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(fr) Courant Alternative #343 (OCL) - Contre le (mal)traitement social et politique des immigré.es en France

Date Thu, 24 Oct 2024 17:36:29 +0100


En 2023-24, les politiques anti-migratoires européenne et française ont permis l'élaboration de lois liberticides, qui portent gravement atteinte aux droits des personnes migrantes (Encadré) ---- es récentes lois ont pour rôle de contrôler et entraver les déplacements de personnes étrangères pauvres, de fabriquer des sans-papiers et d'instaurer sur eux.elles une pression permanente afin qu'ils.elles acceptent leur assignation à la surexploitation. ---- Partout, l'immigration ne cesse d'être instrumentalisée politiquement et médiatiquement dans la surenchère de la rigueur, du sécuritaire, de l'exclusion et du racisme (1). ---- Dans ce contexte, quelles luttes mener qui soient solidaires (et pas seulement humanitaires) et émancipatrices? ---- Des mutations accélérées, sources de transformations radicales

La mondialisation capitaliste a modifié en profondeur des modes de production et de consommation au niveau international. Il s'agit de prendre en compte cette réalité et ses conséquences, en ne dissociant pas la question des migrations de celle des rapports Nord-Sud, non plus que des menaces qui pèsent sur l'équilibre écologique de la planète (2 et 3).

La surexploitation de l'environnement et des ressources dont les êtres humains tirent leurs moyens d'existence et de subsistance, l'exploitation toujours plus forte de la force de travail dans un système de domination économique qui prolonge la période coloniale entraînent le creusement des disparités et des inégalités entre les personnes et entre les pays.

Le processus de mondialisation s'est ainsi accompagné d'une mobilité sans précédent des personnes dans le monde. Les contraintes poussant à quitter son pays de naissance ou de résidence, et par conséquent les causes des migrations, se sont multipliées. Et l'immigration ne peut que se développer; les raisons de fuir son pays sont nombreuses, et elles sont indissociables du fonctionnement même du mode de production capitaliste.

Pour le capital, accéder à une main d'oeuvre sous-payée, c'est faire migrer la production vers la "périphérie" dominée ou faire migrer la main-d'oeuvre vers les pays du "centre". On peut distinguer trois dimensions clés des politiques migratoires à l'époque de la mondialisation:
1) la forteresse que constituent les pays riches, avec pour rôle de fixer la force de travail à la périphérie pour les besoins des délocalisations
2) l'immigration dite choisie pour capter les forces de travail très qualifiées;
3) les sans-papiers pour fournir une force de travail surexploitée aux secteurs économiques non délocalisables.

Les transformations du capitalisme ont en outre entraîné la dilution de certains repères: affaiblissement du "mouvement ouvrier", gouvernance de plus en plus technocratique, mise en avant de l'identité plutôt que l'égalité, émergence d'options autoritaires et renforcement des extrêmes droites et des droites radicalisées.

Capitalisme et immigration

L'immigration est nécessaire aux classes dominantes: elle leur fournit une main d'oeuvre- marchandise permettant à l'accumulation et aux profits de croître sans entraves.

Entretenir une immigration irrégulière sert à alimenter une économie souterraine, les patrons ayant intérêt à utiliser des sans-papiers, des sans droits, qui leur coutent moins cher et sont moins revendicatifs.

Les immigré.es ont un rôle économique rentable pour le capitalisme. Les Etats gèrent des rescapé.es du contrôle des frontières au profit des secteurs économiques ne pouvant pas être délocalises ou externalises. Ils fabriquent des «sans-papiers» surexploitables, contraint.es de vendre leur force de travail en dessous de sa valeur.

Il y a des secteurs de l'économie bien délimités auxquels participent des migrant.es avec ou sans papiers et qui, sans eux et elles, ne pourraient pas fonctionner: bâtiment, restauration, espaces verts, nettoyage, déchets, agriculture (maraîchage, viticulture...), services, ainsi que des emplois qualifiés, voire très qualifiés. Il y a aussi ce qu'on appelle l'immigration "choisie", terme cher à Sarkozy, recours officieux à des quotas, en lien avec les besoins de main-d'oeuvre non couverts. La logique utilitariste qui a toujours été dominante en matière d'immigration est poussée à l'extrême. L'opposition immigré.es "désirables/indésirables" vise à justifier la chasse aux "indésirables" et leur précarisation juridique. On s'oriente toujours plus vers l'intégration dans la loi de l'existence de travailleur.ses à plusieurs niveaux de droits, différenciés, avec des gradations de statuts divers, temporaires et précaires. Le sort réservé aux sans-papiers est l'expérimentation d'une mise à l'écart du droit du travail, de la crémation d'un infra-droit. Ceci ne concerne pas seulement l'immigration, mais aussi tou.tes les salarié.es. Ce qui est fait contre l'immigration est une remise en cause de nos conquis sociaux.

Etats et immigration

L'Europe, l'Etat français se donnent des moyens sans précédent pour contrôler les migrant.es: politique des frontières, répression, militarisation des opérations de refoulement et de «tri», conditionnement xénophobe des populations résidant dans les pays les plus riches...

Il ne s'agit pas pour les Etats de fermer les frontières hermétiquement, mais de contrôler, réguler, et entraver les déplacements de personnes étrangères pauvres. L'expulsion reste un risque pour elles et, de ce fait, se révèle être un puissant facteur de discipline. Il s'agit d'instaurer une pression permanente sur les étranger.es, et particulièrement sur ceux et celles sans papiers pour qu'ils.elles acceptent leur assignation à la surexploitation.

Immigré.es et réfugié.es sont considéré.es - et traité.es - comme des ennemi.es par les autorités. Guerre à la drogue, guerre au terrorisme, guerre à l'immigration (irrégulière) sont les croisades modernes de la forteresse Europe et des Etats qui la composent..

Le discours politique et médiatique se fait envahissant sur l'existence d'une supposée "crise migratoire" comme outil de fabrique du consentement aux nouvelles mesures répressives.

On assiste ainsi à un contrôle de l'immigration (4) de plus en plus rigoureux en France et dans de nombreux pays: les lois sur les conditions d'entrée et de séjour des estrangers et sur la nationalité sont constamment durcies. Ces lois ont servi et servent de tremplin au programme des extrêmes-droites face à des partis de gauche peu actifs et très réservés et frileux sur le terrain des migrations.

Outre les frontières de l'Europe, de nouvelles frontières-obstacles s'ajoutent au coeur même des Etats-nations existants: "zones d'attente" dans les gares, les ports et les aéroports; frontières externalisées comme celles du Royaume-Uni à Calais et dans tous les ports de la Manche; accords passés entre Etats européens et Etats hors UE - tels ceux entre Italie et Albanie, France et Tunisie, Angleterre avec Timor oriental et Vietnam, etc.; blocage des frontières internes à l'UE (franco-espagnole, franco-italienne et, depuis septembre et pour six mois, toutes les frontières de l'Allemagne...)

Les Etats mènent ainsi une politique aux conséquences criminelles: des milliers de migrant.es meurent sur leur parcours (5), les entraves étatiques à leurs déplacements rendant ceux-ci plus couteux, plus difficiles et plus dangereux.

Quelles luttes, quelles solidarités?

Nous constatons une dépolitisation, depuis une vingtaine d'années, de la question de la solidarité avec les migrant.es et les sans papiers. Les termes divers et nouveaux qui sont employés pour les désigner (étranger.es, sans papiers, migrant.es, exilé.es, réfugié.es...) en sont un signe et ont aussi modifié l'approche de la question.

Le discours se fait de plus en plus humanitaire, ce qui va de pair dans la période actuelle avec l'abandon par la gauche du discours de classe. Alors que le patronat, lui, joue parfaitement son rôle de classe et choisit sa main d'oeuvre uniquement selon ses intérêts..

De plus, le changement perpétuel des lois (6), la difficulté à trouver des emplois, les contrôles fréquents contribuent à casser la solidarité, et rend difficile une prise de conscience collective. Sans compter que les migrant.es ne sont bien sur pas des militant.es révolutionnaires, même lorsqu'ils.elles sont demandeurs d'asile pour des raisons politiques; ils.elles cherchent à s'intégrer au mieux dans un pays aucunement accueillant.

D'une solidarité à caractère tiers-mondiste, ou mieux, anti-impérialiste et de classe, telle que dans les années 70-90 à propos d'immigrations bien identifiées, avec des luttes collectives et d'importants et retentissants mouvements autonomes (exemple de l'occupation puis expulsion de l'Eglise Saint- Bernard en 1996), on est passé à une forme de soutien dépolitisé et humanitaire: mise en avant du sort des enfants avec RESF-Réseau Education sans frontière- , de celui des mineurs non accompagnés -MNA; assistance matérielle et juridique dans des campements quasi permanents portée par des gens qui y consacrent du temps, s'y spécialisent, voire s'y professionnalisent; ce qui entretient une séparation d'avec la population en empêchant son implication directe et ce qui satisfait somme toute les autorités, déchargées d'un problème dont elles sont responsables. Ce qui alimente aussi une tendance à la condescendance et à une vision misérabiliste des migrant.es.

Le problème est donc: comment ne pas être enfermé dans l'action humanitaire mais mener des actions solidaires, aux dimensions collectives et émancipatrices?

Nous sommes amené.es à nous battre pour l'égalité des droits: liberté de circulation, droit de s'installer et de résider où l'on veut, obtention de l'intégralité des droits sociaux, politiques, sur une base d'égalité et de liberté qui ne soit pas subordonnée à une activité professionnelle autorisée sur la base des nécessites du marché du travail du pays d'accueil.

Le mieux, bien évidemment, c'est quand les migrant.es sont eux-elles-mêmes les acteur.rices de leur lutte et s'auto-organisent. Mais comment est-ce possible quand on n'est que "de passage", isolé, sans connaissance de la langue, avec la peur perpétuelle de se faire contrôler, arrêter et expulser?

Alors, dans ce cas, que vaut le soutien, qui se fait souvent au cas par cas par des personnes de "bonne volonté"? N'est-ce pas risquer d'agir comme relais de l'Etat, voire compenser de façon dérisoire les failles volontaires de sa politique? N'est-ce pas recréer une situation de domination, naturaliser l'idée selon laquelle les "solidaires" seraient indispensables aux personnes en exil, ce qui revient à les priver de leur capacité d'action et de leur autonomie?

Cependant plusieurs axes sont possibles pour éviter l'écueil du seul "humanitaire":

* Rappeler la primauté de la question de classe dans la question de l'immigration. La bourgeoisie immigrée n'a rien à voir avec le prolétariat immigré. On a tendance à considérer ceux.celles qui arrivent comme des blocs homogènes, voire comme un sujet historique collectif alors que les classes existent à l'intérieur de la migration, selon la manière dont les parcours se font et se structurent sur le plan matériel, logistique, social, linguistique...

* Etre solidaire avec les luttes portées par les travailleurs.ses eux.elles-mêmes: lutte collective des sans papiers pour leur régularisation (Chronopost); combat des mineurs non reconnus pour être logés, accéder à l'éducation...

* Lutter contre le racisme, pour faire tomber les obstacles qui hiérarchisent les vies entre elles, qui créent la concurrence entre les individus et les groupes qui composent la classe des exploité.es. Rendre visible la ségrégation raciste que produisent les frontières et les restes vivaces de la colonisation et que les autorités cherchent à cacher. Lutter aussi contre la discrimination raciste qui s'étend aux jeunes français.

* Arracher du pouvoir là ou nous le pouvons pour tenter de gérer collectivement des espaces solidaires (logement, occupations, squats...). Là ou "être accueilli·e" est un statut passif, "habiter" est une posture active et émancipatrice, tant individuellement que collectivement. De plus, être aux côtés des migrant.es est une expérience de vie commune qui s'invente, certes dans un contexte d'urgence; mais, dans la durée, accueilli.es et accueillant.es se transforment; sans idéaliser, cela a quelque chose de profondément politique, une façon de "changer la vie".

* Lier les migrations à une réflexion sur un projet de société anticapitaliste, antiimpérialiste, antimilitariste...

* Lutter autant contre les discriminations dont les personnes migrantes sont les victimes que contre les causes et contraintes migratoires qui les conduisent à s'exiler.

* Agir pour permettre ou faciliter le passage des frontières, pour contourner (à défaut de pouvoir supprimer...) les forces armées qui les gardent; se battre pour la fermeture des prisons que sont les centres de rétention (CRA); continuer à se mobiliser pour obtenir des logements décents pour tous.tes, la régularisation des sans-papiers, les mêmes droits pour chacun.e. Bref, agir pour dénoncer collectivement les politiques migratoires des Etats.

20 septembre - Eléments du débat organisé par l'OCL en juillet 2024, lors des journées libertaires.

++++
Pacte européen Asile et Immigration et loi française pour contrôler l'immigration

Le pacte européen, en intensifiant la logique du tri, de l'enfermement et de l'exclusion, traduit l'obstination de l'UE à faire prévaloir la protection de ses frontières sur la protection des exilé.es (cf. CA n° 337)

Au niveau français, la loi dite Darmanin "pour contrôler l'immigration", votée en janvier dernier, entérine des régressions majeures, malgré les articles censurés par le Conseil constitutionnel. Parmi elles, la suppression des catégories protégées contre les expulsions, l'extension sans précédent de la double peine, la fin de la stabilité des titres de séjour, le creusement des inégalités dans les territoires ultramarins - pour ne citer qu'elles-, stigmatisent, répriment, excluent et mettent en danger les personnes migrantes.
    (Cf. n° 336, 338, 339 de CA - et les décrets de son application rendus publics au Journal Officiel à la mi-juillet)


Notes
1- En France, le nouveau premier ministre Barnier, avant même de savoir s'il pourra gouverner, a annoncé mettre en oeuvre de nouvelles mesures régressives et répressives en matière de politique migratoire.
2 - Le continent africain fournit probablement plus de 50% des migrant.es. C'est le plus grand fournisseur de matières premières de la planète; or la mondialisation capitaliste a fait en sorte qu'il n'y ait pas dans ce continent d'industries de transformation.
3- La politique de la France-Afrique consiste à exploiter les matières premières brutes (pétrole, uranium...); conséquence: poussés par la misère, des migrant.es cherchent à traverser le Sahara pour tenter d'accéder en France ou en Europe.
4- Le contrôle des migrant.es est un marché extraordinaire pour des entreprises qui utilisent la gestion des migrations comme laboratoire pour faire commerce de toutes leurs saloperies technologiques. C'est le cas d'une entreprise comme GSF (Groupe Services France) qui fait du nettoyage dans les aéroports et dans les sites industriels et commerciaux et qui gère des camps de migrants (cartes d'entrée, systèmes de bio-contrôles...) , avec la complicité plus ou moins passive d'ONG, d'instances internationales humanitaires reconnues et liées à l'ONU.
5- Depuis le début de l'année 2024, ce sont 52 personnes qui sont décédées en tentant de traverser la Manche, et au moins 446 depuis 1999 - sans compter le nombre important de disparu.es; le 1er septembre, au moins vingt migrant.es se sont noyé.es à la suite du naufrage d'une embarcation en Méditerranée, près de l'île italienne de Lampedusa.
6 - Ces lois iniques sont appliquées, qui plus est, de façon arbitraire; les agents de l'Etat et leurs relais préfectoraux peuvent ainsi priver de liberté quelqu'un et l'expulser sur un simple trait de plume de l'administration, sans aucune justification.

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