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(fr) Monde Libertaire - Interview d'une anarchiste du Kazakhstan
Date
Wed, 26 Jan 2022 18:29:11 +0000
12.01.2022 ---- Nous nous sommes entretenus avec une camarade et
féministe anarchiste du Kazakhstan afin de mieux comprendre ce qui se
passait et comment les militant.e.s sur place voyaient la situation.
Quelle est la nature sociale du soulèvement, quelles sont ses
revendications et ses formes d'action, qui mène la lutte armée, et
quelles conséquences ces événements auront-ils dans la région. ---- Tu
es sur le terrain sur le terrain, dis-nous ce qui s'est passé et ce qui
est en train de se passer dans le pays? ---- Tout a commencé par les
revendications économiques des travailleurs de l'Ouest du Kazakhstan, où
le prix du gaz a fortement augmenté. Puis les revendications sont
devenues politiques: démission du gouvernement et du président, élection
des akims (maires) et une république parlementaire. Certaines demandes
ont abouti, mais pas immédiatement, et dans l'intervalle, la vague de
protestation a gagné toutes les villes du Kazakhstan. ---- Comme dans
les régions, et surtout à Zhanaozen on se souvient de la fusillade de
2011, les assemblées ont eu un caractère très pacifique. Les gens se
sont rassemblés sur les places de leurs villes et appelé à un dialogue
avec les akims, puis avec les ministres et le président. Les
rassemblements spontanés se sont auto-organisés, ont monté des yourtes
sur les places, organisé des repas chauds et même organisé un
subbotnik[note]car ils avaient peur d'être diabolisés par les médias.
Dans l'ouest du Kazakhstan, pendant trois jours, les gens ont essayé de
négocier pacifiquement, mais les akims avaient peur de se montrer à la
population. Puis les autorités ont commencé à disperser le rassemblement
par la force. La manifestation a donc fini par des affrontements avec la
police. Il est difficile de manifester pacifiquement quand on est gazé
et qu'on vous lance des grenades assourdissantes.
Reste à comprendre comment la manifestation a pu devenir si organisée et
militarisée. Après une nuit de pogroms et l'étrange disparition de la
police des rues d'Almaty en présence de groupes armés, nous sommes
nombreux à nous demander si la manifestation n'aurait pas été
instrumentalisée pour rebattre les cartes des ressources et du pouvoir
entre détenteurs de la quasi-totalité du capital de ce pays. Qui étaient
les membres de ces groupes armés qui se sont constitués après coup, dans
quel mesure la foule ne contenait-elle que des manifestant.e.s, pourquoi
sont-ils partis, est-ce que quelqu'un les commandait, tout cela demeure
inconnu. La rhétorique de la propagande d'État n'étant pas la nôtre,
nous ne les traitons pas de terroristes. En même temps, je le pense
qu'au Kazakhstan, il est impossible d de former secrètement un mouvement
de guérilla armé et parfaitement coordonné dans toutes les villes.
Lorsque les attaques contre les bâtiments administratifs et les postes
de police se sont poursuivies dans différentes villes du Sud du
Kazakhstan, à l'Ouest, la contestation a semblé garder la même forme,
puis a tout simplement pris fin. Les revendications économiques des
travailleurs.ses y ont été satisfaites, celles de nature politiques en
partie: il y a eu un remaniement ministériel, mais Tokaïev n'a pas
quitté la présidence.
Le black-out des communications, l'état d'urgence, le couvre-feu et le
niveau d'alerte rouge pour menace terroriste ont complètement laissé
libre cours au système répressif, il y a déjà huit mille détenu.e.s dont
on ignore tout. Le nombre de victimes se compte probablement en
milliers. Les gens ont d'abord été blessés lors d'affrontements avec la
police. Puis dans les affrontements entre manifestant.e.s et les groupes
armés, et enfin quand l'armée du Kazakhstan a tiré sur des civils. A ce
jour, es dirigeants syndicaux ont disparu, des journalistes et des
blogueurs qui diffusaient des émissions ont été arrêtés pour leur
participation aux manifestations, des dirigeants politiques de partis
non étatiques ont été arrêtés. Et nous ne voyons que la pointe de l'iceberg.
Tout le monde en dehors du Kazakhstan essaie d'analyser ce qui se passe
et c'est difficile sans connaître le contexte. Et ceux qui sont
maintenant à l'intérieur du pays ne peuvent pas le faire à cause du
manque d'informations. Beaucoup d'entre nous n'ont aucun espoir de
découvrir ce qui s'est réellement passé dans un avenir proche.
Quels groupes sociaux sont impliqués dans le soulèvement?
Au début ce sont les ouvrier.e.s et habitant.e.s des petites villes de
l'ouest du Kazakhstan dépendant des usines pour vivre qui sont
descendu.e.s dans la rue. Ils ont été soutenus par la population car la
contestation portait sur l'augmentation du prix du gaz, dont tout dépend
dans ces régions - chauffage, eau chaude, voitures.
Les gens sont descendus en masse dans la rue dans d'autres villes, se
sentant proches des revendications très claires de la manifestation et
la solidarité avec les autres régions est importante.
Cette situation est différente des mouvements contestataires précédents,
si l'on en juge par Almaty. Pendant trois années de suite, des jeunes,
des "hipsters" comme on nous appelait, et des représentant.e.s de
mouvements politiques sont venu.e.s participer à des rassemblements
pacifiques dans le centre-ville.
Maintenant, même sur le plan territorial, le premier foyer de
protestation du 4 janvier au soir à Almaty ne s'est pas formé dans le
centre de la ville, mais sur la large autoroute qui sépare la partie
haute et la partie basse de la ville. Ce qui montre clairement quelles
couches de la population y ont pris part: les personnes qui vivent dans
les banlieues et assurent par leur travail la vie de toute la ville. Ce
sont les jeunes kazakhophones, la classe ouvrière.
Ils sont déjà venus à des rassemblements auparavant, mais pas en si
grand nombre. La dernière fois, c'était lors de l'élection
présidentielle de 2019, où ils ont été sévèrement battus dans les rues
et où plus de 4 000 personnes ont été arrêtées.
On pourrait donc dire que c'est en quelque sorte un soulèvement des
classes laborieuses opprimées pour plus de justice sociale?
Il y a débat sur le sujet en ce moment mais pour ma part je n'aime pas
le romantisme de la contestation chez certains gauchistes et l'éloge des
émeutiers qui se sont servis dans les magasins détruits ou qui brulaient
des voitures, et pas seulement des voitures de police. Il est clair
qu'il n'y a pas de culture de la contestation au Kazakhstan. La
répression brutale de la manifestation des Kazakhstanais soviétiques en
1986 à Almaty et les tirs sur la foule à Zhanaozen en 2011 - qui n'ont
fait ni l'une ni l'autre l'objet d'une enquête et les responsables des
massacres n'ont pas été punis. Ce n'est pas le souhait politique de la
classe sociale la moins aisée de renverser les riches et de se venger de
la police, c'est plutôt la manipulation des pauvres comme chair à canon
par les très "riches" dans leur jeu de trônes qui explique
l'expropriation d'argent, d'équipement et la descente en ville pour
bruler quelques voitures de police. Ou peut-être aussi qu'un grand
nombre de personnes sont spontanément descendues dans la rue, espérant
une nouvelle occasion d'influencer l'avenir de leur pays. Lorsque le
mouvement a pris de l'ampleur, et que différents groupes sociaux se sont
unis, il a été brutalement écrasé. en coupant les communications, en
divisant les groupes et en envoyant des troupes. Alors maintenant, ils
cherchent frénétiquement une image de l'ennemi parmi les couches
kazakhophones de la population défavorisée, les radicaux islamistes et
les terroristes. Autrement dit, on tente de diaboliser les groupes
actifs de manifestant.e.s qui se sont emparés des bâtiments.
Je ne peux juger que par mon expérience personnelle et celle de mes
camarades qui étaient dans la rue pour participer à une manifestation
pacifique le 6 janvier contre l'entrée des troupes de l'OTSC, faisaient
du bénévolat, aidaient les blessés lorsqu'on leur a tirés dessus. Je
vous conseille de lire aussi les récits des témoins oculaires qui sont
publiés.
Comment les gens se coordonnaient-ils et formulaient-ils leurs
revendications?
Dans l'ouest du Kazakhstan, les personnes coordinatrices élues par les
travailleurs et travailleuses lisaient leurs revendications au mégaphone
sur les places. Dans les autres villes, la situation était la même.
Lorsque la contestation s'est armée et que l'occupation des bâtiments a
commencé, plus aucune revendication n'a été exprimée.
La coordination s'est d'abord établie via les mouvements syndicaux de
l'ouest du Kazakhstan, à Almaty et dans d'autres villes, des Chats sur
Telegram et Whatsapp, se sont mis en place spontanément, car presque
personne ne comprenait ce qui se passait, mais voulait sortir dans la
rue présenter ses revendications, pour la plupart économiques.
Lorsque, dans la nuit du 5 janvier, l'Internet et le service de
téléphonie mobiles ont été complètement coupés selon le cas, ainsi la
plupart des manifestant.e.s armé.e.s ont pu se coordonner et poster des
vidéos de la scène tandis que des personnes dans la rue et les
journalistes étaient complètement hors de contact. Il est difficile
d'évaluer ces informations maintenant, car tout le monde n'a pas encore
un accès complet à Internet, les vidéos et les photos des scènes des
incidents n'apparaissent que dans le domaine public. Par exemple, pour
l'instant, on ne dispose que de récits de manifestants de la place du
quartier général de coordination, des groupes de volontaires ont été
créés et des revendications à adresser aux autorités de la ville et aux
dirigeants du pays ont été recueillies et rédigées. Il n'a pas été
possible de les communiquer publiquement avant l'arrivée des militaires.
Comment les anarchistes ont-ils participé aux événements?
Nous n'avons pas de mouvement anarchiste constitué, mais tous les
militants anarchistes et les personnes de gauche étaient dans la rue.
Nous avons constaté une très forte auto-organisation, tant au début de
la manifestation, lorsque les gens se rassemblaient, que maintenant,
alors que nous essayons tous de faire face aux conséquences des
massacres, des tirs et des meurtres dans la rue.
Selon les informations fournies par les militant.e.s, les coursiers de
divers services de livraison étaient visibles dans les rues, participant
activement aux manifestations dans leurs propres véhicules, transportant
les blessés et apportant leur aide. Ils disposent de leur propre
syndicat depuis 2021.
À votre avis, où va le mouvement?
Au début, nous avions beaucoup d'espoir pour un avenir meilleur au
Kazakhstan, mais ensuite la contestation a pris un autre tour, et la
Russie et d'autres États ont introduit des troupes. Le discours de
l'État change constamment à la recherche d'un ennemi. Hier, c'était
soi-disant des chômeurs corrompus du Kirghizstan, aujourd'hui ce sont
des radicaux d'Afghanistan. Nous espérons tous que demain, les
militant.e.s qui ont proposé des réformes politiques au Kazakhstan au
cours des trois dernières années et qui ont participé aux rassemblements
ne seront pas désignés comme l'ennemi.
Pour l'instant, mes camarades et moi-même voyons des perspectives
sombres. Nous ne comprenons pas ce qui s'est finalement passé. Je ne
vais pas parler des versions des informations en cours mais toutes
concernent une lutte pour le pouvoir entre le clan Nazarbayev et des
rivaux. Par exemple, la version selon laquelle Tokaïev, avec l'aide de
l'armée russe, est en train de se faire une place au soleil. A supposer
que c'est vrai, il est effrayant que des dizaines de milliers de
personnes aient été impliquées dans leur jeu et que les tentatives
positives et les bonnes intentions de changer les conditions sociales et
politiques au Kazakhstan pour le bien de tou.te.s aient été
instrumentalisées pour se partager les ressources du pays d'une nouvelle
manière.
Maintenant les conséquences de la manifestation seront présentées comme
un avertissement adressé à ceux et celles qui voulaient des lois de
légalisation des rassemblements pacifiques et parler de la nécessité de
réformes politiques. Et comme la démonstration que le peuple n'est pas
prêt à participer à la vie politique du pays. Sans compter qu'il reste à
voir comment l'ingérence des troupes russes nous affectera.
Maintenant, il est très important que le janvier sanglant au Kazakhstan
ne devienne pas juste une belle image révolutionnaire et qu'à l'inverse
on ne s'en souvienne pas comme un acte terroriste, une attaque de
l'extérieur, comme le disent les sources gouvernementales de différents
pays, notamment du Kazakhstan.
Il ne s'est pas encore écoulé suffisamment de temps pour que nous
puissions réfléchir à tous ces événements, recueillir les informations
nécessaires, tirer les leçons et enquêter. J'espère que nous aurons
l'occasion de le faire. Tout comme nous espérons que le peuple aura
nouvellement une chance de débarrasser le pays du pouvoir des dictateurs.
Il n'y a jamais eu de manifestations de cette ampleur au Kazakhstan, et
après celles-ci, j'espère que nous serons encore plus solidaires dans
tout le pays, et que la culture de la contestation pourra se développer
davantage. Je pense que la conscience de chacun change lorsqu'on descend
pour la première fois dans la rue avec ses camarades pour essayer de
changer les choses, et qu'on réalise vraiment qu'on peut changer le
cours des choses. Nous n'avons jamais eu l'occasion de vivre cela
auparavant, et j'espère que ce nouveau sentiment ne sera pas oublié sous
le poids de l'ancienne répression, des séquelles des défaites et du
traumatisme populaire suite à l'utilisation brutale des armes contre
nous dans notre pays.
Pour la traduction, Monica Jornet du groupe Gaston Couté de la FA
https://monde-libertaire.net/index.php?articlen=6187
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