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The.Supplement
{Info on A-Infos}
(fr) Argentine : derrière les blocages de route
From
San Telmo <santelmo2@hotmail.com>
Date
Sat, 8 Nov 2003 23:51:01 +0100 (CET)
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A G E N C E D E P R E S S E A - I N F O S
http://www.ainfos.ca/
http://ainfos.ca/index24.html
_________________________________________________
ARGENTINE - Article tiré de Proyectos 19/20, n° 4, mai-juin 2003
(traduction de F. G., assisté de C. L., santelmo@no-log.org).
Rapport spécial / Les expériences d'autogestion des MTD (Mouvements de
Travailleurs sans emploi) Anibal Veron
DERRIERE LES BLOCAGES DE ROUTES
Horizontaux et autogestionnaires, les MTDs (Mouvements de Travailleurs
sans emploi) de la Coordination Anibal Veron, en plus de lutter pour
leurs droits, développent des projets de production et du travail qui
rompent avec la logique capitaliste et développent, lentement, de
nouvelles relations humaines.
Après les répressions, les persécutions et les morts, après l'usure
du
temps, le projet continu. Porté par la conviction de générer de nouvelles
formes de relations humaines et de production non basées dans le travail
pour un patron, mais dans la tâche autogestionnaire entre compagnons (1).
C'est bien de cela dont il s'agit dans les projets productifs portés par
les mouvements de travailleurs sans emploi regroupés dans la coordination
Anibal Veron. Ils remettent en cause dans les faits la séparation entre
travail qualifié et travail non qualifié : la répartition des ressources
est égalitaire quelles que soient les fonctions des individu-e-s. Ce sont
des groupes de femmes et d'hommes qui dirent basta à la logique du
capitaliste qui accumule ses richesses sur l'exploitation de milliers ;
elles/ils commencèrent à inverser un processus séculaire. Lentement,
elles/ils se réapproprièrent l'usage et la propriété des moyens de
production.
AU COMMENCEMENT
Au milieu de rires, de mates (infusion d'herbe typique d'Argentine et
d'Uruguay) et d'échanges d'opinions, ces personnes issues de la diaspora
générée par l'expulsion massive de travailleurs de l'économie formelle,
commencèrent à emprunter un chemin absolument différent de celui qu'elles
connaissaient jusqu'alors. Dans la briqueterie du MTD de Lanus, quartier
de La Fe (banlieue de Buenos Aires), six hommes tentent de sortir de
l'aliénation que génère le fait d'être un simple producteur de biens :
Pepe maintenant ne travaille plus dans une fabrique de fertilisants, El
Pelado ne vendra plus de soda ni ne collectera d'ordures pour une
entreprise, Juan ne sera plus employé d'une poste privée. « Je ne sais
pas si je retournerai travailler pour un patron -dit Pepe- avant je
travaillais bien mais je vivais dans la misère. Je crois que c'est cela
le vrai travail, ici, nous nous accomplissons pleinement. »
Comment soutenir les projets dans la durée ? Comment les faire
grandir ?
« Nous ne savons pas encore quel niveau de production nous pouvons
atteindre, mais l'idée est de commercialiser une partie à l'extérieur
pour parvenir à vendre meilleur marché dans le quartier et que tous les
habitant puissent améliorer leurs maisons » répond El Pelado. D'après
Juan, il est probable que rapidement les quatre heures quotidiennes
qu'ils accomplissent actuellement ne seront plus suffisantes, parce que
parfois ils doivent venir la nuit contrôler l'humidité des briques. Pepe,
quant à lui, mise beaucoup d'espoir sur un cours sur l'organisation
qu'ils vont commencer : « c'est pour bien maîtriser le thèmes des
nombres et leur démontrer que nous sommes capables de vivre sans les 15O
pesos des plans (2) ».
De s'investir dans une tâche dont on ne connaît rien et sans patron
est
loin d'être évident. Pratiquement tous les membres du projet ont un an de
travail en commun. « J'ai commencé à partir de l'assassinat de Dario
Santillan. J'étais déjà dans le mouvement mais cela m'a fait venir ici
-raconte Pepe. J'ai appris de zéro. Au début c'était assez dur. Les
briques n'avaient pas la résistance suffisante, nous avons demandé de
l'aide à l'Assemblée de Rocanegra (endroit où se réunissent les MTDs de
la
coordination Anibal Veron) et elle nous a mis en contact avec un
ingénieur qui nous a conseillé sur les matériaux. Nous avons alors
commencé à utiliser du sable de carrière et maintenant nous parvenons à
la qualité que nous voulions ».
ICI ET MAINTENANT
Au MTD de Esteban Echevarria, formé par les quartiers Montana, El
Jagüel, Guillon, Las Colinas et Malvinas (banlieue de Buenos Aires) se
développent différents projets tels que l'aide scolaire, la cantine
populaire, des ateliers de tissage, de couture, de confection de
vêtements, une bibliothèque, des potagers communautaires, des
boulangeries mais aussi des ateliers contre les violences familiales. «
Les projets productifs se décident lors les assemblées hebdomadaires du
quartier. Quelques habitants font des propositions et si nous voyons tous
ensemble que ces projets peuvent fonctionner, on voit qui veut y
participer et à partir de là on commence à les penser » expliquent Gloria
(de Malvinas), Monica (d'El Jagüel) et paola (de Montana).
« La boulangerie de Malvinas est née des besoins des membres du MTD,
elle produit du pain bon marché pour le quartier et pour les compagnons
-raconte Gloria-. Ce qu'on en tire sert à fournir la cantine populaire ;
si il reste quelque chose on arrange la maison dans laquelle nous nous
trouvons, on le donne à un compagnon qui est dans le besoin ou nous
l'utilisons pour acheter quelques médicaments ». Avant d'intégrer El
Jagüel, Monica travaillait dans un restaurant communautaire. Maintenant
elle cherche à étendre le mouvement : « Nous voulons intégrer plus de
gens, nous voulons un changement social, ce qui se passe, c'est que
beaucoup ne nous font pas confiance, pensant que nous sommes des punteros
(3). Il faut être présent et voir qu'il n'y a pas de patron, qu'il n'y a
pas de délégué, ici nous travaillons tous ensemble ». Paola, que est
arrivée à Montana il y a un an, dit que « cela a un coût de changer, de
comprendre et de croire que nous sommes tous égaux et que nous avons une
responsabilité : que personne ne doit diriger, que nous devons nous
engager et nous prendre en charge. Par chance, depuis peu, les gens
s'approchent demander qu'est ce que c'est que ça les MTDs et voir si ils
peuvent s'intégrer ».
A El Jagüel fonctionne une cantine populaire qui du lundi au vendredi
sert un petit déjeuner, un déjeuner et un dîner à 28 enfants, se
fournissant avec des aliments que donnent des commerçants, des sacs de
nourriture qu'ils exigent au gouvernement, des produits de leurs
boulangeries et des légumes de leurs potagers. « Nous nous occupons de la
cantine, nous les femmes, mais quand il faut couper le pont (4), les
papas maintenant savent qu'ils doivent s'en occuper. Les enfants ne
peuvent rester sans manger ». Gloria ajoute : « Ceci est un des effets de
changement du mouvement : une lutte pour leurs enfants et ils voient ce
dont il s'agit ; parce que si nous nous
rassemblons, nous qui sommes mal, et luttons, nous pouvons changer les
choses. Cela t'aide à continuer ». Dans les projets productifs de la
Veron on laisse de côté l'individualisme, on renforce l'horizontalité,
l'autogestion ; malgré les obstacles on coopère solidairement, avec des
compagnons qui discutent et portent le processus productif sans le besoin
d'un patron.
APPRENDRE EN MARCHANT
Vivre le quotidien, mais penser le moyen et long terme. Créer une
conscience de liberté, un travail en commun, un partage égalitaire et de
la solidarité, construire de nouvelles relations sociales qui puissent
porter les projets dans le temps. Cela s'observe entre autres dans le
potager et la ferme de Rocanegra dont s'occupent des membres des MTDs de
Lanus et Solano. « Ce qui se produit dans cette ferme doit être sain,
c'est la nourriture de nos enfants et celle des enfants des compagnons,
de la même manière qu'on ne peut pas donner n'importe quoi aux poules et
aux lapins. Il faut produire de manière saine, nous devons élever des
lombrics, produire du fourrage, utiliser des graines saines » propose
dans l'assemblée un militant de Solano. Fruit de ce projet, les 11
cantines communautaires des MTDs de ces deux quartiers sont
approvisionnées en légumes, ¦ufs et bientôt en lapins dont la viande sera
servie deux fois par semaine dans chaque cantine.
Là se trouve ce qui dérange le pouvoir : la capacité
d'expérimentation
de travailleurs qui avaient été rejetés par le capital, la possibilité de
vivre leurs vies sans représentants qui leur disent quoi, comment,
combien et quand produire. Et ainsi l'explique Pablo du MTD de Lanus : «
La participation nous impose une rupture avec l'individualisme que
promeut le sens commun et que conseillent les punteros politiques. Nous
voulons démontrer que nous sommes capables de produire sans que personne
ne nous dise comment. Ceci pose problème aux patrons. L'exemple que
donnent les travailleuses de Brukman (5), ou des projets comme ceux que
nous mettons en avant ici, les préoccupent parce que si les compagnons se
rendent
compte qu'ils peuvent continuer seuls, ils vont commencer à remettre en
question la propriété privée à d'autres niveaux »
------------------------------
Notes
1 Companeros : j'ai choisi de traduire ce terme par «compagnons »,
j'aurai aussi pu le traduire par « camarades » (N.d.T.).
2 Planes trabajar o jefes y jefas : « contrats » de 2O heures par semaine
payés 150 pesos (300 francs) par mois utilisés par les collectivités
publiques. Ils furent obtenus grâce à la lutte des piqueteros (chômeurs
qui coupent les routes). Les mouvements de piqueteros ont également
obtenus la gestion directe d'une partie de ces plans, les bénéficiaires
travaillent donc « au service » des mouvements, ce qui d'ailleurs posent
quelques problèmes de « clientélisme », surtout dans les mouvements de
chômeurs des partis d'extrême gauche (N.d.T.).
3 punteros : hommes de main du Parti Justicialiste (péroniste). Ce parti
a développé un clientélisme important, les punteros sont chargés entre
autres « d'acheter » des votes, ils sont le maillage d'un véritable
système de favoritisme politique que l'on pourrait qualifier de mafieux
(à l'image des syndicats d'Al Capone, le principal syndicat argentin, la
CGT, est complètement inféodé au péronisme) (N.d.T.).
4 Il s'agit du Pont Pueyrredon qui sépare la banlieue de la capitale et
que les MTDs coupent régulièrement pour leurs exigences, ainsi que tous
les 26 des mois pour « jugement et châtiment » des responsables des morts
de Dario Santillan et Maxi Kosteki, deux de leurs membres assassinés le
26 juin 2002 sur ce même pont lors d'un piquete (N.d.T.).
5 Fabrique textile de Buenos Aires récupérée par ses ouvrières le 18
décembre 2001. Elles remirent en marche la production de manière
autogérée, vécurent deux tentatives d'expulsion mises en échec par la
mobilisation populaire. En avril 2003, à 1h du matin et en pleine
vacances de Pâques, une troisième tentative fut la bonne, accompagnée
dans les jours qui suivirent d'une brutale répression de 10 000 personnes
qui tentèrent de récupérer la fabrique. Après six mois de résistance et
de lutte d'un vaste mouvement de soutien, le 31 octobre 2003 (date
postérieure à l'écriture de cet article), la mairie de Buenos Aires a
voté l'expropriation de la fabrique et sa remise à une coopérative formée
par les ouvrières (N.d.T.).
-----------------------------
Appendice du traducteur :
Je reproduis ici une note d'une lettre d'Argentine trouvée sur le site
http://Mondialiste.org
Ce n'est pas par des spéculations sur la possibilité ou l'impossibilité
d'une révolution sociale à venir que les piqueteros ont organisé les
conditions de leur lutte contre le capitalisme ; on peut toujours, dans
l'abstraction logique d'une analyse sans conséquences pratiques, en
prédire avec la même rigueur la défaite ou le succès. Ce que celle-ci
devrait tout au moins nous apprendre, c'est que l'action autonome du
prolétariat n'est pas décidée ni propagée à volonté par un parti, même si
certains essaient bien sûr de faire marcher la classe ouvrière pour leurs
propres intérêts, et que toute lutte est un phénomène historique se
produisant à un moment donné par la nécessité des conditions sociales.
Si vous voulez en savoir plus sur les évènements et les expériences
argentines, vous trouverez une excellente brochure « Argentine, de la
paupérisation à l'autonomie » par le groupe Echanges et mouvement.
Disponible également sur le site http://Mondialiste.org ou par
correspondance à :
Echanges
BP 241
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