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(fr) Alternative Libertaire #352 (UCL) - Jeux olympiques et paralympiques - JOP: propagande, validisme et grand capital
Date
Sat, 28 Sep 2024 18:58:48 +0100
Alors que les JO de Paris viennent de s'achever et que les Jeux
paralympiques commencent, l'ensemble de l'événement ressemble au fiasco
que les organisations militantes ont dénoncé depuis des années. La
cérémonie d'ouverture des JO, assumée à demi-mot par le gouvernement,
qui a tout de même présenté ses excuses aux réactionnaires outré·es par
l'usage de références classiques, a été un formidable outil de
propagande en permettant de masquer les divers scandales qui émaillent
les Jeux. ---- Les JO ont brillé par l'expulsion des SDF parisien·nes,
des étudiant·es du Crous pour y loger les athlètes, l'interdiction pour
les sportives françaises de concourir voilées (allant à l'encontre de
l'avis du CIO sur la question) et le caca dans la Seine, pourtant
soupçonné d'être à l'origine de l'hospitalisation d'athlètes. La
présence de Nelson Montfort, dont on attend la retraite avec impatience,
au commentaire de certaines épreuves, incarne quant à elle le travail
immense de lutte contre le sexisme qu'il reste à effectuer dans les
services sportifs des chaînes. La transmission des épreuves elle-même a
été l'incarnation de la casse du service public, puisqu'une partie des
retransmissions ont été vendues à Eurosport, chaîne privée pour laquelle
il est nécessaire de payer un abonnement.
Un exercice de propagande
La cérémonie d'ouverture a été un sommet de communication libérale,
réussissant à faire oublier les réalités politiques du pays en
présentant une façade progressiste, voire révolutionnaire. On a ainsi eu
la surprise d'apercevoir une statue dorée représentant Louise Michel
surgir de la Seine. Accompagnée d'un bandeau rappelant sa solidarité
avec le peuple kanak, sans qu'aucun lien ne soit fait avec la situation
actuelle de l'archipel. On aurait aussi pu s'enthousiasmer devant la
figure décapitée de Marie-Antoinette entonnant un «Ah! ça ira», ou en
voyant Aya Nakamura chanter devant l'Académie française ... Mais ce
serait oublier un peu vite l'élection de 126 député·es RN moins de deux
mois auparavant.
Pendant deux semaines, le service public de l'information était en
boucle sur les divers exploits sportifs, faisant soudainement
disparaître le contexte politique national et international. Silence
aussi sur les fait politiques qui ont émaillé ces Jeux, heureusement
documentés par la presse indépendante. Sur le terrain du travail
d'abord, avec des professionnel·les écarté·es des JO à cause de leurs
activités militantes[1], et les conditions d'embauches et de travail
déplorables des travailleur·euses des JOP sur lesquels l'inspection du
travail a ouvert une enquête[2]. Mais aussi sur la gestion ultra
sécuritaire des ces Jeux est répressive avec la généralisation de la
vidéosurveillance[3]et l'assignation à résidence arbitraire de dizaines
de personnes[4]dont plusieurs mineures[5].
Les Dévalideuses
La volonté d'effacer tout signe de contestation s'est ressenti dans le
contrôle policier omniprésent sur les sites et a été marqué par le
placement en garde à vue de huit militantes du collectif Les Hijabeuses,
une arrestation aux motifs clairement racistes et politiques[6]. La
polémique transphobe et intersexophobe autour de la boxeuse Imane Khelif
(voir notre article Boxe: La police du genre frappe à nouveau) a mis au
jour l'absence de formation d'une grande partie de la scène médiatique
et militante sur ces questions et a été un rappel de l'offensive
transphobe portée par les fascistes et les conservateurs en France et à
l'international.
Ceux qui se gavent
Et tout ça pour quel bénéfice? Outre un prétexte pour durcir les
politiques sécuritaires et un renforcement général de l'ambiance
nationaliste déjà étouffante? Déjà celui des grands groupes faisant
parti des «partenaires premium», au premier rang desquels LVMH,
omniprésent: de la cérémonie d'ouverture aux médailles, dessinées par
Chaumet, joaillier du groupe, l'empire du luxe de Bernard Arnault aura
maximisé sa présence tout au long de ces Jeux prétendument «populaires».
Mais l'évènement a aussi été l'occasion pour d'autres de se remplir
directement les poches: GL Events, entreprise dirigée par Olivier Ginon,
un proche d'Emmanuel Macron, a réalisé plus de 70% des aménagements
temporaires des JO pour un montant que les organisateurs refusent de
communiquer.
De notre coté, il ne faut espérer que des miettes: si de multiple
tribunes demandant une vraie politique de développement des pratiques
sportive en France ont été publiées à la fin des JO, dans les faits la
situation reste au point mort, alors que la situation des clubs amateurs
est de plus en plus compliquée face à la suppression de subventions et
des emplois aidés, les forçant à reposer sur les cotisations de leurs
adhérent·es, de plus en plus couteuses.
Les Jeux Paralympiques, l'arbre qui cache le validisme
Les Jeux paralympiques qui on démarré le 28aout ne sont également pas
exempts de problèmes systémiques et organisationnels. Systémiques
puisqu'ils impliquent, tout d'abord, une classification des handicaps
pour déterminer des catégories mais aussi parce que leur promotion est
fondamentalement validiste, comme l'indique la chercheuse Charlotte
Puiseux interrogée par Mediapart[7]: les représentations du handicap
oscillent entre le misérabilisme et la minimisation; il devient «une
force», en particulier dans les représentations d'athlètes concourant
avec des prothèses.
Ces rhétoriques obligent les athlètes à se couler dans une case afin de
gagner en visibilité et ainsi espérer une chance de financement. Car les
para-sports coutent cher: outre la question de l'accès à des clubs pour
pratiquer (et donc potentiellement des temps de trajets importants), se
pose celle du financement de matériel adapté, mais aussi d'aménagements
du temps de travail. Dans un pays où l'AAH (Allocation adulte handicapé,
dont certain·es athlètes vivent) se situe tout juste au dessus du seuil
de pauvreté et où l'accès à un emploi avec une RQTH[8]relève du parcours
du combattant, certain·es se voient contraint·es de renoncer à des soins
ou des repas pour pouvoir pratiquer[9].
L'organisation des paralympiques permet par ailleurs à la ville de Paris
de faire oublier les critiques récurrentes concernant l'absence
d'accessibilité de son métro, ou, d'une façon générale, le manque
d'application des lois concernant l'accès PMR d'un grand nombre de lieux
publics. Des constats qui font grincer les dents lorsque Tony Estanguet,
président du comité d'organisation des JOP de Paris, se met à parler de
«révolution paralympique» dans son discours d'ouverture, saupoudrant
tout du long une métaphore révolutionnaire, tout en précisant dés le
début que ce sera une révolution «sans prise de la Bastille et sans
Guillotine». Une révolution de pacotille, désarmée et sans effet sur le
monde, une imagerie de roman national vidée de tout sens et de toute
ambition.
Face à ce vide, à nous d'inventer et de construire un sport
véritablement populaire et émancipateur, et pourquoi pas, réellement
révolutionnaire?
Marco Pagot et N. Bartosek (UCL Alsace)
Notes:
[1]Militants écologistes ou pour la justice sociale, ils ont été écartés
des JO, 8 aout 2024, Mediapart.
[2]Paris 2024: le «forfait jours» ou la détresse des travailleurs en CDD
pour les JOP, 25 aout 2024, l'Humanité.
[3]Vidéosurveillance boostée par les JO: Un pognon de dingue, une
efficacité contestable, 8 aout 2024, Blast.
[4]À l'approche des JO, les assignations à résidence pleuvent et
détruisent des vies, 17 juillet 2024, Mediapart.
[5]Au moins sept adolescents figurent parmi les assignés à résidence de
l'été, 15 aout 2024, Mediapart.
[6]Huit femmes du collectif des Hijabeuses ont été placées en garde à
vue en marge des JO, 16 aout 2024, Mediapart.
[7]Séparer les Jeux paralympiques des olympiques, un statu quo qui
interroge, 28 aout 2024, Mediapart.
[8]Reconnaissance de la qualité de travailleur·euse handicapé·e
[9]La précarité, un obstacle majeur pour les athlètes paralympiques, 26
aout 2024, Mediapart.
https://www.unioncommunistelibertaire.org/?Jeux-olympiques-et-paralympiques-JOP-propagande-validisme-et-grand-capital
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