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(fr) Monde Libertaire - Le raout du rat (noir) en aout
Date
Tue, 30 Jul 2024 19:36:22 +0100
En aout, petit focus grec oblige en compagnie d'Iakovos Kambanellis, de
sa pièce de théâtre Les quatre pieds de la table, suivie de son
incontournable récit concentrationnaire: Mauthausen. Toujours en Grèce,
dans une autre veine: Carnets de garde de Spyros Tsovilis. Russie
tsariste: petit échantillon des Fables de Léon Tolstoï. Retour dans les
Balkans avec Le Derviche et la mort de Meša Selimovic et Le pays maudit
de Svetislav Basara; Enfin, dernier volet de notre voyage dans les
étoiles: Les météorites, messagères de l'espace de Bernard Melguen. ----
«Plus un chercheur trouve, moins il a de temps pour connaître sa
nouvelle ignorance» Henri Michaux ---- Iakovos Kambanellis ---- Iakovos
Kambanellis est né en 1921, sur l'île de Naxos. Poète, dramaturge,
scénariste et romancier, il est le sixième des neuf enfants d'une
famille nombreuse. Kambanellis est rapidement apparu comme l'un des
dramaturges grecs les plus éminents du XXe siècle et considéré comme le
père du théâtre grec moderne. En tant que survivant du camp de
concentration de Mauthausen-Gusen, il a écrit, outre ses souvenirs du
camp, les paroles de la Trilogie de Mauthausen sur la musique de Mikis
Theodorakis. Il est également l'auteur de pièces de théâtre, de
scénarios et d'une centaine de chansons. Il est seulement reconnu
officiellement en 2000, élu membre de l'académie d'Athènes. En 2011,
Kambanellis transporté d'urgence à l'hôpital en raison d'une
insuffisance rénale, décède à l'âge de 89 ans.
Les quatre pieds de la table
Au début de la pièce Les quatre pieds de la table (éditions Le Miel des
Anges, traduction Hélène Zervas et Michel Volkovitch) d'Iakovos
Kambanellis (déjà croisé à deux reprises dans les chroniques du Rat noir
de mars et de juillet 2023 - faire une recherche dans le cadre ad'hoc
sur le site du Monde libertaire), nous nous trouvons dans la chambre où
est en train d'agoniser Asimakis Kavalas, un riche industriel grec de 99
ans.
A son chevet: les deux aînés de ses sept enfants. Costas et Aliki (qui
considèrent que leurs frères et soeurs sont «des ingrats et de voraces
et ambitieux assoiffés») font le point en essayant de ne pas parler trop
fort de l'état de leur père pour ne pas être entendus des autres de la
fratrie, rassemblés dans la pièce à côté. Surtout en ce qui concerne les
conséquences de la mort prochaine du patriarche et le démantèlement du
patrimoine familial qu'ils doivent se partager entre héritiers. Alors,
quoi faire pour limiter le massacre et sauvegarder un semblant de
cohésion familiale? Changer le testament du père? Arranger sa biographie?
Savoureuse petite pièce bondé d'un humour glaçant, féroce et macabre.
D'autant plus crédible lorsque l'on sait que les faits évoqués sont
issus de l'histoire d'une famille grecque bien réelle. Univers machiste
et violent où à travers leurs sous-entendus et piques permanents, on lit
«à livre ouvert» au fin fond de l'intimité de chacun des protagonistes.
Circonvolutions, coalitions, trahisons, jeux de rôle. Et si, contre
toute vraisemblance, après ce grand déballage mortifère, la solution
consistait tout simplement à trouver d'autres «têtes de Turcs»?
Mauthausen
Dans son avant-propos à la première édition de Mauthausen (trad. Solange
Festal-Livanis) datant de 1963, Iakovos Kambanellis explique les raisons
pour lesquelles il avait mis vingt ans avant de se décider à écrire sur
les conditions de sa détention à Mauthausen.
Dans l'avant-propos de la deuxième édition datant de 1995, il nous
révèle pourquoi trente ans plus tard, il se mit à tout réécrire, mais
cette fois-ci en se polarisant sur les trois mois qu'il passa du 5 mai
(date de l'arrivée des Américains dans le camp) à la mi-juillet 1945,
avec les quelques milliers de Juifs et autres prisonniers politiques
avant que ces derniers soient renvoyés au compte-goutte, dans leurs pays
d'origine. Et pour les Juifs le désirant, gagner la Palestine dès que
les accords internationaux leur en donneraient la possibilité. Et c'est
là ce qui fait la grande originalité de ce récit. Personne encore ne
l'avait fait avant lui.
C'est alors que Kambanellis replongea dans ses notes après avoir lu les
ouvrages de Vassilis Vassilikos et Hans Marsarek qui lui avaient permis
de découvrir beaucoup de choses qu'il ignorait. Entre ces dates,
Kambanellis s'était passionné pour le théâtre (voir plus haut, ainsi que
les Rat noir de mars 2023 et juillet 2023 -faire une recherche dans le
cadre ad'hoc du site du Monde libertaire).
Le récit (révisé) de 1995 commence ainsi: «C'était en avril et c'était
en 1945. Nous avions fini par le savoir: la guerre allait se terminer...
Les signes étaient nombreux. Les haut-parleurs installés dans nos
barraques braillaient les communiqués de la Wehrmacht, les discours
d'Hitler s'étaient tus depuis longtemps. Le ciel crépitait des centaines
de bombardiers américains et les SS les pourchassaient de leurs jurons
et se mettaient à blaguer jusqu'à être pris d'un fou rire nerveux.
Ambiance surréaliste délétère où les SS désemparés n'en réduisaient pas
pour autant le rendement des chambres, même si le gaz et le fuel
commençaient à manquer».
Dans un style simple et sans fard, l'auteur va nous décrire au jour le
jour les changements advenus dans le camp de Mauthausen, à partir de la
fuite précipitée des derniers SS devant l'arrivée des Alliés, le 5 mai.
Scènes d'horreur, revanches, lynchages, SS qui croient faire des
compliments aux Russes en leur disant qu'ils les haïssent autant que les
Juifs (!) etc.
Une scène hallucinante: la première sortie des prisonnières vouées aux
bordels des SS. Et les questions qui fusent de toute part. Courtes
heures «d'euphorie souvent outrées, avant de se mettre au travail». Dans
chaque groupe de déportés de tous pays, des représentants sont élus
(l'auteur pour les Grecs, qu'ils soient juifs ou non). Quelles seront
leurs missions auprès des dirigeants de l'armée américaine et de la
Croix rouge internationale? Régulièrement, Kambanellis ne peut
s'empêcher, pour la vraisemblance du récit, de faire des flash-backs
(grâce à ses notes conservées et prises sur le vif) et nous livrer
quelques-uns des cauchemars récurrents ou des angoisses de ses
compagnons de détention. Certains parlent, d'autres n'aspirent qu'à la
vengeance, beaucoup se taisent.
Une foule de précisions sur l'organisation des camps, les hiérarchies
entre déportés, les quarantaines, le déni, la maladie et la mort
omniprésentes. Témoignage historique sur «la grande évasion», (ou plus
exactement «la grande boucherie», selon l'auteur) des 80 Russes ayant
réussi à s'évader du camp. Quelle fut leur fin?
A découvrir: les rapports difficiles entre les déportés et la population
civile du village voisin du camp. «Etaient-ils tous des nazis ou leurs
complices?» Au passage, on en apprend aussi beaucoup sur les phobies
d'Himmler et autres. Récit émouvant sur le départ des Espagnols
antifascistes basques et castillans, raflés en France par la police
française... Interrogation des autres prisonniers quant à leur avenir.
Départ des Grecs. Grande émotion. Kambanellis décide, lui, de rester
avec les Juifs. Retour au pays difficile pour les Polonais.
Puis, l'auteur nous entraîne dans son histoire d'amour merveilleuse mais
difficile vu les conditions, avec une jeune prisonnière lituanienne. Que
se passe-t-il alors à l'approche de l'armée Rouge? Lorsque les Italiens
antifascistes partent à leur tour, c'est le désarroi. «Les Juifs se
retrouvèrent à nouveau dans un Ghetto!» Les derniers chapitres sont
d'une rare beauté quand sonne enfin l'heure de la libération des Juifs.
Mais quel pays d'accueil choisir? L'Amérique ou attendre le feu vert des
Nations unies et plus particulièrement des Anglais pour la Palestine? A
ce sujet, l'auteur nous livre le récit de l'édifiant épisode de l'Aliyah
Beth, mal connu de la plupart des survivants de la Shoah. Et pour finir,
quelles seront les décisions prises par Iakovos le Grec et la petite
Lituanienne car, nous sommes alors encore bien loin de l'épilogue? ...
Spyros Tsouvilis: Carnets de garde
Spyros Tsouvilis est né à Paris en 1971. Il a occupé différents postes
au sein du Conseil de l'Europe, notamment, dans le domaine de la
coopération juridique et la lutte contre la corruption. En 2007, un
grave accident «interrompt brutalement le cours normal des choses».
Depuis lors, l'écriture participe à la reconstruction d'une vie
nouvelle. Avec Carnets de garde, il publie son premier roman.
Ce sont les notes de Spyros Tsouvilis, griffonnées dans ses carnets à
l'époque qui articulent la plupart des pages de Carnets de garde (éd.
L'Harmattan). Un voyage de 121 jours passés dans l'armée grecque, en
tant que «hexaménite» (grec résidant à l'étranger). Ces derniers étant
tenus d'effectuer 6 mois de service.
Thomas Spartios (pseudonyme de Tsouvilis dans son ouvrage), étudiant à
Paris, n'y échappe pas. Et par un beau matin d'automne, notre héros se
rend à la caserne de Missologhi (située sur la rive nord du Golfe de
Patras), pour y faire ce que l'on appelait en France, ses classes. Il
est accompagné, comme le veut la tradition, par Michel, son meilleur ami
qui lui, l'a effectué six ans plus tôt.
Une des premières des notes du carnet de Tsouvilis vient compléter le
récit du héros. Elle date du 20 septembre. Découverte des «joies du
service» avec la traditionnelle visite des locaux, surtout habités par
les rats et les moustiques. Fourniture des treillis et tour des
chambrées au linge sale. Découverte de ses futurs compagnons. «Les
irréprochables, les futurs lieutenants, les pistonnés et la horde des
lents à la détente» ... Nous faisons alors connaissance avec ses voisins
de section. Le bel Orphéas, autodidacte joueur de bouzouki; Marcos,
l'intellectuel germanophone et le communiste Vengelis; Et bien sur, les
autres hexaménites, souvent expatriés allemands, mais aussi d'Australie,
d'Afrique du Sud, de Suède, de Géorgie, d'ex-URSS, d'Albanie, de
Roumanie, d'ex-Yougoslavie, etc. «On eut dit que toutes les tribus
d'Israël s'étaient rassemblées ici»! Dans cet univers cloisonné,
Tsouvilis découvre combien les hexaménites sont considérés par les
autres appelés comme des privilégiés et haïs à ce titre par les
«anciens» et plus encore, par les militaires de carrière. Nous entrons
alors dans le vif du sujet: «Les jours suivants, je ne sais comment
rapidement les choses se gâtèrent, je perdis à la fois, mon sang froid,
mon humour et mon courage». Bienvenue dans un monde viriliste,
nationaliste, proche parfois de l'atmosphère d'une cour d'école
«pulsions violentes, bizutage, débilité, loi du plus fort ou des grandes
gueules, frustrations en tous genres»! Avec au quotidien: prière
collective du matin (!), corvées, exercices, parades, etc.
A souligner: très beaux passages de poésies extraites des notes de
l'auteur. Reflets de discussions enflammées en chambrées au sujet de
l'amour, de la politique, de la philosophie. Belles images souvenirs des
permissions et des possibilités offertes ou encore, flashbacks sur la
petite enfance de Tsouvilis passée chez ses grands-parents dans un petit
village proche de Parga. Arrivés à la seconde partie de l'ouvrage, nous
suivons Thomas pour ses derniers mois de service, au sein de sa nouvelle
affectation à Yannitsa, en Macédoine centrale, ainsi que ses trois de
ses camarades de Missologhi, Leandros, Orphéas et Markos, l'haltérophile
«lanceur de poids au coeur tendre». Pour le meilleur et pour le pire. Et
pour le pire, nous n'allons pas être déçus! Personnages hauts en
couleurs, insolites ou sombres crétins. Circonstances peu banales qui
marqueront profondément la pensée et l'avenir de l'auteur.
Léon Tolstoï: Fables
Léon Tolstoï est né en 1828, à Iasnaïa Poliana. Célèbre pour ses romans
et ses nouvelles qui dépeignent la vie du peuple russe à l'époque des
tsars, mais aussi pour ses essais, dans lesquels il condamne les
pouvoirs civils et ecclésiastiques. Il est excommunié par l'Église
orthodoxe russe et après sa mort, ses manuscrits sont détruits par la
censure tsariste. Il veut et entend mettre en lumière dans ses oeuvres,
les grands enjeux de la Civilisation. Il laisse également des contes et
des pièces de théâtre. Anarchiste chrétien, il prône le travail manuel,
la vie au contact de la nature, le rejet du matérialisme, l'abnégation
personnelle et le détachement des engagements familiaux et sociaux. Il
espère que la simple communication de la vérité d'une personne à une
autre, fera disparaître toutes les superstitions, les cruautés et les
contradictions de la vie.
Jean-Pierre Piseta, le traducteur de ce petit ouvrage, attend la
postface pour nous raconter la genèse des Fables de Léon Tolstoï (éd.
Allia) et comment a été orchestrée la sélection des textes rassemblés ici.
Ils sont issus des Quatre livres russes de lecture, écrits par Léon
Tolstoï dans le but de «les destiner à tous les enfants russes, depuis
ceux de la famille impériale jusqu'à ceux des plus humbles paysans».
Mais leur contenu souvent rural laisse présager qu'ils s'adressaient
surtout à ces derniers.
Pour ce qui s'agit des thèmes évoqués, Tolstoï en a puisé les sources
aussi bien auprès des textes classiques (grecs, indiens, etc.) que
populaires, d'autres sortis de sa propre imagination. Parmi eux, on
trouve de véritables petits trésors comme La tête et la queue du
serpent, qui se détestent et luttent pour savoir qui des deux sera
devant! Ailleurs, l'histoire d'une paysanne avide qui nourrissait trop
sa poule et va en payer cher les conséquences. Un partage d'héritage
entre deux frères qui se termine mal. Les réflexions (de bon sens) d'un
cheval de Moujik. Le conte hilarant et désopilant mettant en scène un
seigneur qui envoie son serviteur acheter au marché, les meilleures
poires, mais... Plus loin, «Comment décrire la couleur du lait à un
aveugle»? Belle morale que celle du conte sur le loup et l'arc. Enfin
une très belle conclusion «toute tolstoïenne» dans la dernière fable où
un corbeau, un pigeon, un serpent, un cerf et un ermite tentent de
répondre à la question «Pourquoi le mal existe dans le monde»?
A mettre entre toutes les mains!
Meša Selimovic: Le derviche et la mort
Mehmed «Meša» Selimovic est né le 26 avril 1910, à Tuzla
(Bosnie-Herzégovine). Il fait ses études à la Faculté de philosophie de
l'université de Belgrade et participe, dès 1941, au Comité national de
Libération. Son oeuvre comporte des romans, un essai, des recueils de
nouvelles et de souvenirs qui lui ont valu les plus hautes récompenses
littéraires.
«J'entreprends ce récit, sans raison, sans profit pour moi-même ni pour
le autres[...]J'ignore encore ce qui sera consigné, mais dans mon
procès, je suis à la fois juge, témoin et accusé», nous avertit Amhed
Nuridin, le narrateur du Derviche et la mort (éd. Gallimard, traduit du
Serbo-croate par Simone Meuris). Nous avons déjà croisé Mesa Solimovic
et son magnifique roman, La Forteresse, dans la chronique du Rat noir de
juin 2023 (faire une recherche dans le cadres ad'hoc sur le sie du Monde
libertaire).
Mais revenons à Ahmed notre héros qui n'est autre que le cheikh d'un
couvent de Derviches Mevlevi. Arrivé à la quarantaine, sa paix
intérieure va être remise sérieusement en cause lorsque son frère Harun
va se retrouver en prison. Ce qui décide Ahmed à aller trouver le vieux
Djanitch à l'agonie. C'est donc sa fille, belle mais énigmatique, qui
accueille le Derviche. Ironie du sort c'est elle qui demande alors à
Ahmed, sceptique, de lui rendre un service. Mais au fil du temps les
évènement impromptus vont s'enchaîner et tout compliquer. Ahmed
perdra-t-il alors ses repères et convictions religieuses devant
l'infaillible réalité? Son regard sur le monde va-t-il changer? D'autant
que tout s'emmêle: les attitudes ambiguës ou indifférentes de ses
collègues derviches et les révélations de son ami Hassan, un garçon
«libre et franc» qui lui explique que tout ce que l'on reproche à son
frère est «d'en savoir trop».
Tandis que l'intrigue avance, nous retrouvons l'un des thèmes phares de
l'univers de Solimovic: le rouleau compresseur de l'ordre établi. La
conclusion du roman nous offre tout ce que l'on peut attendre des plus
beaux contes orientaux! Au passage, l'auteur nous gratifie d'un beau
résumé de l'histoire de la Bosnie et de la conditions de ses habitants,
hélas inchangées jusqu'à nos jours: «Nous nous n'appartenons à personne,
nous nous trouvons toujours sur une frontière ou sur une autre, nous
sommes toujours la dote de quelqu'un. Depuis des siècles, nous nous
cherchons, nous nous trouvons parfois. Bientôt, nous ne saurons plus qui
nous sommes. Nous perdons peu à peu notre propre visage et ne pouvons
prendre celui des autres. Nous vivons à la limite des mondes, à la
frontière des peuples, exposés à toutes les attaques, toujours
coupables. Les vague de l'histoire se brisent sur nous comme sur un rocher»!
Svetislav Basara: Le pays maudit
Svetislav Basara est en 1953, à Bajina Bašta. Ecrivain et homme
politique serbe, il est particulièrement actif au sein du Parti
démocrate-chrétien de Serbie. Considéré comme un représentant de la
littérature postmoderne, il est admiré pour son humour grinçant et sa
fantaisie. «Est-il fou, génial, libertaire, ou encore un amuseur
effronté et sentimental?», se sont souvent demandé les critiques.
Quel plaisir de replonger dans l'univers déroutant de Svetislav Basara
(déjà croisé dans le Rat noir de juin 2024, avec Copie d'un manuscrit
brulé). Cette fois-ci à destination du Pays maudit (éd. Gaïa, traduit du
Serbo-croate par Alain Cappon).
Le narrateur du roman, un ambassadeur britannique, se rend incognito
dans un village du pays d'Etracie. Une contrée où interfèrent,
mythologie, passage par l'ère socialiste, avant de tomber dans l'oubli.
Espace aux frontières floues, coincé entre deux no man's land. Dans ce
confins du monde, notre narrateur va se trouver tout d'abord face à son
propre fantôme, puis à Eros et Thanatos, mais aussi croiser «nombre de
trafiquants d'esclaves, de faux réalisateurs de cinéma, de businessmen
fauchés, ou encore de princesses russes déchues, de mercenaires, de
prostitués de dealers, de chercheurs de néant».
Bref, perdu dans une faune qui, on ne sait comment, de seconde en
seconde ne cesse de se multiplier. D'où le fort taux de criminalité.
Bizarrement, on y trouve également un taux impressionnant de maisons
d'éditions et d'imprimeries «alors qu'ici, personne ne lit»!
Intrigué, notre héros se rend dans l'unique librairie du village et y
achète l'ouvrage d'un illustre inconnu nommé Robert T. Cincaid.
Probablement lui aussi ambassadeur, lui aussi britannique et «donc
forcément homosexuel et agent à la solde de Moscou»!
Son unique ouvrage Le pays maudit (comme par hasard traduit par un
certaine Svetislav Basara!) se déroule on s'en serait douté, en Etracie,
«Ce pays absent de toute encyclopédie sinon présent en termes assez
vagues, dans une encyclopédie russe «inégalable pour ce qui est de
l'inventivité car, l'Etracie n'existe pas, cela ne voulant pas dire
qu'elle n'existera jamais!» ... Nous voilà plongés, pour notre plus
grand plaisir, au fond de ce grand mystère.
Fort de son style explosif et si particulier, Svetislav Basara se livre
avec jouissance à un pastiche de «ce qu'a pu être le roman diplomatique
de tradition serbo-croate». S'entremêlent ici récit, correspondances,
biographies, extraits d'ouvrages relatant au passé et au présent les
faits et gestes des protagonistes, tous dans le collimateur d'un
gouvernement autoritaire sous les ordres d'un «roi fantoche» et de ses
services de sécurité tout-puissants. «Sainte ivresse, réhabilitation des
buchers pour les sorcières et apologie de la «monarchie absolutiste».
Roman «à tiroirs sans clés» qui sous nos yeux hypnotisés, va devenir de
plus en plus hyperréaliste, baignant dans un univers dans lequel
disparaissent tour à tour, le temps, l'espace, le sens et surtout les
gens! Mais au fait dans ce Maelstrom, que va-t-il advenir de notre
narrateur?
Bernard Melguen: Les météores, messagères de l'espace
Après La vie dans l'Univers et Les exoplanètes parues dans la chroniques
de juillet 2024, voici le troisième volet de notre voyage dans l'espace.
Nous allons y découvrir Les Météores, messagères de l'espace (éd.
Apogée). Dans son introduction, Bernard Melguen, professeur d'astronomie
à l'Université de Nantes, nous livre quelques considérations générales
sur ces «bombardements célestes, imprévisibles, constants et qui durent
depuis des millénaires».
Des centaines de tonnes tombent chaque année sur Terre et ce, à une
vitesse moyenne de 100.000 km/h, ou plus! Ces météorites (terme qui vit
le jour en 1822), furent-elles objet de frayeur ou bien de vénération,
depuis les temps anciens? Ont-elles été coupables d'avoir éradiqué 80 %
de la vie sur Terre il y a 65 millions d'années, ou ont-elles contribué
au contraire, à apporter les premiers germes de la vie sur notre planète?
Quoi qu'il en soit, «elles sont devenues depuis quelques décennies, les
pierres les plus précieuses que nous connaissions».
Survol des principaux thèmes abordés dans ce petit recueil. Tout d'abord
l'évocation de quelques météorites légendaires ayant laissées des traces
dans la mythologie depuis 1450 avant notre ère. Dans la Bible, puis dans
l'antiquité grécoromaine (météorites d'Aegos Potamos), en Asie Mineure
(Pessinonte), chez les Phéniciens d'Emèse (le bétyle d'Elagabal), la
Pierre noire de la Mecque et autres météorites décrites en Chine. Le
problème qui s'est alors posé à tous ces peuples fut de tenter de
comprendre la provenance, un peu partout dans le monde, de ces divers
objets en fer pur (souvent associés à 10% de nickel) et attestés dans
les textes anciens et visiblement «plus anciens que le traditionnel âge
de fer».
Bernard Melguen nous initie ensuite aux longs débats scientifiques,
vieux de plus de 2 000 ans, au sujet de «ces pierres tombées du ciel»:
Etaient-elles les messages des dieux envoyés aux hommes, ou de simples
chutes cosmiques extraterrestres? Ces interrogations donneront naissance
à la «cosmochimie», aujourd'hui en plein essor.
Dans les chapitres suivants, nous allons découvrir au gré des
découvertes scientifiques, l'origine des météorites: sont-elles des
pierres orphelines? Des corps parents des astéroïdes (la première ayant
été découverte en 1801 par Guiseppe Piazzi, le directeur de
l'observatoire de Palerme)? Des étoiles filantes ou encore, des
poussières cométaires? Comment reconnaitre les trois catégories de
météorites (pierreuses, ferreuses et mixtes ou sidérolithes)? Suit, un
passage très instructif sur les météorites et la radioactivité, sur
leurs messages en matière de «nudéosynthèse» et plus précisément sur les
conditions de la formation du système solaire, l'âge de la Terre et la
naissance des atomes au coeur des étoiles. D'où cette véritable chasse
aux météorites notamment en Antarctique, mais rendue d'autant plus
difficile à cause de l'étendue des océans. Une météorite martienne
pouvant atteindre sur le «marché», jusqu'à 100 fois plus que son poids
en or! Quelles sont les caractéristiques de la chute et de l'impact des
météorites? Quid des cratères et quels sont les plus grands répertoriés
sur Terre? Suite un historique des chutes célèbres ou les plus
étonnantes, et ce, de la plus ancienne à la plus récente.
C'est alors que nous pénétrons au coeur d'une «véritable enquête
policière» sur la disparition des dinosaures. Enquête initiée par Luis
Alvarez (physicien nucléaire) et son fils Walter en 1978. Et toujours
des questions. La disparition des dinosaures aurait-elle eu un impact
positif sur le développement de l'humanité? Les météorites
auraient-elles apporté les premiers germes de vie sur notre planète?
Enfin, une question des plus pertinentes: les météorites, sont-elles des
menaces pour la menaces pour la Terre? Des épées de Damoclès ou des
«force d'insémination»?
Toutes les réponses se trouvent cachées dans ce passionnant petit
ouvrage, prodigieusement bien illustré!
Patrick Schindler, individuel FA Athènes
Un passager clandestin (Bernard CRML)
https://monde-libertaire.fr/?articlen=7959
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