A-Infos (fr) Courant Alternative #344 (OCL) - Retour sur la manifestation antinucléaire du 12 octobre

Dans le précédent Courant alternatif, nous annoncions une initiative 
nationale antinucléaire à Rouen pour s'opposer à la relance du programme 
nucléaire tant civil que militaire. La mobilisation a été en 
demi-teinte: 800 à 1 000 manifestant·es à Rouen, une centaine le 
lendemain sur la plage en face de la centrale nucléaire de Penly. C'est 
peu, très peu si on compare à la force du mouvement antinucléaire dans 
le passé, mais pas déshonorant si on considère l'état actuel des forces 
antinucléaires. Reste qu'il n'y avait pas plus de monde à Rouen, 
manifestation «nationale», qu'à Caen (CA n° 340), manifestation 
«régionale». ---- Comment sortir de l'isolement? ---- Le village 
associatif était une réussite, tant du point de vue du nombre de stands, 
de leur contenu informatif, que de la logistique (WC, cantines...). Mais 
il se tenait sur des quais déserts (à cause d'une météo maussade?). De 
même, la manifestation était plutôt une déambulation, comme annoncé, sur 
un parcours complètement désert en majorité (les négociations avec les 
préfectures ont été difficiles). Plus significatif sur l'état d'esprit 
du mouvement antinucléaire, il n'y avait aucune signalétique pour 
indiquer comment se rendre au village, ni même qu'il existait. Aucun 
tract n'était prévu à destination de la population. Alors que les 
antinucléaires ne cessent de se poser la question de comment intervenir 
dans le mouvement écologiste, aucun lien n'était fait avec la 
catastrophe de Lubrizol. Pourtant les luttes locales, de terrain, 
étaient présentes, de Bure et la Hague au technocentre de Fessenheim. Il 
faut remarquer aussi que «Arrêt du nucléaire» représentait une part plus 
que notable de la mobilisation.

Il semblerait que le mouvement antinucléaire soit contaminé par un 
défaut qui ne lui est pas propre: confondre s'adresser à la population 
et communication. Le rassemblement à Penly a été entièrement pensé «pour 
la photo». Mais également le village et la déambulation étaient 
partiellement pensés de ce point de vue. C'est oublier que seuls le 
nombre et le rapport de force peuvent nous ouvrir les médias, avant la 
qualité des spectacles, communiqués et prises de parole. On ne regagnera 
jamais la population à notre combat si on reste orientés réseaux 
sociaux, réseaux sociaux qui tournent sur un entre-soi algorithmique. Il 
y a d'ailleurs eu très peu d'échos dans les médias.

Comment se reconstruire quand on est peu nombreux?

Bien sur, moins on est nombreux, plus on essaie de compenser la 
faiblesse des effectifs par la force des symboles. Et c'est loin d'être 
idiot. Mais c'est une bonne tactique à condition de ne pas 
s'illusionner: aucun symbole n'arrêtera jamais le programme nucléaire, 
sinon nous aurions gagné depuis longtemps. Le problème est lorsqu'on 
passe plus de temps à réfléchir sur les symboles et la forme de la 
communication que sur les moyens de mobiliser, ou plutôt d'ailleurs 
lorsqu'on confond les deux.

La tentation est grande aussi, et la coordination antinucléaire y a 
succombé, de se réfugier à l'ombre des «grands», les partis politiques 
et les ONG. Ni la LFI, ni les Verts, ni le NPA n'ont mobilisé réellement 
leurs troupes pour cette initiative. Par contre, pour tenir le micro, 
ils étaient là (enfin, la LFI et le NPA, les Verts ont été apparemment 
écartés). Laisser la parole à un parti qui s'est fortement mobilisé pour 
une initiative, pourquoi pas? Mais ce n'est pas en leur tendant 
obligeamment le micro qu'on va les obliger à se mobiliser. Et autant il 
est des militant·es antinucléaires aux Verts, au NPA et à la LFI, 
militant·es qui se battent pour que leur parti se bouge sur le sujet, 
autant on ne peut pas dire que ces partis investissent le terrain. 
Lorsqu'on constate qu'il n'y avait pas un mot sur le sujet dans le 
programme du Nouveau front populaire, on se doute bien que le premier 
sujet que les un·es et les autres sont prêt·es à laisser tomber pour 
accéder aux délices des strapontins du pouvoir, c'est bien celui-ci.

Sans compter les ONG pour lesquelles on se demande parfois si elles ont 
un organe entre les deux oreilles. Le slogan de Greepeance était «Le 
nucléaire, trop lent, trop cher, trop sale, trop risqué». Trop lent, le 
nucléaire?? Pour des antinucléaires?? Bien sur, c'était sous-entendu 
trop lent pour sauver le climat. Et ces imbéciles ne voient même pas que 
ça, ça suppose que le nucléaire pourrait être une solution pour le climat?

En résumé, on peut dire que le bilan de cette mobilisation est plutôt en 
demi-teinte. C'est une mobilisation à l'image de la coordination 
antinucléaire actuelle, avec toutes ses faiblesses, ses ambiguïtés, mais 
dont il faut reconnaître aussi que c'est la seule tentative de 
mobilisation à l'échelle d'une relance hexagonale du nucléaire, à une 
heure où il y a peu de luttes locales, surtout concentrées soit sur les 
déchets (Bure, la Hague), soit sur des accessoires du nucléaire 
(technocentre de Fessenheim).

Sylvie

https://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article4285
_________________________________________________
A - I n f o s
informations par, pour, et au sujet des anarchistes
Send news reports to A-infos-fr mailing list
A-infos-fr@ainfos.ca
Subscribe/Unsubscribe https://ainfos.ca/mailman/listinfo/a-infos-fr
Archive: http://ainfos.ca/fr