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(fr) Courant Alternative #342 (OCL) - Daniel Blanchard, de belles pages en héritage

Date Thu, 25 Jul 2024 18:19:20 +0100


Daniel Blanchard est mort le 3 mai 2024, le jour de ses 90 ans et de ses 58 ans de vie commune avec Hélène Arnold sa compagne de vie, de traduction, de combats. Hélène qui nous rappelle qu'il fuyait les hommages et n'aimait pas qu'on parle de lui, mais qu'il aurait aimé que l'on parle de ses livres. Ce que nous allons tenter de faire, même s'il est difficile de distinguer chez Daniel l'oeuvre de l'expérience, les mots des lieux, les réflexions des temps vécus ou à venir. ---- Daniel Blanchard était porté par deux passions: l'écriture, et particulièrement la poésie, et le questionnement philosophique et politique. Cette dernière l'a amené à participer de 1957 à 1965 au groupe Socialisme ou Barbarie où sous le pseudonyme de P. Canjuers, il rédigea en 1960 avec Guy Debord les Préliminaires pour une définition de l'unité du programme révolutionnaire . Après 68 et sa rencontre à Paris avec Murray Bookchin, il séjournera dans le Vermont, l'un des foyers les plus féconds de la «contre-culture» états-unienne. Dans le même temps, il publie à plusieurs reprises des poèmes dans «L'Éphémère» des textes repris dans un volume, Cartes , au Mercure de France. Il compose ensuite un ensemble de proses et de poèmes, Table claire , qu'il imprime et publie lui-même du temps de sa participation à l'aventure de l'imprimerie La Quotidienne. Une suite de poèmes, Idéal portrait , paraît en 1984 chez P.O.L.

De son expérience américaine il tire un roman, Halte sur la rive orientale du lac Champlain, Vermont (Julliard, 1990). Suivent en 1993 et 1994 une suite de poèmes, La Conversation reprend , et un autre roman, Fugitif , chez Deyrolle éditeur. En 2000, Sens et Tonka éditeurs publient un bref essai, Debord dans le bruit de la cataracte du temps en prélude à une réédition des «Préliminaires» de 1960, suivi bientôt d'un récit Ici en 2001, une première investigation autobiographique d'une teneur plutôt pessimiste. Suivront un recueil de proses brèves et de citations, Vide-poches (2003) et une suite de poèmes Battant, dormant (2005).

En 2008 Daniel publiait chez Sens et Tonka un nouveau roman structuré par des éléments biographiques, Ces éclats de liberté , Courant Alternatif en faisait cette critique:

«C'est un gros roman, 567 pages, à l'écriture dense, belle et précise. Une traversée du siècle, une histoire de mémoire et de fidélité, d'allées et venues entre les Alpes du Sud, Paris, l'Italie, l'Afrique, l'Europe de l'Est, le Poitou enfin. Des allées et venues entre la grande Histoire et celle d'êtres singuliers qui la traversent. Un roman sur la recherche de soi, à travers la mémoire des engagements, des rencontres qui marquent à jamais, où l'on croise des résistants, les échos d'anarchistes italiens, des anticolonialistes de l'après-guerre, l'ombre portée de Breton, de Bataille, puis l'explosion de mai 68. Ces éclats de liberté est un vrai roman, très construit, avec plusieurs niveaux de lecture possible, une trame narrative dense, trois personnages principaux, le narrateur, Émile, qui se retourne sur sa vie tout en prenant appui sur un prétexte narratif original, la découverte du journal de Lucien, celui qui fut comme un père pour lui, et grâce auquel il va le redécouvrir sous un nouveau jour. Et puis, il y a, plus jeune, Geoffroy l'irréconcilié, dans une guerre permanente mais donquichottesque avec le monde.\\

Un texte qui se déploie comme un chant aussi attentif aux lieux, aux pierres sèches et aux herbes folles d'une maison abandonnée, au vent qui bruisse dans les feuillus, à la montagne proche et familière, aux ambiances, aux silences, à des descriptions impressionnistes qui sont toujours celles d'un ressenti, l'expression d'un état intérieur, d'un arrêt sur soi, d'une remémoration où les regrets sont élégamment formulés avec ironie.\\

Dans ce roman existentiel, où il est question d'amour, d'amitié, de jazz, de politique, qui est aussi un peu une sorte de roman du siècle, depuis les mouvements de l'avant-garde artistique des années 20 jusqu'aux années 90, c'est le parcours d'une vie marquée par l'engagement politique, intellectuel, l'art, les enthousiasmes et les déceptions, mais aussi une très grande attention aux choses, aux êtres, aux mots que l'écriture fine, musicale, retenue, d'une grande précision, parfois hésitante, rend magnifiquement, entre la base rythmique du récit, lui-même marqué par des allers et retours introspectifs et le dispositif narratif complexe, et des motifs plus mélodiques des impressions, des souvenirs, des images et de leurs couleurs. Il y a dans tout ce récit des moments ou accents presque proustiens, ce temps suspendu, ce temps de la vie qui est la matière même du récit, travail qui impose au lecteur un hors temps, une parenthèse avec sa propre temporalité, un certain état de disponibilité.» ([[http://oclibertaire.free.fr/upl/CA200.pdf][CA n° 200, mai 2010]], texte de JF)

En 2014 Daniel donnera une suite à Ces éclats...: La Mémoire empoisonne mes puits, le roman d'une réflexion à vif sur l'âge, sur la mémoire, sur le temps et sur une époque révolue

En 2012, les éditions du Sandre, font paraître Crise de mots , un recueil de textes qui résultent de deux expériences, celle de la théorie critique et celle de la poésie qui ont en commun d'expérimenter la liberté et la recherche de l'émancipation dans et par le langage. Il insiste dans cet ouvrage sur la nécessaire unité entre critique théorique et parole singulière mais il y pointe aussi ce qui menace de rompre ce lien problématique, de faire éclater cette crise des mots, cette crise de la perception du réel à travers les mots lorsque ceux-ci s'encombrent de concepts arides, d'abstractions écrasantes, perdent le contact avec le monde vécu et l'expérience sensible jusqu'à pétrifier le langage, l'appauvrir par des codes machiniques stéréotypés, vides de sens et le faire basculer dans une fonctionnalité purement instrumentale.

En 2013, à nouveau chez Sens et Tonka parait A l'air libre , nouveau recueil de poésie. Dans ces textes brefs, il s'agit de saisir la qualité mais aussi la structure d'un moment de vie -- comment agit le deuil d'une personne proche, ou l'emprise de la montagne sur l'esprit, comment se rencontrent le bruissement des feuilles ou de la rivière et la parole humaine... Et cela hors de tout cadre formel ou conceptuel préétabli -- «à l'air libre».

En 2023 ce sera un ultime essai autobiographique La Vie sur les crêtes paru aux éditions du Sandre. Un testament politique et littéraire qui explore sa vie et «traite le réel -- la nature, les autres êtres humains avec «des sens sobres» comme dirait Marx», et qui s'affirme sans relâche contre le «délire machinique du capital qui ignore, qui refoule notre mortalité» et en cela dénie la vie. Nous l'avons[[file:spip.php?article3995][chroniqué dans Courant Alternatif n° 334 de novembre 2023]].

Daniel n'était pas que poète, romancier, ou essayiste. Traducteur avec Hélène Arnold de leur ami Murray Bookchin, dont ils introduisirent la pensée en France en 1974, avec une première brochure diffusé par Parallèles, puis reprise et complétée en 1976 chez Christian Bourgois Éditeur dans Pour une société écologiste. En 2019 il préfacera l'édition de «[[https://www.lechappee.org/collections/versus/pouvoir-de-detruire-pouvoir-de-creer][Pouvoir de détruire, Pouvoir de créer]]» qu'il a coordonné avec Hélène Arnold, Renaud Garcia et Vincent Gerber chez l'Échappée.

Resté fidèle à ses engagements «socio-barbares», il a également préfacé une[[https://editionsacratie.com/socialisme-ou-barbarie-anthologie-lefort-castoriadis-mothe-lyotard-etc/][Anthologie de la revue Socialisme ou Barbarie]], publié aux éditions Acratie en 2007 par un collectif comptant d'anciens membres du groupe-revue, puis contribué activement depuis au cercle de réflexion «*Soubis*» issu de cette initiative. Ses contributions à des revues politiques ou artistiques furent nombreuses, et en ce qui nous concerne plus particulièrement nous pouvons rappeler qu'en 2008, à l'occasion des 40 ans de mai 1968, il avait contribué au numéro hors série[[file:spip.php?article347][Mai encore!]]édité conjointement par Courant Alternatif et Offensive, ainsi qu'à la revue Réfractions, avec un article intitulé[[https://refractions.plusloin.org/IMG/pdf/2002.pdf][Actualité; de Mai]].

Insatiable curieux Daniel aimait aussi à s'égarer sur les rivages du cinéma et outre des scénarios pour la télévision, on lui doit par exemple une traduction (avec Claude Orsoni) de Théorie du film, la rédemption de la réalité matérielle de Siegfried Kracauer, un livre qui interroge les rapports entre cinéma, histoire et mémoire.

Car dans la bibliographie de Daniel Blanchard se trouve en fil conducteur une réflexion fondée sur son expérience des lieux, du temps, de la matérialité des choses, des êtres et des mots, ainsi que sur la faculté de l'humanité à verser dans l'amour et la beauté comme dans l'horreur et la barbarie. Avec en choix définitif, celui de la poésie et de la fréquentation des gens simples, montagnards ou paysans poitevins, qui restent le meilleur rempart contre «la mise en crise permanente qui est (...) la compulsion profonde qui meut la société capitaliste depuis son origine».

Philippe

https://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article4228
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