations, à la différence
des indépendants). Il est important de comprendre que cette désignation
ne repose pas sur le nombre de syndiqué·es ou un vote des salarié·es
pour élire leurs représentant·es, ni sur aucun autre paramètre sur
lequel les salarié·es pourraient avoir de l'influence: les syndicats
sont simplement désignés au bon vouloir du gouvernement.
Par exemple, le syndicat désigné VSOA Spoor a bien moins d'adhérent·es
que le syndicat indépendant OVS. Or, VSOA Spoor étant plus influençable
par la direction qu'OVS, il siège à la CPN alors qu'OVS n'y siège pas.
Pour ce qui est du droit à la grève, c'est simple: il n'existe pas. Il
existe en théorie mais pas en pratique. Un bon exemple, c'est la grève
spontanée des dépôts en 2018. La grève a éclaté parmi les
conducteur·rices car les syndicats désignés avaient signé une
augmentation de la productivité des conducteur·rices sans même les
consulter. Metisp, un syndicat qui venait d'arriver dans le secteur
ferroviaire environ un mois plus tôt, a tout de suite soutenu la grève
et utilisé ses tout nouveaux droits en tant que syndicat pour émettre
des préavis de grève afin de protéger la grève. La direction a rejeté
les préavis de grève. Les autres syndicats indépendants (OVS et ASTB)
ont commencé à émettre leurs propres préavis en soutien à la grève, qui
ont également été rejetés par la direction.
Voici un autre point important à comprendre: les préavis de grève sont
plutôt des demandes de grève que la direction est libre d'accepter ou de
refuser comme ça lui chante. Voilà pourquoi j'ai dit que le droit de
grève existe en théorie mais pas en pratique. En pratique, les syndicats
indépendants voient généralement leurs préavis de grève rejetés alors
que ceux des syndicats désignés sont acceptés. Cependant, ces derniers
ne soutiennent pas les initiatives indépendantes de grève issues des
travailleur·euses elleux-même. En effet, la grève de 2018 était
précisément dirigée contre la décision des syndicats désignés de signer
l'augmentation de productivité pour les conducteur·rices de train contre
leur volonté et sans même les consulter.
Tout cela présente d'évidents problèmes lorsqu'il s'agit de
l'organisation du lieu de travail. Premièrement, comme il n' y aucun
moyen légal d'entrer en grève, toute action de ce type sera
immédiatement jugée illégale. Ce n'est pas nécessairement un problème
insurmontable: les grèves de 2016 et 2018 étaient toutes deux illégales,
ce qui ne les a pas empêchées pour autant. Le problème réside dans le
fonctionnement de la sanction: tu peux te permettre deux grèves
illégales et à la troisième tu es automatiquement viré·e. Et beaucoup
des personnes les plus pugnaces ont déjà fait usage de leurs deux fois
durant les grèves de 2016 et 2018, et ne sont donc pas vraiment
disposées à prendre part à une action qui les mènera directement au
licenciement.
Deuxièmement, étant donné l'impossibilité de faire grève, différentes
personnes ont différentes opinions sur ce qu'il faut faire. Il y a
principalement deux camps. Le premier prône la réforme des syndicats
désignés car ils sont les seuls à siéger au CPN. Le deuxième déclare que
ce n'est pas parce que la grève n'est pas envisageable qu'on ne peut pas
enchaîner les procès à l'encontre de la direction des chemins de fer, et
considère que les travailleur·euses doivent rester dans les syndicats
indépendants.
Les deux opinions souffrent d'évidentes lacunes dans une perspective
anarcho-syndicaliste, le second étant le seul qui ait réellement obtenu
des résultats.
La méthode proposée durant notre entretien, de personnes extérieures qui
bloqueraient l'accès au lieu de travail, a été jugée irréalisable.
Premièrement car il y a de nombreux dépôts à travers tout le pays et une
telle action nécessiterait donc une coordination à grande échelle. Ainsi
ça ne serait pas seulement difficile à organiser mais il serait en plus
compliqué d'éviter que les forces de l'ordre n'en prennent connaissance
et qu'elles ne soient donc pas les premières sur les lieux. Ce n'est pas
juste une simple porte dans une usine spécifique.
Deuxièmement car les horaires des travailleureu·ses sont définis
individuellement et non en périodes communes. Ainsi la première personne
va commencer à 2h20, la deuxième à 2h45, la suivante à 3h30 et ainsi de
suite. A n'importe quel moment un groupe de blocage parviendrait, au
mieux, à empêcher une unique personne d'entrer, mais le temps qu'un·e
autre travailleur·euse commence sa journée, la police sera déjà arrivée.
A la différence des conducteur·rices, les aiguilleur·euses travaillent
bien sur des périodes communes mais le blocage des postes d'aiguillage
est violemment démantelé par la police dans l'heure sans aucun résultat,
cela a été essayé durant la période 2016 - 2018.
Cela dit, beaucoup de travailleur·euses sont favorables aux discours
anarcho-syndicalistes concernant l'action directe mais je pense qu'un
évènement de plus grande ampleur doit se produire pour qu'un nombre
suffisant d'entre elleux ait la volonté de franchir une fois encore la
barrière de l'illégalité. Comme je l'ai mentionné plus tôt, les plus
pugnaces ont déjà fait usage de leurs deux grèves en 2016 et 2018 et les
plus récent·es qui n'étaient pas encore là en 2018 sont généralement
facilement effrayé·es.
Beaucoup d'entre elleux ont même très peur d'une sanction alors que cela
n'a pas vraiment de conséquence en soi, ce n'est que la troisième qui
provoque le licenciement.
https://international.cnt-f.org/Recontre-avec-un-camarade-cheminot-de-Belgique.html
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