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(fr) Alternative Libertaire #335 (UCL) - #335 917-1921: Et la pédophilie fit chuter Sébastien Faure
Date
Tue, 28 Feb 2023 19:59:32 +0000
La question était éludée par ses contemporains, et n'avait été que
survolée par les historiennes et les historiens. S'agissait-il de
calomnies policières? Des indices contraires existaient, mais nul ne
prenait la peine de creuser. Or de récentes révélations ne laissent plus
de place au doute: ce militant anarchiste de renommée internationale,
qui combattit courageusement toute sa vie contre les capitalistes, les
antisémites, les impérialismes... était aussi un prédateur sexuel. ----
Comme d'habitude, il y a foule sur le marché aux puces de Clignancourt
en ce dimanche d'automne 1917. Nous sommes en plein dans la «zone», un
espace censé être inconstructible, mais couvert de bidonvilles, dans un
rayon de 250 mètres autour des fortifications de Paris. Le marché aux
puces y attire aussi bien des Parisiennes et Parisiens en goguette,
flânant devant les étals des brocanteurs, que des enfants débraillés qui
s'agglutinent devant les attractions foraines. Or cette enfance
miséreuse attire les prédateurs. Contre quelques piécettes ou un cornet
de frites, des «satyres» comme on les appelle alors, peuvent acheter les
faveurs d'«enfants de la zone» et, un peu à l'écart, se livrer sur eux à
des attouchements sexuels. Certains, désinvoltes, imbus d'impunité ou
possédés par leurs pulsions, agissent quasiment en public.
Et c'est ce qui se passe aujourd'hui, 23 septembre 1917.
Ceinturé, il est conduit au commissariat par une foule en colère
Plusieurs badauds remarquent le comportement d'un individu de 55 à 60
ans. Il rôde autour de fillettes de 8 à 12 ans, les dévisage avec
ravissement puis se frotte à elles et leur palpe les fesses. Certaines
s'écartent; d'autres le laissent faire. L'individu va jusqu'à
déboutonner le jupon d'une fillette pour la caresser, avec la braguette
ouverte. En trois heures de ce manège, l'individu abuse de sept enfants,
jusqu'à ce qu'une lingère de 24 ans, Léontine Bonafoux, écoeurée, se rue
sur lui et le gifle: «Dégoutant! Si c'est pas honteux de mettre la main
entre les jambes des petites filles!» Le populo s'ameute; plusieurs
personnes ont vu la même chose que Léontine et vilipendent le satyre. Il
tente alors de prendre la fuite mais, ceinturé, est conduit au
commissariat par une foule en colère.
Là, les policiers le confrontent immédiatement aux témoins. «Si ça me
plaît de donner de l'argent aux petites filles, ça ne regarde personne»,
tente-t-il de se défendre. Les policiers relèvent les identités de tout
le monde. Or celle du mis en cause n'aura pas manqué de les faire
tiquer: ils tiennent là un militant anarchiste de renommée internationale.
C'est la première fois que la pédophilie va faire chuter Sébastien
Faure. Il n'en est pourtant pas à son coup d'essai, mais il était
jusqu'ici passé entre les gouttes.
Une sommité et ses zones d'ombre
En 1917, Sébastien Faure a plus de trente ans de militantisme derrière
lui. Dans les années 1890, conférencier itinérant, il a fait plus que
quiconque pour répandre les idées libertaires dans tout le pays. En
1894, durant la grande répression de l'anarchisme, il a été la tête
d'affiche du «procès des trente», un procès-spectacle qui tourna au
bénéfice des inculpés. En 1895, il a fondé l'hebdomadaire Le Libertaire
avec le parrainage de Louise Michel, et s'est essayé - de façon moins
convaincante - à des travaux théoriques. En 1898-1899, durant l'Affaire
Dreyfus, il a pris la tête du combat anarchiste contre les antisémites.
En 1905, il a fondé une ferme-école libertaire près de Rambouillet, La
Ruche, qui, au fil des ans, est devenue une petite institution dans le
mouvement ouvrier. Avec la Grande Guerre, il s'est imposé comme une des
figures de l'opposition pacifiste, dont il a cofondé le principal
journal, Ce qu'il faut dire (CQFD).
Bref, Sébastien Faure est une sommité. Mais une sommité qui a également
sa part maudite.
C'est le 9 septembre 1903 qu'il a, pour la première fois, été surpris au
square du Père-Lachaise en train de «se livrer à des attouchements
obscènes» et d'«embrasser sur la bouche» trois fillettes de 8, 11 et 12
ans auxquelles il avait donné quelques sous. Dénoncé par un promeneur,
Faure a été conduit au commissariat mais, les parents n'ayant pas porté
plainte, il a été relâché[1].
Le 19 novembre 1907, ce sont les flics des moeurs qui, incidemment, sont
tombés sur lui. Alors qu'ils avaient pris en filature une femme qui
prostituait sa fille de 14 ans, ils ont identifié un de ses clients
comme étant Sébastien Faure. Les deux femmes ont passé une partie de la
nuit chez lui[2]. Cette observation a été notée, mais est restée sans suite.
«Tenu» par le ministère
Il est de nouveau pris la main dans le sac, cette fois en pleine guerre,
le 28 septembre 1916, au parc des Buttes-Chaumont. Avec un autre homme,
Sébastien Faure se livrait à des attouchements sexuels sur deux
fillettes de 9 et 10 ans après leur avoir donné quelques piécettes.
Arrêtés, ils ont été conduits au commissariat mais, cette fois, si la
justice n'a pas été saisie, c'est parce que le préfet de police en
personne a conservé le procès verbal par devers lui. Comme il
l'expliquera plus tard: «j'ai pensé[...]tenir un propagandiste
révolutionnaire dangereux et que je pouvais me servir de cette pièce
pour endiguer sa propagande»[3]. Et en effet, le 5 octobre 1916, il
convoqua Faure pour le menacer.
Étouffer l'affaire des Buttes-Chaumont pour mieux la garder sous le
coude était tout à fait dans l'esprit du ministre de l'Intérieur de
l'époque, Louis Malvy, dont la politique consistait non à réprimer
aveuglément les pacifistes, mais à les garder sous contrôle, comme
Sébastien Faure, «tenu» par ses affaires de moeurs.
Dans les milieux militants, c'est le choc
Cependant, un an plus tard, aux puces de Clignancourt, le scandale est
trop gros. Et Malvy, qui a quitté la Place Beauvau, n'est plus là pour
protéger Faure. Ce dernier, craignant les foudres judiciaires, s'enfuit
et se cache à Marseille sous une fausse identité. En son absence, le
tribunal correctionnel le condamne à deux ans de prison pour «outrages
publics à la pudeur»[4]. Finalement reconnu et arrêté, il fait appel du
jugement et, le 28 janvier 1918, sa peine est ramenée à six mois.
Dans les milieux militants, c'est le choc. S'agit-il d'une manipulation
policière? Dès sa sortie de la Santé, fin mai 1918, Faure fait circuler
dans les milieux militants un tract dénonçant une «odieuse machination».
Ce tract sera prolongé par une brochure intitulée Une infamie,
prétendant que toute l'affaire a été fabriquée avec de faux témoins.
Mais le milieu libertaire n'est qu'à moitié convaincu et s'en tient,
pour l'essentiel, à un silence gêné. Tenu en suspicion, Faure préfère
s'exiler plusieurs mois à Vichy.
Il attend décembre 1919 pour faire son grand retour. À cette date, une
majorité de militantes et de militants ont consenti, semble-t-il, à lui
accorder le bénéfice du doute, et à classer son affaire au registre des
coups montés. Durant l'explosive année 1920, Sébastien Faure redevient
même le grand orateur révolutionnaire du moment, battant des records
d'affluence à ses conférences, avec des milliers d'auditeurs et
d'auditrices.
Connu des enfants sous le nom de «Monsieur Fontaine»
C'est alors que la pédophilie va le faire chuter pour la seconde fois.
Le 15 mars 1921, il est arrêté avec deux autres hommes dans la cité
Lesage-Bullourde, un îlot insalubre de Paris 11e où ils ont payé deux
fillettes de 11 et 12 ans pour commettre sur elles des attouchements
sexuels. L'enquête de police révèle que cinq autres filles de 13-14 ans
ont précédemment été leurs victimes à la Villette. Sébastien Faure était
connu des enfants du quartier sous le nom de «Monsieur Fontaine».
Tous trois sont incarcérés à la Santé et inculpés pour «attentat à la
pudeur commis sans violences» et «excitation habituelle de mineures à la
débauche»[5]. Le 15 juin 1921, ils sont jugés en correctionnelle à huis
clos, et c'est finalement pour «outrage public à la pudeur» qu'ils sont
condamnés[6]. Faure écope de 500 francs d'amende et de huit mois de
prison. À sa sortie, il publie, dans Le Libertaire, une lettre où il se
dit victime d'un «traquenard», et minimise les faits: «Il s'agissait
d'une de ces bagatelles pour lesquelles personne - moi excepté - n'eut
été inquiété cinq minutes»[7]. Sérieusement atteint au moral, il songera
un temps à se retirer de la vie politique. Mais finalement le mouvement
libertaire choisira, une fois encore, de croire au coup monté, et Faure
continuera à y jouer un rôle. Évidemment, de L'Action française à
L'Humanité, on ne manquera pas de gloser sur le «satyre» pour
discréditer le mouvement libertaire.
Et la Ruche dans tout cela?
À ce stade, il est inévitable de se poser la question de La Ruche, cette
ferme-école libertaire où Sébastien Faure a accueilli, de 1905 à 1917,
20 à 30 enfants «orphelins, abandonnés, appartenant à des familles
nécessiteuses». Fut-ce un lieu de prédation sexuelle pour lui? C'est
plausible, étant donné ses penchants pédophiles avérés, la figure
d'autorité qu'il incarnait et la disponibilité d'un «public captif» de
pensionnaires très vulnérables - des orphelins ou des enfants de
familles pauvres redevables au grand homme.
Dans une lettre du 8 janvier 1918, l'anarchiste Second Casteu rapportait
le témoignage de sa belle-fille Marguerite, qui avait vécu à la Ruche de
novembre 1913 à la fermeture de l'établissement, en février 1917. Selon
elle, Sébastien Faure «prenait des petits le soir dans son lit et leur
enseignait des caresses obscènes»; elle pensait que «cela existait
depuis la fondation de la Ruche» car d'autres jeunes filles lui
affirmaient avoir été du nombre[8].
Après 1921, on ne trouve plus mention d'«attentat à la pudeur» de la
part de Sébastien Faure, ni dans la presse, ni dans les archives
policières. Durant l'Entre-deux-guerres, le vieux militant consacrera
son énergie à ses conférences; à son imprimerie, La Fraternelle, qu'il
avait fondée en 1917; à s'opposer au plateformisme en rédigeant La
Synthèse anarchiste; et à son grand oeuvre éditorial: L'Encyclopédie
anarchiste.
Il faudra attendre 2021 (voir encadré ci-dessous) pour que soit exhumé
le dossier judiciaire qui écarte la thèse de la manipulation policière.
Guillaume Davranche (UCL Montreuil)
UNE ÉPOQUE OÙ L'ON FERMAIT LES YEUX
Lors des deux arrestations de Sébastien Faure, en 1917 et 1921, la
réaction première, instinctive, du mouvement anarchiste fut de crier à
l'instrumentalisation policière... sans toutefois nier formellement les
faits. En coulisses, on se montrait en effet assez soupçonneux vis-à-vis
des agissements de Faure.
Mais, avec le recul du temps? Après la mort de Sébastien Faure en 1942,
sa pédophilie a été éludée par ses contemporains, qui certes ignoraient
les faits de 1903, 1907 et 1916, mais ne pouvaient nier ceux de 1917 et
1921.
Ainsi, dans l'hagiographie qu'elle lui a consacré en 1949, Sébastien
Faure. L'homme, l'apôtre, une époque, la féministe libertaire Jeanne
Humbert lui trouvait toutes les excuses les plus contradictoires, mêlant
dénégation («mensonges policiers»), dénigrement des victimes (leur
«précoce viciosité»), biologisme (ses «désirs tyranniques»),
intellectualisme («lien très étroit entre la sexualité et la
cérébralité») et relativisme («Qu'y a-t-il de si grave là-dedans?»).
Dans l'édition de 1965 de ses Mémoires, Le Cours d'une vie, le célèbre
anarchiste Louis Lecoin ne commenta que l'affaire de 1921. Il la
résumait à une machination de la police contre Faure, utilisant «une
jeune fille mineure qu'elle avait placée sur son chemin», une
«demoiselle qui racolait les hommes et paraissait âgée au moins de 18
ans». Dans son étude Sébastien Faure et la Ruche, en 1988, Roland Lewin
tint l'affaire de 1917 pour une pure manipulation policière, mais son
unique source était la brochure pro domo Une infamie. Il fut plus
embarrassé par l'affaire de 1921.
Le dossier judiciaire de l'affaire de 1917, conservé aux Archives de
Paris sous la cote D2U6/199, bascula en libre accès en février 2018.
En 2021, Dominique Petit, contributeur au dictionnaire Maitron, en
publia l'intégralité sur son blog Archives anarchistes, écartant
définitivement la thèse de la manipulation policière. L'essentiel des
témoignages et documents cités dans cet article en proviennent. Le
dossier judiciaire de 1921 n'a, lui, pas été conservé, mais on trouve
les procès verbaux de l'arrestation aux Archives de la préfecture de
police, sous la cote BA/1704.
AFFAIRES SANS SUITES ET CONDAMNATIONS
1903 Première atteinte sexuelle sur mineures documentée, au square du
Père-Lachaise. Arrestation sans suite judiciaire.
1907 Sébastien Faure est identifié parmi les clients d'une femme
prostituant sa fille de 14 ans.
1916 Arrêté avec un autre homme au parc des Buttes-Chaumont, pour
atteinte sexuelle sur mineures. Sans suites judiciaires car le préfet
conserve le procès verbal pour faire pression sur Faure.
L'affaire de 1917
23 septembre Scandale public aux puces de Clignancourt. Sébastien Faure
est arrêté. Les policiers enregistrent 7 témoignages contre lui.
24 septembre Passe à la rédaction de CQFD où il prend une forte somme
d'argent dans la caisse, puis s'enfuit. Se cache à Libourne, puis à
Marseille, sous un faux nom.
5 octobre Dans une lettre à ses camarades de CQFD, perplexes, il prétend
qu'il a fui car la police voulait l'arrêter pour un discours pacifiste
qu'on lui avait interdit.
13 novembre Le juge d'instruction auditionne cinq témoins.
23 novembre Un mandat d'arrêt est délivré contre Faure.
5 décembre Condamné par défaut en correctionnelle à deux ans de prison
pour «outrages publics à la pudeur».
11 janvier 1918 Reconnu et arrêté à Marseille.
28 janvier Sur opposition, nouveau procès à Paris et peine ramenée à six
mois.
Fin mai 1918 Sortie de prison.
Juin 1918 Répand un tract dénonçant une machination.
L'affaire de 1921
15 mars Arrestation de Faure et de deux comparses cité Lesage-Bullourde,
à Paris, pour avoir abusé de deux filles de 11 et 12 ans. L'enquête
révèle qu'il avait déjà abusé de cinq autres fillettes du quartier.
15 juin Condamné à huit mois de prison et à 500 francs d'amende pour
«outrages publics à la pudeur».
mi-septembre Sort de prison.
https://www.unioncommunistelibertaire.org/?1917-1921-Et-la-pedophilie-fit-chuter-Sebastien-Faure
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