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The.Supplement
{Info on A-Infos}
(fr) Les hommes aux mains sanglantes
From
CNT AIT <cnt.ait@wanadoo.fr>
Date
Sat, 8 Mar 2003 12:47:24 +0100 (CET)
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A G E N C E D E P R E S S E A - I N F O S
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http://ainfos.ca/index24.html
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LES HOMMES AUX MAINS SANGLANTES
OU LE SYDROME DE L'ILE DE PAQUES
La manière de résoudre les conflits entre les hommes est caractéristique
des sociétés dans lesquelles ils vivent. L'histoire du monde nous apprend
qu'il y eut de multiples façons de le faire.
QUAND LA GUERRE IMPOSE SA LOI.
Si on ne se centre que sur les groupes humains qui fonctionnent ou qui
ont fonctionné sur le mode de l'affrontement, on constate que très
souvent ces pratiques sont codifiés, ritualisées. Le but alors n'est pas
de tuer, mais suivant les cas, de voler des biens, de faire des
prisonniers ou tout simplement de marquer des points symboliques face à
l'adversaire. En général, dans ces cas, l'affrontement n'est pas direct,
et reculer ou s'enfuir est communément admis.
Mais l'histoire nous montre aussi comment ces codes peuvent être
bouleversés par des changements d'apparence minimes et comment il peut en
résulter une militarisation de toute la société. Ce fut le cas des
Zoulous, conduits par Chaka. Ce dernier perfectionne la sagaie et invente
une arme meurtrière, l'ikwa, une lance-poignard destinée à déchirer
profondément les entrailles. Cette nouvelle arme, infiniment plus
"efficace" va permettre aux Zoulous de conquérir le sud de l'Afrique ;
mais il faudra d'abord que Chaka anéantisse la réticence des zoulous à
employer une arme aussi criminelle (pour le lieu et l'époque). Chaka le
comprend de suite : une arme plus efficace ne suffit pas car le
conditionnement psychologique est la condition première de l'efficacité
militariste. Pour maintenir ce conditionnement permanent il faut modifier
les règles de vie. Par exemple un mâle zoulou ne peut plus connaître de
rapport sexuel avant de tuer un adversaire dans une bataille rangée [1].
Ni se marier avant 40 ans. Pour les Zoulous de la fin du XIXème siècle,
la question de la guerre finit par conditionner tous les rapports sociaux
y compris les plus intimes.
Pour ne prendre qu'un second exemple sans le développer, rappelons que
l'affrontement en bataille rangée visant la destruction des forces
adverses est, dans le monde antique méditerranéen, une innovation de la
société grecque. Cette stratégie nouvelle a conditionné la vie
quotidienne à Spartes, pas seulement celle des hoplites (spécialistes de
cette technique d'affrontement) mais de tous : les lois de Lycurgue,
dictées sous l'empire de la "nécessité" militariste s'appliquaient et se
répercutaient à toute la société civile. [2]
LE CAPITALISME REND LA GUERRE ENCORE PLUS EFFICACE
Soyons justes, le capitalisme n'est pas l'unique générateur de conflits
entre les hommes. Mais son mode de production et sa technologie ont
transformé ici aussi les modalités de l'affrontement. Il rend les
conflits infiniment plus meurtriers et donne à la guerre la priorité sur
nos vies. Très logiquement, pour nous le faire accepter, il fabrique une
idéologie justificative. Cette idéologie, dont le but essentiel est de
prolonger sa survie en masquant division objective et essentielle qui
existe entre les classes sociales, se fonde sur la recherche de
particularismes artificiels. Suivant les besoins de la cause, ces
"identités" se déclineront sur des bases géographiques, culturelles,
ethniques ou religieuses... De plus, et comme par le passé,
l'introduction d'armes plus meurtrières modifie la tactique militaire,
crée une caste de spécialistes, dirige les rapports sociaux, et finit par
créer une nouvelle caste dominante. Cette caste, née de la force et de la
violence, se maintient par ces mêmes moyens. Comme toujours. des conflits
internes pour le pouvoir vont la diviser, chaque fraction concurrente
s'appuie sur une fiction communautariste, identitaire, et sa politique
n'est plus que synonyme d'écrasement et de tuerie.
L'histoire de la civilisation pascuane [de l'île de Paques] pourrait être
le symbole de ce processus auto-destructeur d'une civilisation. Nous
sommes sur une île du Pacifique colonisée par une même souche d'individus
polynésiens. L'invention d'une pointe de flèche en obsidienne très
meurtrière, dénommée mataa, conduit à la constitution d'une caste de
guerrier "les hommes aux mains sanglantes", c'est ainsi qu'ils
s'appellent eux-mêmes. Tout un programme ! Cette caste devient dominante
et se déchire en concurrents rivaux, elle entraîne les habitants dans des
tueries sans fin. Pour justifier ces tueries, elle crée de nouvelles
coutumes, des particularismes et des clans. Evaluée à son apogée à 7000
habitants, la population de l'île de Pâques est victime d'un
auto-génocide. C'est un cas d'école, car coupée du monde, elle ne connaît
pendant des siècles aucun risque d'invasion ou d'agression extérieure, et
de ce fait l'existence de la caste militaire n'était pas justîfiée [3].
Pour parvenir au pouvoir et s'y maintenir, il fallait que par elle même
elle crée les conditions de son existence et de sa domination. Sous
l'influence de la classe dominante qui a sécrété une idéologie adéquate
(la division clanique), le massacre sera complet. On comptera 120
survivants seulement lors de la découverte de l'île de Pâques par les
explorateurs occidentaux [4].
Le syndrome initié par l'apparition d'une nouvelle technologie guerrière,
donc d'une nouvelle tactique développée par une nouvelle caste guerrière
qui devient dominante et qui sécrète une idéologie justificative de ses
agissements assassins est valable pour toutes les périodes de l'histoire
sous toutes les latitudes. Cet ensemble d'événements qui bouleversent la
vie collective, qui créent des conduites auto-destructives (qu'elles
soient individuelles ou de groupe) conduit logiquement à des
catastrophes.
Ce qui se passe maintenant dans le monde est un processus qui a débuté en
Occident à partir des années 1860-70. Les normes de la production
industrielle capitaliste s'appliquent dès lors à l'industrie militaire.
Une débauche de masses humaines sacrifiées et des tonnes de matériel
gâchés caractérisent le premier conflit mondial. Puis la conscription
cède le pas à la spécialisation accrue du personnel militaire. Mais la
mobilisation des esprits demeure nécessaire. La pro-pagande, à partir du
deuxième conflit mondial se substitue au rôle de la loi antique.
Autrefois la guerre imposait sa loi aux civils, maintenant elle agit plus
subtilement par leur
conditionnement. Dirigeants à la fois politiques, économiques et
militaires, les élites des états ressemblent à ces "homrnes aux mains
sanglantes" qui luttent pour leur pouvoir par clans ou "peuples"
interposés. Ils nous impliquent et nous transforment en victimes
potentielles. C'est le syndrome de l'Iles de Pâques, dans lequel la seule
perspective politique devient le meurtre du voisin. Le conflit
israelo-palestinien en est un terrible exemple.
VICTIMES D'UN PLEONASME
La classe dominante issue de la guerre, vit de la guerre et se justifie
par elle. La paix ne subsiste donc que par intervalles. Dans le monde la
guerre est endémique pour des raisons obéissant aux besoins des
dirigeants.
C'est ainsi que la guerre est devenue une question qui domine nos vies de
plus en plus tout en étant un problème qui nous échappe puisque nous
n'avons aucune prise sur son déroulement. C'est ce que les médias
soulignent lorsqu'ils évoquent des "victimes imnocentes". Personnellement
je ne les ai jamais entendus parler de "victimes coupables". Et je pense
que ce pléonasme largement employé est révélateur de la situation dans
laquelle nous sommes. Victimes et innocents, c'est-à-dire irresponsables,
les médias nous renvoient illico dans le giron de l'état protecteur.
celui-là même qui organise et perpétue les massacres, nous devons nous en
remettre à lui pour nous protéger Illogique certes, mais c'est le rôle de
l'idéologie de la justifica-tion de nous le faire accepter. Cela permet à
Bush d'affûter son ikwa-mata sous la forme de bombinettes nucléaires,
évidemment destinées à nous protéger. Cela permet à tous les "hommes aux
mains sanglantes" de justifier les prochaines tueries, bien sûr pour
notre bien. Mais sachons nous poser la question de nos propres
responsabilités. Les victimes de n'importe quelle action guerrière contre
des civils (et il faut entendre ici tant celles conduites par les états
existants que par ceux en formation) sont des gens que la propagande a
rendu acteurs passifs de leur propre destruction puisqu'ils s'en sont
remis à leur Etat-clanique pour se protéger.
NOTRE RESPONSABILITE
La boucherie quotidienne qui nous est imposée est le résultat dramatique
de l'inconscience collective qui caractérise les habitants de la planète.
Les responsabilités de la bourgeoisie dirigeante en ce qui concerne les
facteurs de guerre sont claires. Mais qu'en est-il de nous tous, nous qui
constituons la majeure partie de la popula-tion ?
Abordons-nous correctement la question ? Par exemple, quand ont parle de
la responsabilité des travailleurs, c'est généralement sous un angle
partiel. Un tel, pacifiste, accusera tel autre, ouvrier dans un arsenal,
de produire du matériel de mort. Posons-nous la question la
responsabilité des ouvriers dans les usines d'armement est-elle, dans le
fond, supérieure à celle d'autres ouvriers (qui, par leurs impôts, par
leurs votes, et tout simplement parce qu'ils ne sont pas prêts à entrer
dans la lutte collective pour changer le monde) contribuent à la
pérennisation de la situation.
Nous devons assumer collectivement notre responsabilité dans la marche
des événements car, dans les guerres efficaces comme le sont les guerres
capitalistes, il est inutile de raisonner en terme de bien ou de mal,
d'innocents ou de coupables. Il y a ceux qui se sont préparés à
l'affrontement, les "hommes aux mains sanglantes", les cannibales, et
ceux qui n'y sont pas préparés, les victimes passives. Les habitants de
la planète doivent se préparer à en finir avec cette situation. Non pas
en rentrant dans la logique de la justification de l'existence des états
nationaux ou régionaux soi-disant chargés de nous défendre parce que nous
serions des inaptes. Non pas en abordant le problème de façon partielle
("pour la paix ", "contre les armes", ou pour "un peuple", "un état
palestinien, hébreux, alsacien, français ou taliban") mais en le faisant
globalement. En expliquant d'abord en quoi les théories particularistes
font le jeu des fractions rivales de la bourgeoisie. En permettant
ensuite à toutes les victimes potentielles de se retrouver dans un projet
collectif de transformation sociale.
Gwenaël
Notes :
[1] Le refoulement des pulsions sexuelles est utilisé par toutes les
dictatures pour asservir l'individu. Il permet de développer
l'agressivité contre "l'adversaire désigné" en même temps que la
soumission vis-à-vis du "maître".
[2] "Guerre et violence dans la Grèce antique", A. Bernard. Hachette. 199
?
[3] Au sens où l'on justifie généralement cette caste.
[4] "Histoire de la guerre", J. Keegan. L'esprit frappeur, 2000
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