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(fr) La guerre et l'art

From kandjare@no-log.org
Date Tue, 18 Mar 2003 02:15:17 +0100 (CET)


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A G E N C E D E P R E S S E A - I N F O S
http://www.ainfos.ca/
http://ainfos.ca/index24.html
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Des squatteureuses de grenoble et des alentours se sont encore bien
amuséEs ce 15 mars
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Grenoble, samedi 15 mars de l'an zéro trois : quelques énergumènes
sarcastiques ont mené la vie dure à différents symboles du monde de fric,
de flics, de spécialistes dans lequel nous vivons en ce sinistre jour
pour les squatteureuses et les "mauvaiSEs" locataires car il signifie la
fin de la "trêve d'hiver" et le retour officiel des expulsions. Et bien
que l'annonce de la mort de jean-luc lagardère, magnat de l'industrie
militaire et médiatique, en ce même jour, ne nous ait pas déplu, elle ne
nous a pas fait oublier que plein plein plein de capitalistes sont encore
bien vivantEs.

Nos aventures palpitantes commencent ainsi : nous sommes alléEs
joyeusement protester contre les menaces de guerre en irak à la manif qui
avait lieu dans l'après-midi et qui rassembla près de 10 000 personnes.
Pour cela, une première mise en jambes s'imposa sous la forme d'une
distribution de tracts avant et pendant le début du défilé. Le texte
distribué était écrit blanc sur noir, de format A5 avec pliure au milieu
("très beau tract", ont même dit certaines personnes). Il était signé par
d'obscurEs "éléments pour un bloc noir". Il se voulait porteur d'une
vision qui ne colle pas vraiment, voire pas du tout, avec certaines
perceptions réformistes qui sont capables de parler parfois de "guerre
juste", ou d'occulter le fait que la guerre n'est qu'un prolongement
spectaculaire des systèmes de domination (état, capitalisme, patriarcat,
racisme, chefferie...) [1]. Mais notre participation à la manif n'allait
pas s'arrêter là. Refusant de participer à un cortège sans y participer,
sachant que nous avions nous aussi des choses à dire, d'autant plus que
ces choses sont plutôt différentes et intéressantes (nous semble-t-ille),
nous décidâmes d'adopter un mode de communication plus dynamique et
subversif. Denombreuses publicités et de nombreux supports à vocation commerciale
durent subir nos méfaits bien ordonnés. Quelques vitrines furent ainsi
décorées de slogans. Des publicités furent détournées : des personnages
inaniméEs sur papier glacé se sont misES alors subrepticement à dire des
choses telles que : "Ni george, ni saddam, les chefs au feu, jacques au
milieu", "Ni george, ni saddam, les nations au feu, la france au
milieu", "Ni george, ni saddam, le patriarcat au feu, l'état au milieu",
"Le capitalisme c'est la guerre, le patriarcat aussi", "Pas de guerre en
irak, pas de paix entre les classes", etc. Nous eûmes aussi une pensée
pour jean-luc lagardère : des slogans comme "lagardère est mort, mort
aux capitalistes" ou "si tu ne viens pas à lagardère, la guerre viendra
à toi" furent malicieusement écrits. Des agences immobilières servirent
(involontairement de leur part) de supports de soutien aux squats : "à
bas la propriété privée, squattons le monde", "contre les expulsions,
solidarité avec les squats", tel fut le genre de messages qui émana de
ces supports. La plupart des gens autour de nous (à l'intérieur ou non
du cortège) étaient peut-être plus malicieuSEs que nous, puisqu'illes
semblaient apprécier ce genre de littérature en acte, en exprimant des
gestes et des sourires d'adhésion. A noter qu'une seule personne est
venue nous admonester. Cela pouvait être compréhensible puisqu'il
s'agissait d'un agent du réseau de transports grenoblois pendant que
nous laissions exprimer notre verve politique sur des abris-bus. Le
bougre n'insista pas longtemps en voyant notre faible enthousiasme à
coopérer et à lui donner la moindre et sérieuse attention. A noter que
certainEs d'entre nous restèrent sur leur faim. Ne trouvant pas de
boucherie sur le chemin du cortège, nous n'eûmes pas l'occasion
cohérente de noircir les vitrines de ce genre d'antres de la souffrance
animale avec des slogans tels que "Les boucheries au feu, bush au
milieu".Nous tentâmes de combler cette frustration en nous attaquant à
des prospectus entreposés devant des magasins et qui faisaient du
prosélytisme pour des éléments de la société de
domination-consommation-aliénation. Des journaux vendant de l'alcool ou
de l'immobilier furent ainsi enlevés de leur chariot, rageusement
déchirés et mis soigneusement dans des poubelles.

Ajoutons par ailleurs que durant cette manif, nous rencontrâmes des éluEs
communistes de (Saint)-Martin-d'Hères [2]. Cette bonne vieille mairie PCF
de la banlieue grenobloise se trouve être propriétaire d'un lieu investi
par des squatteureuses qui l'ont renommé la charade pour en faire un
espace autonome d'habitation et d'activités, ce qui n'a pas plu aux
susditEs zéluEs qui voudraient bien les expulser le plus rapidement
possible [3]. L'adjoint au logement de la ville ainsi que le maire
étaient présents. Nous en profitâmes pour leur donner avec facétie de
l'information, à savoir notre fameux tract noir sur la guerre, ainsi
qu'un papier appelant à une manif à grenoble contre les expulsions (héhé)
et les brutalités policières, laquelle aura lieu le 29 mars (rdv à 15h,
place félix poulat). Leur réaction ne fut pas ouvertement hostile à notre
égard. Ils trouvèrent la situation rocambolesque, ne cachant pas un
sourire qui semblait davantage relever d'une fourberie propre à tous les
politiciens. Le défilé s'acheva dans un parc délaissé par le public de la
grande messe commerciale du samedi soir (soit la majorité de la
population, hélas). Sans que personne ne leur ait demandé quoi que ce
soit, les grands et les petits chefs réformistes prirent place pour
haranguer la foule de leurs discours creux. Jugeant le faible intérêt de
la situation, nous décidâmes de quitter le rassemblement.Nous allâmes
récupérer nos vélos, et, oh! surprise et damnation!, nous nous rappelâmes
les avoir attachés contre les vitrines d'un mac donald’s. Derrière ces
vitrines, des gens étaient attabléEs en toute tranquillité. La
disposition du lieu menait ces dernierEs à nous faire face. Nous nous
mîmes alors à les dévisager avec bonne humeur, à l'instar de voyeureuses
dans ces stupides lieux qu'on appelle zoos ou musées. Dans un premier
temps gênéEs, la plupart d'entre elleux se mirent à sourire devant cette
situation plutôt cocace. Ne voulant pas leur laisser l'impression d'une
critique purement superficielle de notre part, nous sortîmes papier et
marqueur de nos poches et écrivîmes sous leurs yeux un slogan plutôt
spontané mais pas insensé, même s'il ne volait pas très haut (c'était un
truc du style : "Boycottons mac donald’s! C'est de l'exploitation et de
la bouffe de merde"). Nous longeâmes alors les vitrines du fast-food en
brandissant le papier sur lequel était écrit le slogan. Les clientEs
virent le message, certainEs méduséEs, d'autres amuséEs voire
acquiescantEs paradoxalement. Personne n'est sortiE nous casser la
gueule, pas même le vigile (qui semblait faire partie de cette frange
bizarrement approbative). Néanmoins, personne n'est sortiE du magasin en
disant pas même : "ouais vous avez raison, macdo c'est dégueu et ça
craint, brûlons-le!".

Nos méfaits de cette joyeuse journée n'allaient pas s'arrêter là. Oh que
non. Nous savions qu'à l'autre bout de la ville, un énième vernissage
allait se tenir au centre national d'art contemporain de grenoble (qui
s’appelle le "magasin"). Quelques énergumènes d'entre nous décidèrent
d'aller perturber de nouveau ce genre de rendez-vous mondains et
nombrilistes. Et pour cause, nous distribuâmes à quelques
consommateurices venuEs pour l'occasion, un mini flyer d'un format plus
proche de l'A12 que de l'A5 (pourquoi gaspiller tant de papier pour des
artisteux), lequel flyer apostrophait de la manière suivante : "Sais-tu
que l'art pue du nombril? Tu ne sais pas? Tu veux savoir? Contacte
zanzara@squat.net". Ce texte fut même lu à voix haute durant le buffet,
qui fut au préalable copieusement pillé par nous. Nous fûmes en effet
les premières personnes à prendre l'initiative de se servir. Nous
piquâmes néanmoins un scandale du fait de la présence de toasts à la
viande et la quasi absence d'aliments sans exploitation animale. Autre
scandale : la présence d'alcool et l'absence totale de jus de fruits. Nous
le fîmes entendre, même si au final, nous trouvions que vendre de
l'alcool durant un buffet était relativement moins pire que de l'offrir,
même si en soi, l'alcool (comme toutes les drogues) participe au
conditionnement de l'aliénation au spectacle. Mais avant ceci, nous
laissâmes exprimer notre iconoclasme en courant à travers le musée ou en
chamoizonant contre les murs [4]. Le but était évidemment de marquer nos
positions désacralisantes vis-à-vis de l'art.
Très tôt, nous nous fîmes brancher par un technicien et un sous-fifre du
musée qui faisaient office de vigiles plutôt mécontents. Nous sautâmes
alors sur l'occasion pour leur distribuer un texte contre les vigiles [5].
Plus tard, nous discutâmes longuement avec le technicien qui vintnous admonester au début. Nous lui dîmes pourquoi nous ne voulions pas
d'un monde de vigiles, de flics et de spécialistes, lui proposant une
vision basée sur des principes d'entraide et d'autonomie, loin de toute
construction de domination et de rapports de concurrence.Après quoi,
nous continuâmes à déambuler à travers ce sanctuaire du
nombril en tenant des propos contre l'art, en incitant les gens à ne pas
regarder les tableaux, mais plutôt à se regarder entre elleux, ou à
regarder des éléments qui ne sont pas qualifiés "artistiques" (les
plinthes, les clous sur le plancher, les tâches de peinture au sol, le
plan d'évacuation...). Il s'agissait de montrer l'absurdité sclérosante
qui émane des objets d'art. Nos propos alternaient avec d'autres
courses-poursuites ou d'autres moments ludiques, comme se cacher dans des
recoins pour échapper aux extrapolations spectacularistes et marchandes
d'un fourbe artiste-photographe présent sur les lieux. Nous lui fîmes
comprendre, par ailleurs, que nous ne voulions pas être pris en photo,
car nous ne voulions pas servir à ses desseins si méchants. Nous
distribuâmes aussi le reste de nos tracts sur les vigiles aux
gardienNEs de musée qui étaient employéEs temporairement pour le
vernissage et qui semblaient gravement s'ennuyer. Entamant la discussion
avec chacunE d'elleux, nous réalisâmes que ces personnes étaient plutôt
sympathiques à notre égard, puisqu'illes avouaient se désintéresser
complètement de la valeur "artistique" des oeuvres qu'illes gardaient.

Ces employéEs montrèrent même parfois des soutiens enjoués en ayant des
sourires complices. CertainEs nous encouragèrent même à renouveler notre
ardeur anti-artistique en nous indiquant de futures expositions ou
portes ouvertes d'écoles d’art. Nous leur promîmes de réitérer au plus
tôt.

quelques énergumènes sarcastiques.


[1] Le texte en question est disponible en écrivant à
gasteropodes@no-log.org, il est également en ligne sur internet
(http://www.ainfos.ca/fr/ainfos03529.html).

[2] Le "saint" est entre parenthèses car nous savons que les saints
n'existent pas, profondément athées que nous sommes.
[3] Voir le site de la charade (http://charade.squat.net) ou pour les
contacter directement : charade@squat.net
[4] Chamoizoner est une pratique gestuelle d'un mode
absurde. L' individuE se tient alors debout, d'une manière plus ou moins
évasive, face contre mur ou tout autre support vertical (arbre,
lampadaire, horodateur...). Par ailleurs, lela chamoizoneureuse peut
aussi utiliser un socle pour se surélever (une chaise, un banc, une
grosse bouteille de gaz...). Pendant ce temps, l'individuE peut laisser
libre-cours à son imagination, en contemplant de manière stupide ce qui
est a priori incontemplable, ou en profitant de la posture qui lela met
dos au public pour écrire des messages subversifs et révolutionnaires sur
les supports verticaux qui lui font face.

[5] Disponible sur http://www.ainfos.ca/fr/ainfos03464.html (posté le 27
février 2003 et intitulé "Gauche réformiste et contradictionsdébordantes") ou en écrivant à kandjare@no-log.org




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