A - I n f o s
a multi-lingual news service by, for, and about anarchists
**
News in all languages
Last 40 posts (Homepage)
Last two
weeks' posts
The last 100 posts, according
to language
Castellano_
Deutsch_
Nederlands_
English_
Français_
Italiano_
Polski_
Português_
Russkyi_
Suomi_
Svenska_
Türkçe_
The.Supplement
First few lines of all posts of last 24 hours ||
of past 30 days |
of 2002 |
of 2003 |
of 2004 |
of 2005
Syndication Of A-Infos - including
RDF | How to Syndicate A-Infos
Subscribe to the a-infos newsgroups
{Info on A-Infos}
(fr) Retour sur le mouvement lyceen
Date
Fri, 24 Jun 2005 09:30:15 +0200 (CEST)
Ceci est une transcription d'une partie de l'interview des trois
lycéennes et lycéens du 92 et 93 réalisée par "Vive la sociale".
Réalisée avant les procès, elle n'aborde ce sujet qu'au travers de la
dimension anti-répression prise par les dernières manifestations.
Comment le mouvement lycéen a-t-il commencé en Ile de France ?
Au départ, il y a eu une réunion dans un café d'une dizaine de personnes
: des syndicalistes lycéens, des membres d'organisations politiques et
des indépendants. Il a été décidé d'organiser une AG à la fac de
Nanterre. Les militants qui sétaient réunis ont profité de la manif
interpro du 20 janvier pour faire passer le mot. A cette AG, ils nous ont
donné des billes sur le projet de réforme Fillon et on a décidé d'une
manif le 1er février. On est retourné dans nos lycées et le matin de
cette manif, on est passé dans les classes pour expliquer ce qu'était
cette réforme. On était à peu près 3 000 dans la rue, dans une manif non
déclarée, sans service d'ordre. Après cette manif, il y a eu une AG qui a
décidé d'appeler à une autre manif. Parallèlement, chacun-e essayait de
mobiliser sur son lycée.
Les syndicats lycéens (FIDL et UNL) nous ont beaucoup aidés à organiser
les manifs. Ils ont mobilisé beaucoup de monde au départ, avec des moyens
: camions, tracts, & Très vite, on a été en parallèle à ces syndicats,
surtout quand on s'est aperçu que les manifs
République-Bastille ne faisaient rien avancer : ils ne faisaient que
distribuer leurs autocollants, sur des musiques de Britney Speers, sans
aucun message politique. Ils ne voulaient pas reconnaître la légitimité
d'une coordination hétérogène et autogérée. En fait, ils ne
reconnaissaient pas qu'il y avait un mouvement lycéen naissant. Pour eux,
comme en 1998, les syndicats lycéens représentaient les intérêts des
élèves et donc (que : à supprimer) les lycéens devaient être
syndiqués pour défendre leurs intérêts et leurs revendications. Or
l'immense majorité des lycéens n'est pas syndiquée.
Pour mieux décrire ce parallélisme, d'un côté il y avait une structure
permanente et d'un autre côté, ceux qui pensaient qu'on pouvait faire les
choses nous-mêmes, être indépendants, & Et surtout qu'on pouvait poser
des questions politiques, et pas seulement demander des crayons& La FIDL
et l'UNL voulaient simplement négocier et c'est leurs
revendications que les médias ont mises en avant dans un premier temps.
Nous, ce qu'on voulait, c'est l'abrogation de la loi Fillon. Pour eux,
"Fillon démission" ne pouvait pas être un mot d'ordre à mettre en avant.
On avait l'impression qu'ils étaient juste là pour récupérer des
adhérents. En fait, ils ont lâché très vite et on s'est rendu compte
qu'il fallait s'organiser de manière autonome. Lorsqu'on a voulu, à titre
individuel, participer à une réunion de la FIDL pour débattre ensemble,
on s'est fait virer par le SO de SOS Racisme. En fait, on s'est aperçu
très vite qu'ils ne combattaient que des petits points de la réforme, car
à ce moment-là il ne s'agissait pas encore de la loi, et non la
philosophie, qui se retrouvait dans la phrase : "L'éducation doit être
couplée avec le marché".
Quelles étaient les divergences ?
Il y a eu une divergence fondamentale entre celles et ceux qui
refusaient l'essence de la loi et ceux qui refusaient la forme. Dès que
la loi va passer dans l'urgence, les syndicats lycéens vont l'accepter.
Ils avaient une stratégie : redorer leur blason et empêcher une
radicalisation du mouvement. En fait, il faut rappeler que ces deux
syndicats sont nés à l'intérieur du Parti Socialiste. Or à l'approche du
référendum sur la constitution européenne, ils n'avaient pas intérêt à ce
qu'un mouvement veuille sanctionner le gouvernement. A notre avis, le PS
n'est pas pour rien dans les choix stratégiques de la FIDL et de l'UNL.
Ces syndicats en étaient encore aux TPE et aux choix des options quand
une partie du mouvement en était à un regard sur la société, vers les
sans papiers (lycéens dans un premier temps), vers les précaires, & Une
société qui amène à produire cette loi.
Petit à petit, la loi Fillon a commencé à être reléguée au second plan.
Ce n'était plus l'objet essentiel de la lutte, de la mobilisation. Les
gens voyaient plus loin, c'était une réelle contestation. Les lycéens ont
commencé à avoir une conscience politique plus élargie.
Pouvez-vous nous parler des blocages et des occupations ?
Quand on est 30 sur 900 élèves informés de la loi, comment on fait pour
faire passer nos connaissances ? Les blocages étaient un bon moyen
d'informer les lycéens-lycéennes, leur permettant de donner leur avis, de
voter la grève pour pouvoir aller à la manif. Le blocage était un bon
moyen de permettre au maximum de personnes de s'exprimer et d'informer au
mieux avec peu de moyens. Au début, on nous a dit : "Le blocage, c'est
pas démocratique", sauf que la démocratie, c'est de pouvoir rassembler et
demander l'avis de tout le monde. Or dans les lycées, on n'a pas de lieux
pour cela, on ne fait que se croiser dans les couloirs. Le noyau actif
s'est élargi, mais très rapidement on s'est aperçu qu'il fallait se
donner d'autres moyens. Les blocages ont permis de reconquérir nos droits
: obtenir une salle et des panneaux d'affichage par exemple, ce qui était
impossible en début d'année.
Pour celles et ceux qui petit à petit abandonnaient la lutte, il y avait
trois types d'arguments : c'est bientôt les examens, mes parents veulent
que j'aille en cours, à quoi ça sert d'aller aux manifs si c'est pour se
faire agresser et racketter ? Ce à quoi il faut ajouter les pressions
administratives. Il faut savoir que de nombreux élèves se sont fait virer
de chez eux parce qu'ils persistaient dans le mouvement contre l'avis de
leurs parents. Il y avait aussi la paresse de s'investir. Si le blocage
seul ne peut marcher à long terme, il y a aussi
l'occupation la nuit, ce qui n'est pas la même logique. Elle permet de
poser une contestation permanente dans le lycée et de montrer qu'il y a
des élèves qui continuent à se battre. Il y a eu l'idée de mettre en
place des cours pendant ces occupations, de faire des choses. Mais on n'a
pas été suffisamment soutenu par les profs au moment des blocages.
C'était quand même difficile d'organiser pendant les occupations des
ateliers débats, de mettre en place des cours. Si cela avait marché, ça
aurait pu être un atout pour la mobilisation. On s'est quand même
beaucoup entraidés : à tour de rôle, une personne allait au cours et
transmettait les documents aux autres.
Pouvez-vous nous parler des soutiens que vous avez reçus ?
Même s'il y avait un soutien en parole de nombreux profs, cela a eu du
mal à se traduire réellement sur le terrain. Pour nombre d'entre eux, il
reste toujours l'abcès de 2003 où les pertes de salaire ont été
conséquentes suite à une grève longue qui n'a pas gagné. Puis, "C'est
trop tard, la loi est passée". On avait beaucoup compté sur la manif
interpro du 10 mars pour que les salariés, surtout du public, nous
apportent leur soutien. Mais ils ont préféré négocier sur leur salaire.
Il n'y a pas eu de convergence.
Du côté des syndicats de profs, deux nous ont réellement soutenus : SUD
et la CNT, qui appelaient à la grève à chaque manifestation et qui
étaient présents. Pour ce qui de la FSU, cela dépendait des
établissements et des départements : les profs disaient "Le syndicat
n'appelle pas à la mobilisation" et les syndicats répondaient qu'ils
n'avaient pas de demande de la part de la base& Il n'y a eu de la part
des enseignants que des grèves ponctuelles. On n'a pas été suivi au
niveau national. A noter que pour le collectif anti-répression, les
syndicats ont tous signé !
On a été bien soutenu en région parisienne par la FCPE (association de
parents d'élèves), ce qui ne fut pas le cas à Toulouse.
Est-ce que vous vous êtes intéressés à la façon dont les médias
parlaient de vous ?
Cela a été un grand sujet de discussion dans les AG parce que les médias
sont vraiment importants dans notre société. Il est vrai que si on veut
faire passer quelque chose, on a tendance à vouloir soigner son image. Au
début du mouvement, c'était :"Le mouvement lycéen conduit par l'UNL, la
FIDL et le CAL, organisation lycéenne proche de la LCR et
d'Alternative libertaire", alors que les CAL, ça n'existait pas. Quand
les syndicats sont partis, les médias ont vu qu'il y avait un mouvement
quand même. Ils ont commencé à nous écouter et à reconnaître qu'on était
la coordination lycéenne, mais quand même, on était des radicaux
d'extrême gauche. On a vu apparaître dans les médias des "figures" de la
coordination, soi-disant porte-paroles, alors que personne ne les avait
désignés comme tels et qu'ils ne s'étaient pas réclamés comme tels. Les
médias ont essayé de nous faire passer pour un syndicat conventionnel. Le
pic de la vague médiatique a eu lieu après le 8 mars, avec les
"casseurs". On a eu l'impression que ce déploiement médiatique avait pour
but que les lycéens ne descendent plus dans la rue. On avait l'impression
que d'un côté, il y avait les lycéens qui se mobilisaient et de l'autre
les jeunes des banlieues qui étaient là pour casser, voler& Pour nous, la
réflexion était : "On est confronté à un problème, on fait quoi pour que
la mobilisation continue ? On fait un service d'ordre musclé ou plus
diplomatique ?". C'est le côté diplomatique qui l'a emporté. Dans les
médias, c'était un phénomène de société un peu bizarre, très malsain. A
la manif interpro du 10 mars, on a eu droit à un SO musclé qui empêchait
les individus noirs "à capuche" et les arabes "à casquette" d'entrer dans
le cortège. Nous, on a eu plus peur du SO musclé que de ceux qu'on
empêchait d'entrer. Les lycéens ont eu peur et cette partie du cortège
s'est vidée petit à petit. C'est ce qui a été le plus médiatisé de tout
le mouvement. Ce qui est clair, c'est qu'après cette manif du 8 mars, les
manifs ne faisaient plus 100 000 personnes et que le gouvernement a fait
passer la loi en urgence.
Comment voyez-vous l'avenir de ce mouvement ?
On avait été jusqu'à dire qu'on allait pouvoir bloquer le bac cette
année. Mais hélas, ce ne sera pas possible. Le mouvement s'axe davantage
sur le collectif anti-répression. Les dernières manifs qui ont eu lieu,
par les slogans, sont devenues plus des manifs anti-répression que contre
la loi Fillon, ceci après le 20 avril, date de l'occupation de l'annexe
du ministère de l'Education, où 180 personnes se sont
retrouvées en garde à vue d'au moins 24 h. Cela a mis fin à quelque
chose. Comme ça tombait juste avant les vacances, il n'y a pas eu grand
chose pendant les vacances. Comme on l'a dit avant, les manifs d'après
vacances se sont plus axées contre la répression.
On pense que ce mouvement aura servi à forger une conscience politique
chez beaucoup de jeunes et que beaucoup d'entre nous continueront à
militer dans des organisations ou ailleurs, indépendamment. Si on n'a pas
gagné sur notre revendication d'origine, on a beaucoup gagné sur ces
points-là. Cela a permis de montrer que les jeunes n'étaient pas morts,
ni aussi aliénés qu'on voulait le dire.
C'est quand même un mouvement qui a réussi à se débarrasser rapidement
des bureaucraties syndicales, à s'auto-organiser rapidement aussi et à
tenir plus de 4 mois.
Transciption : Camille, OCL Reims
Extrait du journal Le Chat Noir
0,75 euros l'exemplaire.
6,10 euros l'abonnement (10 numéros)
http://journal-lechatnoir.monsite.voila.fr
lechatnoir(a)club-internet.fr
_______________________________________________
A-infos-fr mailing list
A-infos-fr@ainfos.ca
http://ainfos.ca/cgi-bin/mailman/listinfo/a-infos-fr
A-Infos Information Center