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(fr) C'est pour ton bien !

From CNT AIT <cnt.ait@wanadoo.fr>
Date Fri, 28 Mar 2003 11:10:35 +0100 (CET)


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A G E N C E D E P R E S S E A - I N F O S
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"C'EST POUR TON BIEN"
-> http://cnt-ait.info/article.php?id_article=621

On le sait, la répression est un outil indispensable aux sociétés
fondées sur l'exploitation, et les médias servent à justifier et
amplifier les actions répressives des Etats "démocratiques", leur
évitant de déployer tout leur arsenal comme le ferait un Etat
totalitaire . Parmi les boucs émissaires du pouvoir et des médias, les
"jeunes" ont toujours été bien placés : violents, délinquants, voire
in-civilisés, ils font peur aux braves gens dans les cages d'escalier,
ces comportements "justifiant" une répression toujours plus sévère. Cela
soulève bien des questions politiques, comme celle de la manipulation de
"l'opinion publique" par le pouvoir, de son besoin d'affirmer sa force
pour anticiper d'éventuelles révoltes, ou de sa nécessité d'occuper le
terrain en détournant l'attention sur des sujets choisis et maîtrisés par
lui.

Mais cela est aussi à rapprocher des méthodes en vigueur pour
l'éducation des enfants : la domination sans remise en cause possible, la
manipulation qui évite le déploiement des forces répressives, le
détournement de l'attention sur des sujets maîtrisés, tout cela est
utilisé aussi bien par les parents que par les Etats.

C'est ce que nous fait toucher du doigt le livre de Alice Miller "C'est
pour ton bien" (Editions Aubier), ce livre qui fait réfléchir sur ce
qu'on appelle la "pédagogie", la science de l'éducation des enfants.


La pédagogie, science de la répression des enfants

L'éducation n'est pas simplement, comme dans le Larousse, "l'action de
former, d'instruire quelqu'un". D'après Alice Miller, l'éducation est,
dans les faits, la manière de vaincre le caprice, l'entêtement, l'esprit
frondeur et la violence des sentiments de l'enfance.

Cela commence au berceau. C'est vrai qu'on peut faire tout ce qu'on veut
d'un petit enfant : le plier, lui enseigner de bonnes habitudes, le
corriger et le punir, sans qu'il arrive quoi que ce soit, sans qu'il se
venge, sans qu'il se libère de cette domination. On peut même lui
interdire de se rebeller en ne supportant pas ses cris, sa colère ou même
sa tristesse.

Alice Miller cite de nombreux extraits de traités de pédagogie déjà
anciens, où l'objectif de l'éducation est dit clairement. Il s'agit
d'éliminer de l'enfant toute volonté propre et de lui inculquer l'amour
de l'ordre et l'obéissance absolue à ses parents et aux "grandes
personnes". Ses sentiments spontanés doivent être combattus et il doit
apprendre la maîtrise de soi. Ceci doit être entrepris dès le plus jeune
âge, afin que l'enfant ne se souvienne plus de ce qu'on lui a enseigné et
en déduise que cet ordre des choses est "naturel". "Si l'on parvient
alors à leur ôter la volonté, ils ne se souviendront jamais d'en avoir eu
une". Ces traités, qui n'ont pas peur de dire des choses horribles, nous
semblent d'un autre âge. A voir... Dans les principes éducatifs actuels,
la soif de pouvoir des éducateurs est plus dissimulée, mais l'objectif de
l'obéissance reste évident, et les enfants doivent finir par ressembler à
ce que l'on attend d'eux. Il serait un peu facile d'évacuer la question
en prétendant que les choses ont bien changé. Si c'était le cas, pourquoi
les parents et les adultes en général
devraient-ils systématiquement mériter le respect, tandis que les
enfants ne le méritent a priori jamais ? Pourquoi les enfants
devraient-ils systématiquement se plier à la volonté des adultes ? Il
s'agit bien d'imposer sa volonté à l'enfant, qui doit toujours se
soumettre, même si on se doit aujourd'hui d'être un peu plus conciliant.
J'ai récemment entendu une (jeune) institutrice expliquer fièrement à des
parents jugés trop laxistes que quand elle regarde sa propre fille,
celle-ci baisse les yeux, parce qu'elle se soumet. Les méthodes
physiques utilisées aux siècles derniers (utilisation de la violence
jusqu'à la torture) ne sont plus prônées aujourd'hui, mais les méthodes
psychologiques, partagées par tous les parents et les éducateurs, sont
tout aussi efficaces (intimidation, manipulation, humiliation, moquerie,
mépris, chantage ou privation d'amour). Qui n'a jamais été témoin de la
manipulation des enfants ? Qui n'en a jamais été victime ?

Même la tendresse ne se donne pas sans arrière-pensée ; elle est donnée à
l'enfant quand il est "gentil", c'est-à-dire conforme à ce que ses
parents attendent de lui. L'enfant ne peut pas comprendre que ce qui
satisfait alors ses parents, c'est qu'il les rassure : il fait d'eux de
bons parents, autrement dit de bons enfants, sages et appliqués, de leurs
propres parents.


Le secret le mieux gardé

Pour Alice Miller, le pire n'est pas là. Toutes les vies sont pleines de
frustrations et il ne peut en être autrement. Il est évident qu'on ne
peut laisser un enfant faire tout ce qu'il veut, et qu'il faut qu'il
apprenne à composer avec la volonté des autres, à commencer par celle de
ses parents.

Mais ce n'est pas tant la souffrance qui est destructrice, que
l'interdiction de cette souffrance, le désespoir de ne pouvoir
l'exprimer. Car l'enfant ne doit jamais s'apercevoir de ce que lui font
ses parents. Tout ce qu'ils lui font, ils le font pour son bien. C'est en
tous cas ce qu'eux-mêmes et la société lui rabâchent, et il lui est
impossible de comprendre que leurs objectifs sont tout autres. En fait,
les principes éducatifs traduisent beaucoup plus les besoins de l'adulte
que ceux des enfants, et en premier lieu, le besoin inconscient de
reporter sur un autre les humiliations que l'on a soi-même subies par le
passé. Car comment supporter un enfant vivant, spontané, qui ressemble
tant à celui qu'on aurait pu être si on n'en avait pas été empêché ? Si
on le laissait vivre tel qu'il est, cela ne signifierait-il pas que ses
propres sacrifices et la répression de ses propres sentiments n'étaient
pas nécessaires ? Cela ne risquerait-il pas d'anéantir l'idéalisation de
sa propre enfance et de ses propres parents ? Et pour se protéger contre
toutes ces questions trop déstabilisantes, les parents croient pour de
bon que s'ils appliquent les principes éducatifs qu'on leur a appliqués,
c'est, comme on le leur a maintes fois répété quand ils étaient petits,
pour le bien de leurs enfants. Et l'enfant qu'on éduque apprend ainsi
à... éduquer.

Cela ne veut pas dire que les parents n'aiment pas leurs enfants. Cela
veut simplement dire qu'ils ont appris à taire leurs propres sentiments,
et à les remplacer par des règles de "bonne conduite", avec lesquelles
ils sont au moins sûrs de ne pas être regardés de travers "en société".
Et finalement, même l'amour qu'ils portent à leurs enfants est ambigu :
d'un côté le manque de respect et d'intérêt pour cette personne qu'est
leur enfant, la domination, la manipulation, l'humiliation, la
restriction de liberté, et de l'autre les caresses, les gâteries et les
tentatives de séduction, dans la mesure où l'enfant est ressenti comme
une partie de soi-même. Au lieu d'un véritable amour pour un être
particulier, c'est un amour "parental", pollué par le devoir d'aimer son
enfant, celui de l'éduquer correctement et par un fort sentiment de
culpabilité hérité de sa propre éducation. Car, si les parents agissent
pour le bien de l'enfant, celui-ci ne peut que se sentir coupable chaque
fois qu'il se sent humilié ou révolté contre ce qu'il subit : tout cela
ne peut être que de sa faute.

Pourtant, même si les parents réussissent généralement à dresser leurs
enfants, la puberté vient tout bouleverser et l'adolescence est le moment
de la remise en cause, de la révolte. Les jeunes se retrouvent d'un coup
confrontés à l'intensité de leurs véritables sentiments. Chacun s'arrange
comme il peut avec cette explosion intempestive, mais la société n'admet
pas que l'on exprime des sentiments intenses et violents, car les adultes
ont tous plus ou moins bien réussi à éteindre ce feu en eux et ils
entendent bien ne pas le tolérer des adolescents. C'est sans doute pour
cela que les pouvoirs successifs mettent autant d'acharnement à la
répression des jeunes, et c'est sans doute aussi pour cela que les
adultes qui constituent "l'opinion publique" acceptent si facilement
l'idée que ces jeunes, même quand ils sont âgés de 10 ou 13 ans, sont
dangereux.

Il "suffirait" pourtant de se rendre compte de l'existence de ces
chaînes pour pouvoir se dire que, comme tout le monde, nos parents ont,
au mieux, fait ce qu'ils pouvaient, en composant avec le carcan de leur
éducation, leurs contraintes quotidiennes, leur désir de liberté et leurs
vrais sentiments pour leurs enfants. Il "suffirait" d'admettre que les
choses se sont passées comme cela et qu'on n'y pourra rien changer, pour
se libérer d'un peu de cette culpabilité et de ce besoin
obsessionnel de justifier la conduite de ses parents en la reproduisant
sur ses propres enfants. On pourrait alors commencer à aimer et
respecter ces enfants-là pour eux-mêmes, en étant attentif à leurs
besoins ou à leurs sentiments, sans les ressentir comme des menaces, sans
se sentir coupables. Et ces enfants pourraient nous en apprendre, sur
nous-mêmes, sur la spontanéité et les sentiments que nous avions vaincus
par notre application à les maîtriser.

L'apprentissage de la soumission

Dans son livre, Alice Miller donne une large place aux portraits
d'enfance de trois personnalités particulières : celle d'Adolf Hitler,
celle de Jürgen Bartsch (jeune infanticide) et celle de Christiane F.
(droguée, prostituée).

Il paraît évident que les enfances massacrées de ces personnages ont joué
un rôle déterminant sur leurs personnalités et leurs capacités de
destruction. On peut cependant douter que, dans le cas d'Hitler, cela
suffise pour expliquer la mise en place du régime nazi, même en tenant
compte du fait que les principes éducatifs qui avaient détruit le petit
Adolf étaient aussi ceux utilisés pour éduquer tous les petits enfants
allemands.

Il n'en reste pas moins que les ressemblances frappantes qui ressortent
de la comparaison entre le fonctionnement de l'Etat et l'éducation des
enfants montrent qu'ils obéissent aux mêmes "valeurs". Comme le dit Alice
Miller : "Si l'enfant apprend à considérer même les châtiments corporels
comme des "mesures nécessaires" contre les "malfaiteurs", parvenu à l'âge
adulte, il fera tout pour se protéger lui-même de toute sanction par
l'obéissance, et n'aura en même temps aucun scrupule à participer au
système répressif".

Libertaires dans un monde d'exploitation capitaliste, nous sommes bien
placés pour savoir que le chemin entre l'éducation et l'adhésion aux
valeurs d'une société n'est pas tout tracé. Mais il me semble que tous
ceux qui ne se reconnaissent pas dans ces valeurs, qu'ils soient bien sûr
parents, mais aussi éducateurs, instituteurs, professeurs... tous
devraient tenter d'explorer de nouvelles façons de se comporter avec les
enfants.

Alice

Article du CS Midi-Py n°79
-> http://cnt-ait.info/article.php?id_article=621

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