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The.Supplement
{Info on A-Infos}
(fr) Chronique de la lutte des pions de Basse-normandie
From
SIA <s.ia@laposte.net>
Date
Sat, 17 May 2003 17:42:21 +0200 (CEST)
_________________________________________________
A G E N C E D E P R E S S E A - I N F O S
http://www.ainfos.ca/
http://ainfos.ca/index24.html
_________________________________________________
CHRONIQUE POUR MEMOIRE DE LA LUTTE DES PIONS DE BASSE-NORMANDIE
Le Syndicat Intercorporatif Anarchosyndicaliste de Caen (petite structure
libertaire indépendante fonctionnant depuis 1999) avait diffusé, il y a
quelques mois, sur internet un article sur la lutte des pions et des
aides-éducateurs de Basse-normandie, article qui couvrait la période du
mois de novembre 2002 à la mi-Janvier 2003 et exposait les raisons et le
contexte cette lutte. Voici 2 autres articles écrits par 2 compagnons
investis dans la mobilisation. Le premier article couvre la période qui
va de la fin Janvier à la fin Février et le deuxième celle qui va de la
mi-Mars à la mi-Avril. Ces articles ont été publiés dans notre petit
journal trimestriel « Solidarité » paru récemment. Ce conflit est à
l´heure actuelle terminé, le gouvernement ayant fait voter son projet
dégradé d´assistants d´éducation. Au niveau régional, il aura été marqué
par une autonomie relativement importante vis à vis des syndicats, par
une capacité d´auto-organisation intéressante et par une nette tendance à
l´action directe, principalement sous la forme d´occupations. La
dynamique de lutte aura donc été assez riche et durable et ce malgré une
position intransigeante du gouvernement et du rectorat, une pression
policière qui n´a cessé de s´accroître et un clair « lâchage » syndical
lorsque l´AG a décidé de radicaliser son action. Ce conflit aura donc été
pour nous plein d´enseignements. Toute personne ou structure souhaitant
recevoir le premier article diffusé il y a quelques mois peut nous
contacter par internet à l´adresse suivante : s.ia@laposte.net Nous nous
ferons un plaisir de lui envoyer par courrier électronique. Bonne lecture
et bonne réflexion.
LA LUTTE DES PIONS EN BASSE-NORMANDIE: SUITE ET PAS FIN...
Nous avons publié dans le précédent N° de « Solidarité », une chronologie
de la lutte des pions en Basse-Normandie et expliqué les raisons du
conflit, les conditions dans lesquelles il se déroulait etc... Cette
chronologie s´arrêtait à la journée d´action du 17 Janvier. Voici la
suite des évènements.
Mardi 28 Janvier: L´AG, appelée sur la fac une heure et demi avant la
manif, n´a regroupé qu´une cinquantaine de participant(e)s, bon nombre de
collègues ayant, malheureusement, décidé d´aller directement à la manif
plus tard. Le tract proposé par le comité de lutte a été adopté. 1200
exemplaires en ont été tirés pour être diffusés aux autres personnels de
la manif. Des banderoles dénonçant la précarité et rappelant nos
revendications avaient été faites. Des tracts appelant à la grève envoyés
dans tous les bahuts. Des membres du collectif des aides-éducs qui
tentait de se monter à Caen s´y sont déplacés ainsi qu´un emploi-jeune du
Havre venu donner et prendre des infos. Nous avons rejoints quelques
dizaines d´étudiant(e)s mobilisés contre les réformes universitaires et
nous sommes partis conjointement vers la préfecture, lieu de départ de la
manif. Des prises de paroles dont une au nom de l´AG des pions, ont été
réalisées. Il a été publiquement demandé aux syndicats de relayer notre
lutte en posant des préavis INTERCATEGORIELS au niveau national et
académique. Le tract a été bien diffé. Puis la manif a démarré. Elle a
rassemblé environ 1500 personnes. Pions, emplois-jeunes (du collectif de
Caen et de celui du Sud-Manche en particulier), étudiants, lycéens et
personnels solidaires (plusieurs centaines de personnes en tout) en ont
pris la tête, finissant rapidement par déborder la banderole
intersyndicale qui avait essayé de squatter le 1er rang. Les slogans
visaient la précarité, demandaient l´intégration des emplois jeunes, le
maintien du statut des pions, plus de moyens pour l´éducation (et moins
pour l´armée et la répression) etc... Des fumigènes ont été allumés
durant le parcours. La tête de cortège a été assez dynamique ce qui ne
fut pas le cas du reste de la manif assez traîne-savates comme
d´habitude. Arrivés au rectorat, une délégation comprenant des membres de
l´AG des pions a été reçue par la rectrice. Des pions ont allumés un feu
de palette et d´autres fumigènes. Un appel a été lancé aux lycéens
présents en vue d´une réunion commune le lendemain afin d´étudier la
possibilité de mettre en place des comités lycéens de mobilisation sur
quelques bahuts de l´agglomération caennaise. La tension est un peu
montée quand nous avons voulu commencer à peindre des slogans au sol.
Quelques membres des RG ont alors cherché à nous intimider en nous
menaçant de poursuites pour « dégradations ». Une grosse vingtaine de
personnes ont alors entouré, en faisant la chaîne et en déployant les
banderoles, les peintres qui ont gratifié la cour du rectorat d´un «
PIONS EN LUTTE » de plusieurs mètres carrés. Un des RG a été
particulièrement hargneux allant jusqu´à bousculer plusieurs grévistes,
espérant sans doute créer un incident violent. Au bout de plus d´une
heure, il ne restait plus que quelques centaines de personnes dispersées
qui attendaient la sortie de la délégation. Nous avons donc pris à une
vingtaine la décision de partir en entourant les peintres afin d´être
surs que la police ne leur chercherait pas d´embrouilles. Du coup,
d´autres ont suivi et c´est à environ une petite centaine que nous avons
quitté le rectorat en scandant quelques slogans. Point positif, la
rectrice s´est engagée devant tous les représentants de la délégation à
instaurer un moratoire sur le prélèvement des jours de grève. Les jours
de grève d´Octobre seront donc finalement prélevés sur le salaire de
Janvier mais, par la suite, plus aucun jour de grève ne sera apparemment
prélevé avant la fin du conflit. Un regret : il avait été décidé par l´AG
de ne pas trop foutre le bordel au rectorat pour ne pas trop brusquer les
profs. Du coup, on a certainement manqué une bonne occasion d´occuper en
nombre le rectorat d´où la police semblait quasiment absente. Dommage !
Une rencontre a eu lieu ensuite, le même jour à 18H entre des membres de
l´AG et des intermittents du spectacle et des chômeurs afin d´envisager
des actions communes.
Jeudi 06 Février: Ce jour là, le Conseil Supérieur
de la Fonction Publique d´Etat, une instance consultative réunissant
administration et syndicats, doit rendre son avis sur le projet
d´assistants d´éducation. Une manif nationale à Paris, à l´appel de la
coordination et des syndicats, est prévue ce même jour. Cette manif ayant
été annoncée tardivement, c´est dans une relative confusion qu´elle
s´organise localement. L´AG n´a pas formellement pris la décision d´y
participer. Le SNES académique met cependant à sa disposition un car.
Difficile dans ces conditions de faire autrement que d´essayer de le
remplir en envoyant courriers et coups de fil sur tous les bahuts de
l´académie. Au final, seule une vingtaine de personnes de l´AG et du
Collectif des aides-educs de la Manche feront le déplacement, dans un bus
a moitie vide. Alors que les manifestants se rassemblent, on apprend que
le CSFPE n´a pas pu entériner le projet gouvernemental : 19 voix de
l´administration pour, 19 voix des syndicats contre, la balle au
centre... La manif, elle, va réunir environ 2000 à 2500 personnes dans
une ambiance dynamique. La banderole de la coordination nationale ouvre
la marche, les syndicats sont en queue de cortège. L´objectif est le
ministère de l´Education Nationale, mais a son approche, dans de petites
rues, on finit par tomber nez a nez avec un dispositif assez conséquent
de gendarmes mobiles, en rangs derrière des barrières. La tension monte
quelque peu. Quelques barrières sont repoussées, une manifestante a la
main éclatée par un coup de matraque. Les gendarmes sortent casques et
boucliers. Les slogans anti-flics fusent mais personne n´est préparé pour
l´affrontement. La manif finit donc par se disperser peu a peu, d´autant
plus que les bus venus de province ne vont pas tarder a repartir. Une AG
chaotique réunissant près de 300 personnes (délégués de collectifs,
représentants syndicaux, curieux...) a lieu à la Sorbonne après la manif.
Les collectifs représentés y échangent des infos sur l´état de la
mobilisation au niveau national. Certains, corses en tête, poussent à une
opération coup de poing (investir le plateau d´un journal télévisé) mais
faute de préparation, d´accord entre les participants et vu l´heure
tardive, elle n´aura pas lieu, au grand désespoir des corses qui
repartent fort déçus. Pendant ce temps, dans le bus qui ramène les
grévistes à Caen, se tient une AG improvisée où il est décidé de lancer
une grève d´une semaine juste avant les vacances de Février, du 17 au 21.
La semaine qui vient sera consacrée à un travail d´information : coups de
fils et courriers dans les bahuts, envois de communiqués à l´ensemble des
médias régionaux...
Dimanche 16 Février :
Piquet d´information sur la lutte au milieu du marché avec tracts, café
et collecte...
Lundi 17 Février:
Le Collectif des aides-educs de la Manche, épaulé par quelques
emplois-jeunes de Caen et quelques pions (soit environ 30 personnes en
tout) est reçu par le conseil académique. Au programme : débat sur la
disparition des aides-educs et sur les congés payés de ceux qui terminent
leur contrat en Juin...le rectorat considère comme un fait acquis la fin
progressive du dispositif emplois-jeunes. Quant aux congés payés, c´est
l´arnaque. Les aides-educs qui terminent en Juin ont droit à 7 semaines.
Le rectorat promet 4 semaines de congés avant fin juin. Reste 3 semaines.
Une solution « bricolée » consisterait à faire terminer les aides-educs
le 31 Mai pour qu´ils puissent profiter de leurs 3 dernières semaines de
congés payés, mais le rectorat s´y refuse, arguant que cela perturberait
trop le fonctionnement des établissements scolaires. De fait, les
aides-educs se retrouvent avec 3 semaines de congés payés que le rectorat
refuse d´honorer avant la fin du contrat...ou de payer après la fin du
contrat. Bref, le rectorat se torche le cul avec le droit du travail...
Mardi 18 Février:
AG à la fac. Une petite centaine de personnes
présentes. De sombres rumeurs circulent : les pions entrés en fonction
cette année, et pas encore titularisés donc, seraient virés en Juin et se
verraient alors proposer un statut d´assistant d´éducation... La
perspective d´une action possible est assez vite abandonnée au profit
d´un débat, assez tendu par moment, sur la situation actuelle de la
lutte, l´attitude gouvernementale, le rapport de force, la radicalisation
des actions... L´AG décide finalement d´occuper le rectorat le jeudi 20
et d´y attendre l´arrivée de la police. L´AG adopte également le fait
qu´un groupe de grévistes volontaires résistera alors de manière
non-violente à l´évacuation.
Mercredi 19 Février: Un concert de soutien à
la lutte des pions et des aides-éducs est organisé, avec quelques groupes
locaux dans un bar, à l´initiative de quelques membres du comité de
lutte. Prés de 2000 flyers sont distribués dans les bars et en ville, 200
affiches collées un peu partout. Gros succès puisqu´environ 300 personnes
affluent dans le bar qui termine bondé. Plus de 650 euros sont ainsi
collectés. Jeudi 20 Février:Après l´AG réussie du mardi 18 Février (une
centaine de personnes), un rendez-vous était fixé pour une nouvelle AG
sur la fac le jeudi 20 Février à 14H. Cette AG, comme prévu, n´a pas eu
lieu.
80 personnes se sont rassemblées au phénix. Comme prévu, un convoi de 8
véhicules s´est garé au moment judicieux à proximité et une quarantaine
de personnes, entassées dans les bagnoles, sont parties rapidement vers
l´objectif. Celui-ci avait été préalablement infiltré par quelques
personnes qui furent prévenues du départ des voitures. Une première
personne s´était auparavant assurée de l´absence de tout dispositif
conséquent de police. Puis 4 autres personnes ont pénétré en ordre
dispersé dans le bâtiment. 2 d´entre elles, repérées, en ont été virées
par le personnel. 2 autres ont échappé à la vigilance. Les 8 bagnoles se
sont garées derrière le rectorat. 40 grévistes en sont descendus. Ils se
sont rapidement rassemblés. Capuches, bonnets, foulards, écharpes ont été
mis et c´est masqués que les gens se sont élancés en courant à travers
une vaste pelouse, ont sauté par dessus barrières et grillages avant de
se précipiter vers une des portes d´entrée latérales du rectorat. Les 2
compères présents dans le bâtiment, prévenus de notre arrivée imminente
par portable, ont ouvert la porte magnétique, l´ont bloqué avec du
bluetac et ont résisté à la bousculade d´un RG (nom de code : Solange
!!!) épaulé (mollement) par un membre du personnel d´entretien du
rectorat (un autre ATOSS lui s´est carrément barré refusant d´endosser le
rôle de flic que Solange voulait lui faire jouer). Nous sommes donc
rentrés à l´arrache en poussant un peu avant qu´une tentative sérieuse
ait pu être mise en place pour nous en empêcher. Nous avons donc réussi à
pénétrer dans le « Bunker », « la Bastille », surnoms locaux donnés au
rectorat depuis qu´ils le ferment systématiquement lorsque nous arrivons
en manif (ils se souviennent des occupations de Novembre 1998 et de la
tentative de séquestration de la rectrice de l´époque !!!). Le reste des
gens rassemblés au phénix nous ont rejoints en cortège « express » et
c´est donc une bonne centaine de personnes qui ont investi au final le
rectorat. Le collectif d´aides-éducs de la Manche était là ainsi que des
étudiants solidaires et quelques chômeurs et intermittents. Les médias
locaux ont été contactés mais la présence simultanée de François Fillon,
ministre du travail (attendu par des chômeurs et des intermittents), à
Caen, a nuit à une bonne médiatisation de l´action. Par contre, les
forces de police étant occupées ailleurs, on a pu rester au rectorat plus
longtemps. La rectrice, invitée à partager les petits fours avec Fillon,
était absente. Seul le triste sieur Pellizari, son directeur de cabinet,
était présent. Après être montés au premier où se trouvent les bureaux de
la rectrice et squattés là quelques temps, on a fini par partir en
cortège très bruyant dans les couloirs de tout le rectorat. « Ni
précaires, ni matons, vive la lutte des pions », « Intégration,
titularisation des emplois-jeunes de l´éducation », « Du pognon pour
l´éducation, pas pour la répression », « Aides-éducateurs licenciés,
postes de surveillants supprimés, ça ne peut plus durer, ça va péter »
furent nos slogans. Meubles entassés, photocopieuses débranchées furent
laissées dans notre sillage. Des centaines de photocopies sauvages furent
faites sur une photocopieuse ne nécessitant pas de code et bien des
ramettes de papier se volatilisèrent dans la nature... Il semble même que
quelques serrures stratégiques car hiérarchiques aient été bouchées avec
une bombe de mousse expansée... Des tracts furent diffusés au personnel
ainsi qu´une copie de la lettre de protestation que ce même personnel
avait rédigé courant Janvier contre la présence à répétition de la police
dans leurs locaux dés qu´une manif était annoncée. La très grande
majorité du personnel a d´ailleurs manifesté sa solidarité avec notre
lutte par des paroles encourageantes ou de simples sourires. Un petit
concert de jazz manouche fut même improvisé par un guitariste et un
violoniste grévistes qui firent danser une partie des occupant(e)s tandis
que de drôles d´odeurs exotiques et enivrantes emplissaient l´air. Au
bout d´un moment, nous décidâmes de demander à Pellizari de sortir de son
bureau pour discuter avec nous tous du moratoire sur le prélèvement des
jours de grève, la situation des collègues pions non stagiairisés et les
congés des aides-éducs qui risquent de ne pouvoir être prises (auquel cas
elles ne seraient d´ailleurs pas payées...). Pellizari, retranché dans
son bureau au bout d´un couloir lui même fermé par une porte
partiellement vitrée, ne nous gratifia que de quelques regards méprisants
lancés du bout de son couloir-sanctuaire. Sanctuaire mon derche, vu qu´à
force de tambouriner à la porte, un carreau a fini par tomber en miettes.
L´occasion étant alors trop belle, le loquet intérieur de la porte du
couloir fut tiré et les grévistes allèrent cherché un Pellizari nettement
moins arrogant directement dans son bureau. Un débat animé eut alors lieu
avec lui sur toutes les questions concrètes qui nous préoccupent au
niveau académique. Il a confirmé l´absence de garantie sur la
stagiairisation des pions entrés en fonction cette année et non encore
stagiairisées. Le moratoire sur le prélèvement des jours de grève a été
confirmé ainsi que le fait que des négociations auraient bien lieu en fin
de conflit sur simple demande « des syndicats représentatifs ».
Pellizari se vit même quasi sommé de signer une déclaration de soutien à
notre lutte. Là il ne fut pas loin de craquer tant un certain nombre de
grévistes mirent en cause son absence d´humanité ensevelie sous le devoir
de réserve. Rude journée pour lui... Un bémol cependant, contrairement à
l´occupation de 98, le bar de la direction ne put être pillé. Un excès de
précipitation a rendu les intentions trop transparentes et une secrétaire
de choc récupéra in extremis une bouteille de porto et de martini rouge
arrachées aux placards de l´Etat oppresseur et destinées à assouvir la
soif des prolétaires à la gorge trop sèche d´avoir passer l´après-midi à
gueuler... Nous nous vengeâmes finalement sur une poignée de bouteilles
de cidre chaud récupérées dans la cafet des personnels. On fait avec ce
qu´on a ... Un téléphone fut ensuite mis à contribution pour passer des
coups de fils aux radios locales et à des collègues et amis pour faire
savoir que l´occupation continuait et qu´il fallait venir la renforcer.
Un appel à venir nous ravitailler fut donc diffusé sur une « onde rock »
caennaise. Mais personne n´était dupe, l´heure passait et le départ de
Fillon allait bientôt libérer des forces de police. Celle-ci arriva
effectivement vers 19H20. La cinquantaine de grévistes encore présents se
rassembla, enfila bonnets, foulards et sacs à dos, s´assit ou s´allongea
de manière compact en faisant la chaîne comme cela avait majoritairement
été décidé en AG souveraine. Une poignée de valeureux collègues se
passèrent des antivols autour du cou et s´enchaînèrent entre eux puis aux
barreaux métalliques de la rambarde des escaliers. Il ne fut donné aucune
réponse à un commissaire de police qui tenta de nous impressionner.
Quelques collègues, faisant usage de leur respectable liberté
personnelle, choisirent de quitter le groupe ne se sentant pas en mesure
d´assumer la confrontation. Les forces de police commencèrent alors leur
intervention. Personnes traînées par terre, policiers marchant sur les
gens, les tirant, leur donnant des coups de pieds, les écrasant de tout
leur poids, les faisant tomber dans les escaliers, les frappant avec le
bout de leur matraque dans les côtes... bref la police en action. Des
femmes de ménages rassemblées à quelques distances crièrent bien fort
leur colère face à la violence des hommes en bleu. Nos slogans ne
cessèrent de ponctuer leur évacuation brutale. Une trentaine de policier
de la BAC, de la brigade de maintien de l´ordre (une quinzaine de flics
de la nationale volontaires en tenue anti-émeutes avec casques et
boucliers) et de la police urbaine nous repoussèrent hors du bâtiment
puis hors de l´enceinte du rectorat. Une fois dans la rue, nous bloquâmes
la circulation et reprîmes de plus belle nos slogans avant de repartir
groupés en cortège improvisé. Nous nous sommes dispersés progressivement
à l´approche du centre ville. Il était environ 19H45. La police n´a
procédé à aucune interpellation. Il ne semble pas y avoir eu de blessés
sérieux. Vendredi 21 Février: Une dizaine de collègues se regroupent sur
le marché pour diffuser des tracts, filer du café, discuter avec des
passants, collecter un peu d´argent... Samedi 22 Février: Une réunion de
coordination nationale a lieu à Rennes. Des délégués et des observateurs
d´une dizaine de collectifs y participent. Dans certaines régions, le
mouvement aligne près de 10 semaines de grève et s´essouffle, dans
d´autres il démarre, ailleurs il se maintient... Il est décidé de
proposer aux collectifs de mettre en place la grève reconductible du 10
au 19 Mars avec 3 dates phares : le 12 Mars, jour où le projet
d´assistant d´éducation passe pour la première fois en commission d´étude
à l´assemblée nationale, le 18, journée de grève intercategorielle de
l´éducation nationale et, enfin, le 19, jour où le projet d´assistants
d´education passe pour la seconde et dernière fois devant une commission
de l´assemblée nationale avant de pouvoir être voté. La coordination
nationale a appelé à faire du 19 une journée d´action
interprofessionnelle contre la précarité aussi bien dans le public que
dans le privé. Le 21, une manif nationale est prévue avec chômeurs,
intermittents (dont la lutte commence à se structurer et à se développer)
et les travailleurs des boites qui ferment (metaleurope, Airlib,
Daewoo...). A l´heure ou cet article est écrit (début mars), on ne sait
pas encore très exactement quand la loi sur la mise en place des
assistants d´éducation va être votée, mais cela ne saurait beaucoup
tarder : à partir du 19 Mars au plus tôt, au mois d´Avril au plus tard.
La lutte des pions et aides-educateurs entamée le 24 Septembre de l´année
passée entre donc dans sa phase finale. Radicaliser l´action, politiser
la critique du gouvernement, converger avec d´autres catégories en lutte
(intermittents, chômeurs, prolos licencies d´un peu partout...) pour
tenter de généraliser l´agitation sociale : tels sont les défis (nombreux
et difficiles) que les collectifs de lutte doivent relever s´ils veulent
être à la hauteur de l´affrontement que leur impose l´Etat-patron.
LUTTE DES PIONS : (RE)SUITE
La rentrée s´avère délicate comme nous nous y attendions, et comme ce fut
à chaque fois le cas... Si le comité de lutte est au rendez-vous, le SNES
a en partie lâché la lutte. Mécontent de la tournure trop radicale à son
goût des événements, mais également des sommes engagées pour soutenir le
mouvement, le syndicat retire son soutien, tandis que l´adhérent qui nous
soutenait activement préfère prendre du recul et animer un site
internet... Pour notre part, nous avons toujours préféré la lutte directe
à la lutte plus virtuelle, mais s´il ne se reconnaissait plus dans ce
type d´action... Par ailleurs, second coup dur : le moratoire sur les
jours de grève n´a pas pris effet. Une rumeur relayée par les syndicats
renvoie la faute à la radicalité de l´action au rectorat - quelle réelle
radicalité ? - et fustige les vilains anars boutonneux et
post-adolescents là où les décisions ont été collectives et assumées
comme telles. La réalité est tout autre : le moratoire n´a jamais pris
effet. Nous aurions du exiger, comme nos représentants avaient tenté de
le faire, un document écrit. Mais à l´époque les syndicats nous en
avaient dissuadés... Le prélèvement des jours de grèves contribue à
l´asphyxie du mouvement, mais également à la propagation d´un certain
défaitisme. Devant nous le mépris de l´administration et surtout
l´impression que ce que nous avions gagné, c´est-à-dire pas grand chose,
nous a été rapidement repris. Troisième coup dur, nous apprenons par
retour de bande, que certains militants colportent d´étranges rumeurs sur
le comité de lutte et son prétendu mépris des règles démocratiques. On
peut s´étonner que ces militants aient longtemps soutenu l´action de ce
comité et de l´A.G. - puisque l´ensemble des décisions se sont prises en
A.G. - et que tout à coup il condamne son action. Ce sont pourtant
toujours les mêmes personnes qui l´animent - ce qui est d´ailleurs
regrettable tant nous aurions désiré que l´activité tourne - la plupart
non-syndiquées ou non-encartées... On peut s´interroger sur les
motivations réelles de ces militants professionnels et s´inquiéter de la
propension qu´ont ces militants à cracher sur les luttes autonomes
lorsqu´elles échappent à leur contrôle. Il est d´ailleurs à signaler que
partout les luttes ont joué la carte de l´autonomie vis-à-vis des
syndicats et des organisations politiques tout en travaillant à leurs
côtés et que partout des incidents ont été à déplorer entre comités de
lutte et syndicats.
Mercredi 12 mars :
A.G. de rentrée. Une cinquantaine de personnes. Les
actions pétantes prévues par le comité sont revues à la baisse. Nous
décidons malgré tout après un vote quelque peu trouble et indécis quant à
son interprétation - vu le nombre d´abstention - d´occuper la présidence
de l´université, cible que nous n´avions jusque là jamais envisagée. Avec
nous des étudiants. Les vice-présidents nous reçoivent. Ils nous assurent
de présenter une motion de soutien aux pions lors du prochain Conseil
d´administration de la fac. Méfiants nous demandons une trace écrite,
sujet tabou chez tout bon bureaucrate : ils refusent. Malgré tout, devant
notre faible mobilisation nous décidons de partir. Sur le chemin nous
traçons quelques slogans...
Lundi 17 mars :
Le comité de mobilisation se rend au collège D. Huet
d´Hérouville où des adhérents du syndicat nous ont prévenus de la
descente de Paris d´inspecteurs venus faire un état des lieux du collège.
Nous troublons la réunion pédagogique avec les professeurs et
transmettons nos revendications. Le but : harceler les représentants du
ministre et faire remonter la grogne... Les enseignants nous soutiennent
et notamment une copine du syndicat. A l´intérieur, la réaction est
positive. Les pions sont satisfaits et ont d´ailleurs été déjà entendus
plus tôt dans la journée et les enseignants qui soutiennent depuis
longtemps la lutte des pions dans cet établissement également. Il faut
d´ailleurs souligner le travail effectué par le copain et la copine du
syndicat à l´intérieur du bahut. Ils avaient convoqué des A.G. «
syndicales» qui permettent de dégager des heures libres sur le thème du
pionnicat. Plus tôt, nous avons repris le contact avec le comité de
mobilisation étudiant qui travaille sur les nouvelles réformes
universitaires. Tandis qu´ensuite nous rencontrons les intermittents par
l´intermédiaire de leurs représentants. Si la convergence avec les
chômeurs semble possible, les intermittents se défilent... Par ailleurs,
nous apprenons que le vote du nouveau statut d´assistant d´éducation -
statut précaire, non réservé aux étudiants - qui devait être effectué à
partir du 19 est repoussé à la semaine suivante.
Mardi 18 mars :
Journée de mobilisation autour de l´éducation nationale.
A 10 h nous nous retrouvons à l´A.G. convoquée par l´intersyndicale de
l´éducation nationale. Notre mandat est double. Tout d´abord, prendre la
tête de cortège et si possible devant la banderole unitaire de
l´intersyndicale. Ensuite négocier notre participation à la délégation et
notre reconnaissance comme interlocuteur légitime. L´A.G. prend du retard
à cause d´une alerte incendie. Elle tourne même au pathétique lorsque les
grévistes font la pause devant les caméras un peu comme une équipe de
foot. A l´A.G. les nouvelles professions directement menacées par les
nouvelles réformes et la précarisation de leurs statuts s´agitent, mais
en demeurent à la pétition. Des collèges en grève font monter la grogne.
Mais soudain nous apprenons que leurs revendications - des postes
non-supprimés - viennent d´être exaucées : ils reprendront le travail...
Snes-sup, FO et Sud pousse de la salle à la radicalisation et la
généralisation du conflit. Les syndicats au bureau - SNES, FSU, CGT, etc.
- font de la surenchère jusqu´à en appeler à la grève dans l´ensemble du
secteur public. Mais rapidement la grogne se dégonfle, faute de contact
entre les différents secteurs (tiens les syndicats CGT éducation n´ont
pas de contacts avec les syndicats CGT rails, etc.). Finalement, notre
mandaté prends la parole. Nous aurons la tête de manif mais derrière la
banderole unitaire après un refus net des syndicats et non de l´A.G. qui
ne décide de rien. Nous pourrons participer à la délégation. Finalement,
l´intersyndicale laisse retomber la grogne et ne convoque aucune A.G.
ultérieure. Ils gardent le contrôle des événements et préfèrent préparer
la lutte sur les retraites et sont sans aucun doute déjà en train de
préparer la future syndicalisation des assistants d´éducation. 14h, A.G.
spécifique. Une centaine de personne. Nous décidons de rejoindre le
cortège unitaire. Nous tenterons de forcer la tête pour passer devant la
banderole de l´intersyndicale et de rentrer en force dans le rectorat
lors de l´entrée de la délégation. 15h30, la manif rejoint la fac, les
pions et les étudiants (comité de lutte des étudiants sur les réformes
ECTS-3-5-8, FSE, UNEF). Nous tentons de nous imposer à l´intersyndicale
qui ne nous le permet pas. Nous ne cherchons pas l´incident préférant
privilégier la mobilisation. Nous défilons jusqu´au rectorat où la
délégation doit être reçue. Les slogans fusent. Mais la manif demeure
très traîne savates. Au rectorat, nous tentons d´entrer en force en même
temps que la délégation. Les R.G. et... un représentant FSU
s´interposent. Surpris et mal organisés nous loupons notre coup.
Impossible d´allumer un feu ou de repeindre le sol, notre cache de
matériel est repérée et les flics la bloquent. On ne grillera pas
davantage notre complice. Conclusion : quelques silhouettes peintes au
sol avec de la peinture rouge et du chambrage de RG. Tout le monde rentre
chez son automobile. Un copain remercie Delepine - dit Roland Magdane du
fait de sa moustache proéminente - de son intervention en soutien des
RG. Il nous répond que la question n´a pas été votée démocratiquement,
mais comme aucune des décisions de la journée confisquée par
l´intersyndicale et ô combien silencieuse. Il ajoute que c´était là son
boulot de responsable syndical, tout un programme... A la sortie de la
délégation nous avons confirmation que le moratoire ne prends effet que
pour mars.
Mercredi 19 mars :
A.G. prévue avec les intermittents et les chômeurs. Seul AC est
présent. Une fois de plus les intermittents nous font faux bon. On se
retrouve à une quarantaine de personne. L´échec de la veille et la
tournure des événements a laissé des traces. Faut-il s´orienter vers une
journée sur la précarité ? Le désir est présent, mais la réalité plus
compliquée. AC veut faire appel aux différents syndicats et partis
politiques. Si certains ne s´opposent pas aux syndicats, ils ne désirent
pas pour autant transformer leur mode de lutte.
Quel mode de mobilisation ? Une forme particulière de collectif
réunissant le gratin de l´extrême gauche ? Des A.G ? Différentes
conceptions
s´opposent. L´A.G. s´enlise et se dissout faute de combattants et
d´affirmation cohérente et collective d´une marche à suivre. Les contacts
sont maintenus tout de même. On apprend que les intermittents ne
souhaitent quant à eux pas se mobiliser avant le premier mai... En fin
d´après-midi, la coordination prévue pour le 22 sur Lyon est annulée,
faute de monde pour l´organiser... La mobilisation semble s´essouffler un
peu partout. Dans le même temps nous apprenons qu´il n´y aura pas de
montée sur Paris des différents collectifs pour la manif européenne sur
les licenciements collectifs. Tous sont à bout de souffle. Nous ne
monterons pas non plus, mais privilégierons la réunion du CA où notre
motion sera présentée.
Vendredi 21 mars :
La motion est présentée au CA de la fac. Avec nous les étudiants
mobilisés. Une cinquantaine de personnes. Deux adhérents de l´Unef
gardent la porte pour éviter toute intrusion non souhaitée... La motion
est présentée et adoptée par le CA au contraire d´une motion présentée
par les étudiants condamnant la nouvelle réforme universitaire sur les
ECTS (plus de concurrence entre les facs, entrée plus importante des
entreprises sur la fac, durcissement de modalités d´obtention de diplôme,
etc.)
A la suite de l´action, une AG s´organise rapidement entre étudiants et
pions.
Certains en appellent à une fusion des deux collectifs. Nous sommes
nombreux à penser que le comité de lutte des pions et des aides
éducateurs doit garder son autonomie. Tout d´abord, parce que la nature
de la lutte n´est pas totalement identique : la disparition immédiate
d´un statut et de conditions de survie pour des étudiants et d´autres
part des réformes universitaires. Ensuite parce que d´un côté on avait
des pions en lutte depuis 6 mois et cherchant à repousser un statut en
voie d´être voté et de l´autre un mouvement étudiant cherchant à
mobiliser. Enfin parce que nous ne comprenons pas la nécessité réelle de
cette fusion, ou plutôt en saisissons les motifs moins avouables de
certains qui portent la proposition (UNEF) : s´appuyer sur le mouvement
des pions pour relancer leur propre mouvement. Nous décidons donc de
maintenir les deux comités indépendants et de travailler le plus souvent
possible en convergence. Une montée sur Paris est envisagée pour le
mardi, premier jour de la discussion du projet à l´assemblée. A Caen, les
étudiants et les syndicats s´engagent à mobiliser par des interventions
dans les amphis pour la journée de mardi.
Mardi 25 mars :
A.G. à 14h. Autour de 80 personnes. Un débrayage d´amphis est prévu,
avant que nous partions vers la mairie pour l´occuper et faire pression
sur notre députée-maire Brigitte. Le débrayage aurait dû être effectué le
lundi et le mardi matin, mais le boulot n´a pas été effectué. Du coup,
nous sommes obligés de le faire à l´arrache, sans réelle organisation.
Aucun résultat. Comment expliquer les nouvelles réformes en quelques mots
? Les pions insistent sur la nécessité de privilégié l´action vue
l´urgence et l´actualité.
Un groupe est parti en reconnaissance comme lors de la prise du rectorat.
Nous partons en cortège en empruntant la route du rectorat pour faire
diversion. On bifurque au dernier moment. Mais nous sommes attendus. Les
grilles sont fermées. Derrière le bâtiment de nombreux CRS. Nous
apprenons par Solange notre RG préféré (c´est son nom de code) qu´ils
avaient prévu notre action. Cible trop évidente en ce jour décisif ?
A-t-on été grillé ? Nous apprenons par ailleurs que nous étions attendus
de manière identique au rectorat. Une délégation est reçue dans
l´improvisation par Deleuze un adjoint. Il nous communiquera la réponse
de Brigitte le lendemain. Toujours aucun dialogue. Le mépris. Très France
d´en bas. Pendant ce temps on bloque le carrefour. Très vite, nous nous
rendons compte que l´action n´a aucun impact et nous décidons de bloquer
le tram en plein centre ville en pleine heure de pointe. Ce qui était
prévu par l´AG comme action de substitution. Le but : ne pas crever sans
laisser de traces. Malgré la réticence de certains nous bloquons. Nous ne
sommes plus qu´une cinquantaine. Après une demi-heure et un embouteillage
monstre, les flics débarquent. Ils nous menacent et nous dégagent. Nous
repartons.
Mercredi 26 mars :
Nouvelle AG qui doit établir des ponts entre les pions, les chômeurs et
les intermittents. Seul un « représentant » des chômeurs sera présent,
pas d´intermittent. L´A.G. tourne en rond. Un jeune UDF, pion, est là et
se déclare opposé au nouveau statut. Ca nous fait une belle jambe. 14 h
au phénix nous ne sommes qu´une dizaine. Les étudiants ont préféré se
rencontrer de leur côté pour mettre en place un véritable comité de
lutte. Le mouvement des pions leur servait bien de tremplin... Nous
décidons tout de même de faire une action symbolique : on ira chercher la
réponse de la veille, mais de manière singulière. En effet face au mépris
des élus nous voulons leur répondre par un mépris identique. D´un côté
des dessins de moutons : « puisqu´on nous prend pour des moutons... » et
de l´autre des dessins de lapin : « on vous pose un lapin », avec en
exergue la déclaration de Ferry sur les pions : « Mieux vaut des bons à
tout faire(le nouveau statut d´assistant d´éducation) que des bons à rien
(les pions) ». Sur la route des motards nous accompagnent. A la mairie la
grille est fermée. De nombreux flic à l´intérieur. Les RG à l´extérieur.
A 10 nous bloquons donc tout de même la mairie de Caen. Nous disposons
nos affiches. Un responsable sort et nous demande si nous voulons être
reçus. Nous lui répondons simplement non... Le soir un concert est
organisé sur Hérouville. Bon moment festif, mais malheureusement
légèrement déficitaire.
Jeudi 27 mars :
Nous apprenons que le statut a été voté la veille à l´assemblée
nationale. 30 personnes en AG dont un collègue de Paris. Là bas, la lutte
s´essouffle également. Devant le manque d´influence nous décidons de
rebaptiser les amphis et de faire une action symbolique sur le tram en
bas de la fac. Quelques amphis sont rebaptisés après une courte
allocution : amphi Lagardère, guerre à ton âme ; amphi via l´ANPE, amphi
interdit aux pauvres ; etc. En fin d´après-midi nous nous allongeons sur
les voies de tram. Dessinons nos silhouettes de cadavres à la craie sur
le sol et quelques slogans sur les trottoirs et le campus. En soirée,
nous affinons nos contacts avec notre ami parisien.
Mardi 1 avril :
Manif sur les retraites. Nous devons nous retrouver avec les
chômeurs et les intermittents pour faire un cortège précaire. Pas
d´intermittents. Malgré tout un tract commun. Nous sommes une vingtaine.
On improvise une précaire-pride : « si toi aussi, tu aimes le cassoulet 3
nappes, leader-price, bienvenu dans la précaire-pride », « si toi aussi
tu aimes la mobilité, la flexibilité, bienvenu dans la précaire-pride » ;
« si toi aussi tu aimes prendre des coups en fermant ta gueule, bienvenu
dans la précaire-pride » ; « si toi aussi, tu te tapes ton assistante
sociale... » ; « si toi aussi tu aimes la CAF... » ; « si tu as un ami
qui s´appelle RéMI... ». Le reste de la manif est traîne savate.
Plusieurs milliers de personnes. La police et les douanes qui défilent.
Un bonheur...
Jeudi 3 avril :
Nous sommes quelques-uns à rejoindre l´AG convoquée par les
étudiants. Explication des réformes. Les syndicats nous proposent une
action : occupation de l´Aula Magna, une salle d´examen où une remise de
prix devrait avoir lieu en compagnie de la rectrice. Quelques messages à
la craie sont tracés au sol. Des chaises sorties. A l´intérieur, aucune
réception... Elle aurait été déplacée... Une AG s´improvise alors avec
les 200 personnes présentes. Les pions sont jugés trop radicaux,
irresponsables et anarchistes par certains leaders étudiants qui tentent
de nous faire passer pour des gens violents et irresponsables :
d´indécrottables gueules de voyou. Nos propos sont pourtant très posés.
Nous demandons pourquoi cette cible, tandis que nous sommes à 2 pas de la
Présidence ? Si nous resterons toute la nuit ? Que ferons-nous si la
police se pointe ? Que ferons-nous le lendemain ? Pouvons-nous aller
troubler cette cérémonie, semble-t-il déplacée au lendemain ? La plupart
des questions ne sont pas traitée dans la grande confusion qui règne...
La nuit se passe dans la festivité. Des pions organisent un grand
barbecue sur les pelouses. Au petit matin plus que quelques personnes qui
désertent le camp... L´action a eu le mérite de rétablir de la proximité
entre les étudiants en lutte, de casser la routine universitaire, mais
également souligne le défaut de son manque de pertinence politique.
Mardi 8 avril :
Une vingtaine de personnes en AG. Les étudiants nous appellent à
une action en commun avec les personnels de l´éducation nationale du
Havre et de Rouen sur le pont de Tancarville. Nous arrivons à la bourre.
700 personnes ont déjà effectué une chaîne humaine le long du pont pour
la télé. Aucun blocage. Nous arrivons à l´heure du barbecue. Un peu
énervés par la tournure de l´action, nous tentons de laisser passer les
véhicules gratuitement. Mais un syndicaliste « responsable » de l´action
s´interpose, brandissant la menace fantôme d´une amende et condamnant
notre manque de démocratie, là où tout semblait avoir été négocié entre
l´intersyndicale et les flics. C´est ça la démocratie ! Devant l´apathie
nous renonçons. Au passage à remarquer un RG avec un badge No pasaran «
Police partout, justice nulle part ! ». A Caen nous apprenons que des
coups de fil ont été passé pour demander qui étaient ces troubles fête
venus de Basse-Normandie... Bilan : 10 secondes aux infos et aucune
nuisance réelle. Ce n'est pas grave, nous devons attendre le mouvement de
masse... Sans doute pour le 15 août !
Mercredi 9 avril :
AG étudiante. 150 à 200 personnes. Elle s´éternise. De toute évidence,
l´action n´est pas véritablement à l´ordre du jour. Les syndicats
évacuent systématiquement le problème lorsqu´il est posé depuis la salle.
L´AG se vide. Les plus déterminés arrivent à imposer un vote au bout de
2h30 d´AG. Nous ne sommes plus qu´une vingtaine à vouloir envahir la
Présidence. Il faut dire que nous ne sommes plus que 70 à 80 et que
beaucoup de monde, lassé, a déjà fuit. L´action est remise au lendemain.
Une journée banalisée d´information est prévue pour après les vacances.
Elle sera quémandée à la présidente. Après plusieurs mois d´information
et parfois mais surtout épisodiquement de lutte, c´est toujours
d´information dont il est
question...
Jeudi 10 avril :
Nous sommes 20 au matin à nous retrouver. Pas d´action, juste de
l´info... Mais nous avons un tout beau local offert par l´UNEF, le local
des vice-présidents étudiants... Quelle victoire.
En guise de conclusion :
Comme dans beaucoup d´académies, mais peut-être moins qu´ailleurs, le
mouvement des pions s´essouffle. L´usure des pions en lutte se fait
sentir au bout de six mois. L´information passe mal dans les bahuts et
les menaces fusent. L´annulation du moratoire et le manque de victoire
réelle encourage le défaitisme. D´autre part, le mouvement paye cher son
autonomie. Les syndicats sont ouvertement hostiles et nous tirent
systématiquement dans les pattes. Mais dans le même temps, cette
autonomie a également contribué au vitalisme du mouvement et à
l´implication importante de « non-professionnels » de la politique ou du
syndicalisme... D´autre part, le comité de lutte pris souvent par
l´urgence, la frénésie et la ferveur de la lutte, mais également par le
nombre relativement restreint de militants qui l´anime, a parfois des
difficultés à prendre du recul sur ses propres pratiques. Cependant, il a
le mérite de son authenticité, de son attachement à son autonomie, mais
également de sa volonté de participer à la convergence des luttes. Mais
sur ce terrain, le volontarisme affiché a parfois ses limites. Le
corporatisme et l´immobilisme des intermittents. Le poids des centrales
syndicales attendant le mouvement de masse et privilégiant leurs intérêts
spécifiques contre celui des mouvements autonomes, cherchant à conserver
le contrôle des luttes et à demeurer les seuls interlocuteurs
responsables face aux autorités. Face aux attaques continuelles et
antisociales du
gouvernement, les syndicats semblent demeurer prisonniers de la mystique
du mouvement de masse et emprisonné par le défaitisme. Partout la grogne
monte mais dispersée. Des bahuts se mettent en grève, puis face à leur
isolement reprennent le travail. Des facs s´agitent mais demeurent
isolée. La généralisation du conflit semble donc freinée, parcellisée, et
en
l´occurrence les syndicats participent, tout comme la relative apathie
ambiante, à la facilité avec laquelle le gouvernement impose ses
réformes.
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