|
A - I n f o s
|
|
Une agence d'actualités par pour et au sujet des anars
**
.
Informations dans toutes les langues
Les 30 derniers messages (accueil)
Messages des deux
dernières semaines
Nos archives des anciens messages
Les 100 derniers
messages selon la langue
Greek_
Chinese_
Castellano_
Català_
Deutsch_
Nederlands_
English_
Français_
Italiano_
Português_
Russkyi_
Suomi_
Svenska_
Türkçe_
_The.Supplement
Premières lignes des dix derniers messages
Greek_
Chinese_
Castellano_
Català_
Deutsch_
Nederlands_
English_
Français_
Italiano_
Polski_
Português_
Russkyi_
Suomi_
Svenska_
Türkçe
Premières lignes des dix derniers messages
Premières lignes des messages des dernières 24 heures
Premières lignes des messages des dernière
last 30 days |
of 2002 |
of 2003 |
of 2004 |
of 2005 |
of 2006 |
of 2007 |
of 2008 |
of 2009 |
of 2010 |
of 2011 |
of 2012 |
of 2013 |
of 2014 |
of 2015 |
of 2016 |
of 2017 |
of 2018 |
of 2019 |
of 2020 |
of 2021 |
of 2022
(fr) Alternative Libertaire #323 (UCL) - 1909-1927: la révolte du Rif secoue le joug colonial
Date
Wed, 26 Jan 2022 18:29:21 +0000
Entre 1909 et 1927, une guerre berbère a dissipé l'ego colonialiste et
sa supériorité technologique. C'est le début de la fin pour le parti
colonialiste. ---- L'occident, dans son entreprise «civilisationnelle»
en Afrique occupe les terres, déséquilibre les milieux naturels,
massacre les populations locales. Celles qu'elle ne peut exterminer ou
réduire sont déshumanisées, infantilisées et exploitées, corrompues,
violées, humiliées... Pourtant, à partir de 1921, Muhend mmis n
Eebdkrim[1], un berbère du Rif marocain, va mener une guérilla acharnée
contre les occupants espagnols et français, qui inspirera autant le FLN
algérien que le général Giap dans son encerclement de Dien Bien Phu.
---- Pour les géographes, le Rif est la partie septentrionale du Maroc
s'étendant du littoral méditerranéen frontalier de l'Algérie jusqu'à
l'Atlantique. Mais, les Rifain·es définissent autrement leur territoire:
«la côte orientale méditerranéenne et les montagnes intérieures autour
de la ville d'Al Hoceima». C'est-à-dire le territoire où vingt-neuf
tribus rifaines forment un ensemble socio-ethnique berbère bien affirmé,
défini notamment par le fait qu'on y parle le rifain ou «tarifit»,
continuum géolinguistique de variété berbère.
Le Rif aiguise les appétits européens dès 1800, début de la période
coloniale. C'est d'abord le regard des scientifiques qui s'y intéresse
et veut comprendre ce territoire rebelle qui tourne le dos autant à
l'Europe qu'aux pouvoirs politiques existant en Afrique du Nord,
préférant conserver sa propre organisation sociale et politique.
Mieux on connaît un territoire et ses habitants, mieux on arrive à le
soumettre et à le coloniser! Le Rif est moins connu à cause de l'image
«négative», «primitive», «sauvage» véhiculée par les récits des
explorateurs européens, décourageant les voyageurs d'y pénétrer. En
1899, les Instructions nautiques du Service hydrographique de la Marine
informent que: «les habitants de la côte du Riff sont plus sauvages et
moins soumis aux autorités marocaines que ceux de la province de
Tétouan, et les navires qui approchent la côte à l'Est de l'Ouaringa ne
doivent le faire qu'avec prudence. Il est malheureusement assez fréquent
que des bâtiments à voiles y soient attaqués et pillés». Cette
information fait référence à la piraterie pratiquée par les tribus
rifaines vers la fin du XIXe siècle.
Ces récits ne cherchent pas à comprendre les raisons de cette attitude
farouche envers les étrangers mais se contentent de diffuser cette image
négative, très ethnocentrique du Rif. On peut avancer deux explications.
Les côtes rifaines subissent les attaques de la piraterie espagnole dès
le XVIe siècle, causant beaucoup de ravages, d'où la probable réclusion
des Rifain·es dans les montagnes et l'absence de centres urbains. Une
seconde explication est à trouver dans une méfiance historiquement
fondée à l'égard des tentatives de conquête et de domination.
Les travaux anthropologiques ultérieurs n'ont fait que refléter cette
vision colonialiste, schématisant la société rifaine selon une
dichotomie: honneur/baraka, pouvoir local/pouvoir central, bled
Makhzen/Aripublik[2]qui ne saisit pas la complexité de la dynamique
politique, sociale et économique rifaine, et néglige l'ampleur des
données historiques précoloniales. La vie politique et sociale rifaine
s'organise d'abord à un premier niveau de fraction tribale, puis tribal.
C'est à ce premier niveau que se répartissent terres et pouvoir, selon
des institutions de type «républicain»[3]. A fortiori, une certaine
démocratie de «paysans pourvus» caractérise la gestion des affaires
politiques, sociales et économiques mais exclut les femmes, les enfants
et les hommes qui ne possèdent pas de terre.
Victoires rifaines
Au début du vingtième siècle, le territoire marocain est divisé en deux
«protectorats»: espagnol (présente dans le Rif depuis 1497) et français.
Une première période de conflictualité rifaine (de1893 à 1909) voit les
tribus se soulever à différentes reprises contre la présence espagnole,
mais sans succès. Ainsi de la guerre de Assugwas n lbarrud[4], qui
oppose la population berbère de Melilla refusant la construction de
nouveaux remparts, à l'armée espagnole, mais aussitôt réprimée par
l'Espagne, avec l'aide du sultan du Maroc HassanI. Les bombardements et
massacres des tribus, puis l'emprisonnement et la torture par le sultan
makhzenien[5]de ses figures- Hemmu Al-Arabi, Ali Rubio, Ali Morno-
mettent fin à la rébellion.
C'est ensuite Muhemmed Ameziane qui va organiser la résistance.
S'attaquant à la construction du chemin de fer exploitant les mines de
fer de Weksan et forgeant une première alliance des tribus du Rif
oriental, il inflige de très sérieuses pertes aux Espagnols, dont la
fameuse bataille du Ravin-Aux-Loups[6](juillet 1909). Malgré ces succès,
la mort d'Ameziane et la signature du «Traité de
protectorat-du-sultan-et-la-colonisation-du -Maroc» en 1912 entre la
France et le sultan Abdelhafid, permet à l'Espagne de reprendre
temporairement en main la région.
A partir d'avril 1921, la troisième guerre rifaine débute avec le
serment de Qama. Muhend mmis n Eebdkrim parvient à faire s'allier une
soixantaine de tribus, qui jurent de s'engager à une cause commune:
défendre la terre menacée par l'envahisseur. Les victoires rifaines se
succèdent; l'épopée de Dhar u Barran en Juin 1921, Yyriben en Juillet de
la même année, et surtout Anoual, vont provoquer un véritable désastre
pour la colonisation et jeter le désarroi dans les rangs de l'armée
espagnole.
Le stratège rifain
Car à Anoual, le 21 juillet 1921, Eebdkrim renverse la donne et marque
le début d'un nouvel épisode historique, celui des luttes
anticoloniales. Il encercle et attaque sans relâche l'armée espagnole
dirigée par le général Silvestre retranché dans la base militaire du
plateau d'Anoual, à 70kilomètres de Melilla. Celui-ci espérait lancer la
conquête du Rif avec 20000 hommes pourtant supérieurement équipés. Forts
d'à peine 3000 hommes, les soldats d'Eebdkrim bousculent les Espagnols
au point que les auxiliaires rifains engagés dans l'armée espagnole (les
Regulares) changent de camp durant la bataille. C'est la débandade. Le
général Silvestre, d'humiliation, se suicide le lendemain de la
bataille, tandis que le reste de son armée rejoint Melilla. L'écho de
cette défaite est international, et attire les regards vers une région
jusque-là méconnue.
Elle amène à la rescousse d'autres puissances européennes comme la
France pour venger l'Espagne de sa grande défaite. En 1923, le général
Primo de Rivera, profite de la débâcle pour instaurer la dictature en
Espagne, pendant que la résistance rifaine s'intensifie et se propage en
remportant la bataille du Mont de Arroui et la récupération de Nador,
Selwan et Driouch. Les Espagnols, pourchassés jusqu'à Melilla, sont
encerclés par la résistance.
En septembre 1921, après la première réunion de l'assemblée rifaine, la
République des tribus confédérées du Rif est proclamée et se dote d'un
gouvernement constitutionnel. Cette jeune république rompt complètement
avec le Makhzen et réfute la double colonisation de la Berbérie
occidentale. Ssi Muhend parle de la faute historique de considérer le
pays du Rif comme faisant partie du Maroc: «Nous les Rifains sommes des
Africains et non pas des Marocains. Nous invitons tous les peuples à
venir découvrir notre région. Nous défendons notre pays. L'Espagne nous
a imposé la guerre sous prétexte de la conférence d'Algésiras...».
Mais la république aura la vie courte. En avril 1925, Abdelkrim empiète
sur le territoire rifain sous domination française et remporte la
bataille de Werya. C'est l'occasion rêvée pour la France coloniale de
mater la résistance. Le maréchal Lyautey, résident général à Rabat,
réplique. Mais considéré comme trop «mou», il est vite remplacé par
Pétain, partisan de la seule manière forte. En juillet 1925, une
conférence franco-espagnole décide des actions à mener contre la
nouvelle république. En novembre, 15000 soldats débarquent à Al Hoceima,
et les Espagnols atteignent Ajdir. La France, appuyée par les
auxiliaires marocains du Sultan Moulay Youcef, intervient avec son armée
et son aviation. L'Allemagne fournit ses stocks pour bombarder le Rif de
poison et de gaz innervant, sans oublier la participation des avions
américains pour raser la résistance.
La sale guerre
Entre 1921 et 1927, l'armée espagnole utilise systématiquement les gaz
de guerre dans le Rif: Phosgène, diphosgène, chloropicrine et surtout
l'ypérite, le gaz moutarde utilisé pour la première fois à la bataille
d'Ypres en 1915. Ce sont bien les usines allemandes qui fournissent le
gouvernement espagnol en armes chimiques, comme le prouve l'étude Du Gaz
mortel contre Abdelkrim 1922-1927[7], ou l'ouvrage Étreinte Mortelle de
Sébastien Balfour, qui retrace l'escalade chimique de la guerre
coloniale, troisième en intensité après la guerre de 1914-1918 et la
guerre menée en Irak par l'Angleterre en 1919.
Le phosgène est utilisé pour la première fois en novembre 1921 dans les
alentours de Tanger. Le gaz moutarde en juillet 1923 lors de la bataille
de Tizi Azza. La population civile n'est pas épargnée. Beaucoup
contractent des affections pulmonaires et deviennent aveugles. Le
commerce dans les souks attend la nuit pour se faire. Les cours d'eau
sont empoisonnés, le cheptel périt. Il faudra attendre 1990 pour qu'une
association milite pour indemniser les victimes des gaz. C'est le
bombardement chimique qui oblige le Rif à se soumettre. L'Espagne règne
sur la région jusqu'à la soi-disant indépendance du Maroc.
Persistance de la violence étatique et post-coloniale
En 1956 après l'indépendance du Maroc, le Rif subit une nouvelle
administration qui lui est tout aussi étrangère que l'administration
coloniale. La monarchie s'impose avec force dans la région. Elle exige
que l'administration parle arabe, qu'à l'école, l'espagnol soit remplacé
par l'arabe et le français. Le parti de l'Istiqlal, qui vise
l'arabisation du pays, prend le pouvoir. Les rifains sont écartés de la
scène politique et leur région marginalisée. Le mécontentement envers
l'Etat central culminera dans des révoltes populaires, réprimées au
moyen de bombardements de la région par la force aérienne marocaine en 1958.
Durant le règne de HassanII, le Rif est plus qu'oublié (ni
investissement, ni développement): il est puni pour sa rébellion! Le roi
le dit très clairement dans un discours de janvier1984, faisant suite à
un nouveau soulèvement rifain contre la hausse des prix, et la mise en
oeuvre du programme d'ajustement structurel imposé par le Fonds
monétaire international (FMI).
HassanII met en place une «politique migratoire» consistant à isoler le
Rif et à l'appauvrir économiquement. Le peuple réduit au silence par les
années de plomb, la répression, les prisons secrètes, est poussé à
partir et à migrer pour vivre. Après les deux révoltes de 1958 et 1984,
les autorités encouragent les Rifains à partir en Europe en facilitant
l'obtention de passeports. De plus, de 1963 à 1969, l'Etat marocain
signe une multitude de conventions avec des pays européens pour se
débarrasser de cette main-d'oeuvre à l'étranger. Cette politique
d'émigration sert à contourner les problèmes économiques et sociaux et
réduire les protestations populaires. Elle sert aussi au développement
de l'économie grâce aux investissements des émigrés dans leur région
d'origine et grâce à aux transferts économiques.
Bouya (UCL Aix en Provence)
Notes:
[1]Mohammed Abdelkrim Al-Khattabi, en berbère rifain Muhend mmis n
Eebdkrim. Pour respecter la transmission d'une histoire «par le bas»,
c'est la dénomination berbère de personnages, batailles et lieux qui est
privilégiée. La lettre «y» se prononce comme le «r» français.
[2]Dans les études colonialistes, le Rif est présenté comme un
territoire de dissidence (Aripublik) qui échappe à l'autorité politique
des sultans à la différence du Maroc colonisé par la France qui était
Bled de Makhzen, c'est à dire territoire soumis au sultanat.
[3]Rachik Hassan, L'esprit du terrain: Études anthropologiques au Maroc,
2016. Voir aussi la thèse de R. Montagne, Les berbères et le Makhzen
dans le sud du Maroc, Encyclopédie Gallica.
[4]«L'année de la poudre à canon», Iyzar n wuccen en rifain.
[5]Le gouvernement marocain.
[6]Rudibert Kunz, Rolf-Dieter Müller, 1990.
[7]Rudibert Kunz, Rolf-Dieter Müller, 1990.
https://www.unioncommunistelibertaire.org/?1909-1927-la-revolte-du-Rif-secoue-le-joug-colonial
_________________________________________________
A - I n f o s
informations par, pour, et au sujet des anarchistes
Send news reports to A-infos-fr mailing list
A-infos-fr@ainfos.ca
Subscribe/Unsubscribe https://ainfos.ca/mailman/listinfo/a-infos-fr
Archive: http://ainfos.ca/fr