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The.Supplement
{Info on A-Infos}
(fr) Lutte de classe ou choc des civilisations ?
From
dkessous@club-internet.fr
Date
Thu, 26 Jun 2003 22:43:36 +0200 (CEST)
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A G E N C E D E P R E S S E A - I N F O S
http://www.ainfos.ca/
http://ainfos.ca/index24.html
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Bonjour. Ci-après le dernier bulletin du R.U. Nous avons une page web en
cours de préparation. Merci de diffuser.
D. Kessous
-Rassemblement universaliste BP 25 75622 Paris cedex 13 - juin 2003 n° 67
abonnement 10 euros CCP 42.843.95S La Source
Lutte de classe ou choc des civilisations ?
Des manifestations, des grèves, des milliers d'amendements déposés par la
gauche... en vain. Car le projet de loi sur l'allongement des retraites
des fonctionnaires va finalement être adopté par le parlement français.
Cette nouvelle remise en cause de droits acquis s'inscrit logiquement
dans la politique menée, au plus vaste niveau mondial, par le
capitalisme. Miné par la chute des taux de croissance et de profit, ce
système ne cesse
d'entraîner le monde dans la fuite en avant effrénée de la réduction des
coûts de production de toute marchandise, à commencer par la
marchandise-travail. Chaque pays, chaque entreprise, dans ce cadre, doit
exiger toujours plus de sacrifices de la part des travailleurs. Cette
logique de compétition généralisée a entraîné partout une explosion des
inégalités - non seulement entre individus mais également entre les pays
-, un effondrement des classes moyennes, et une explosion des conflits de
toute nature. Nous consacrons l'intégralité de ce bulletin à examiner
comment certains conçoivent ce phénomène éminemment conflictuel et ses
perspectives.
De la lutte de classe ? La revue Echanges et Mouvements (n° 104,
printemps 2003) apporte des renseignements utiles sur l'histoire, la
nature et les buts du réseau militant qui l'anime. On y apprend ainsi que
"la raison d'être d'Échanges est déterminée par la carence d'informations
sur les conflits de classes et par l'importance démesurée donnée
généralement aux informations politiques et économiques (deux manières de
masquer la réalité)" et que "dans la société capitaliste, la
contradiction réelle n'est pas dans les idées (révolutionnaires,
réformistes, etc) mais dans les intérêts. La production marchande ne
pourra être renversée et le salariat aboli par l'effet d'une volonté ou
d'un désir quel qu'en soit la
détermination mais résultera de la lutte des classes qui se développe à
partir de la position des travailleurs dans le système de production". En
fait, ce n'est pas dans la seule "société capitaliste" mais dans toute la
vie sociale, que les contradictions réelles opposent prioritairement des
intérêts, lesquels, loin de s'agréger autour des seules classes sociales,
mettent en lice des Etats-nations, des entreprises et diverses
collectivités corporatistes (petits commerçants, agriculteurs, éleveurs,
cadres, etc), chacun tirant de son côté une couverture en bien piteux
état... Les "luttes de classe", le plus souvent, se résument à des
conflits catégoriels orientés soit vers le maintien de certaines
conquêtes remises en cause par le système, soit vers la survie pure et
simple de la catégorie concernée, quand ce n'est pas le combat destiné à
marchander l'obtention d'un obole de licenciement un peu moins ridicule.
Quant aux contradictions existant entre les "idées", bien que
secondaires, elles sont tout aussi réelles ; dans cet
anti-intellectualisme d'Echanges on retrouve une vieille tradition du
syndicalisme révolutionnaire, renouvelée par le conseillisme. Est-ce
"masquer la réalité" que de tenter d'analyser celle-ci dans son infinie
complexité, d'essayer de rendre compte de la multitudes des conflits qui
la sous-tendent et des issues possibles ? Échanges nous offre ici un bon
exemple de l'incapacité de la gauche radicale, enfermée dans le
traditionnel paradigme lutte-de-classiste, veilli, éreinté, à affronter
la réalité du moment du fait d'analyses insuffisantes quand elles ne sont
pas fausses ; ceci dit, sans aucune intention polémique mais dans le but
de stimuler une éventuelle discussion.
Des chocs de civilisations ? Nous résumerons, ci-après, la thèse de
Huntington, avant d'en entreprendre une critique méthodique.
"La politique mondiale entre dans une nouvelle phase dans laquelle les
principales sources de conflit ne seront plus idéologiques, ni
économiques mais culturelles. Le choc des civilisations dominera la
politique mondiale. Une civilisation est la forme la plus élevée de
regroupement par la culture et le facteur d'identité culturel le plus
large qui caractérisent le genre humain. Le sentiment d'appartenance à
une civilisation va prendre de plus en plus d'importance dans l'avenir et
le monde sera dans une large mesure façonné par l'interaction de sept ou
huit civilisations majeures, à savoir les civilisations occidentale,
confucéenne, japonaise, islamique,
hindouiste, slave-orthodoxe, latino-américaine et, peut-être, africaine.
Les hommes appartenant à des civilisations différentes ont des vues
différentes sur les relations entre Dieu et l'homme, l'individu et le
groupe, le citoyen et l'Etat, les parents et les enfants, le mari et la
femme, ainsi que sur l'importance relative des droits et des
responsabilités, de la liberté et de l'autorité, de l'égalité et de la
hiérarchie. Les efforts de l'Occident pour promouvoir ses valeurs de
démocratie et de libéralisme en tant que valeurs universelles, pour
conserver sa prééminence militaire et pour défendre ses intérêts
économiques engendrent des contre-réactions de la part des autres
civilisations. Les idées occidentales que sont l'individualisme, le
constitutionnalisme, les droits de l'homme, l'égalité, la liberté, le
règne de la loi, la démocratie, le libre marché, la séparation de
l'Eglise et de l'Etat, rencontrent souvent peu d'écho dans les cultures
musulmane, confucéenne, japonaise, hindouiste, bouddhiste, ou orthodoxe.
Une connexion militaire islamo-confucéenne s'est créée dont l'objectif
est de permettre à ses membres d'acquérir les armes et les technologies
d'armement qui leur sont nécessaire pour contrer la puissance militaire
de l'Occident. Les conflits entre groupes appartenant à des civilisations
différentes seront plus fréquents, plus longs et plus violents que les
conflits entre groupes appartenant à la même civilisation. L'opposition
entre l'Occident et plusieurs Etats islamo-confucéens sera la principale
source de conflit dans l'avenir immédiat. A court terme l'Occident a
manifestement intérêt à développer la coopération et l'unité à
l'intérieur de la civilisation qu'il représente, plus particulièrement
entre ses composantes européenne et nord-américaine, à incorporer à
l'Occident les sociétés de l'Europe de l'Est et de l'Amérique latine dont
les cultures sont proches des siennes, à exploiter les différences et les
conflits entre Etats confucéens et Etats musulmans" (N.B. Le texte
ci-dessus est un résumé de l'article de Huntington paru dans Foreign
Affairs [été 1993] et retranscrit un an plus tard dans Commentaire [été
1994, n° 66]. Ultérieurement Huntington en a fait un épais ouvrage qui
n'apporte rien de neuf au sujet.)
Une critique de Huntington Si le fait de limiter l'analyse des sociétés
aux seules luttes de classe, comme le font beaucoup de marxistes et de
libertaires, est notablement réducteur, la description de cette même
réalité sociale en termes de conflits de civilisation est encore bien
plus grossière. Depuis les origines les plus lointaines - et il n'y a
aucune raison pour que ça change - les principales sources des conflits
humains, n'en déplaise à Huntington, sont matérielles et économiques, les
différences culturelles, les contradiction idéologiques, n'étant que des
reflets des divergences d'intérêts et des différences de développement
économique. Ce n'est pas seulement entre civilisations, mais à
l'intérieur de chaque civilisation que les hommes, ont non seulement des
"idées différentes" (mais changeantes également) dans de nombreux
domaines, mais d'abord des intérêts divergents. Ce n'est pas tant
"l'Occident" en général qui consacre des efforts certains pour conserver
sa prééminence militaire et défendre ses intérêts économiques que chaque
Etat-nation agissant pour son propre égoïsme sacré, et parfois en
alliance avec d'autres Etats n'appartenant pas nécessairement à la même
civilisation (exemples récents : l'alliance de la Russie avec l'Iran, des
USA avec le Japon, de la Turquie avec Israël, a contrario l'opposition du
Canada, de la France et de l'Allemagne aux USA). Quant à ces prétendus
efforts de l'Occident "pour promouvoir ses valeurs de démocratie et de
libéralisme en tant que valeurs universelles" ils relèvent d'une parfaite
contre-vérité, l'ensemble des Etats occidentaux ayant toujours soutenu, à
travers le monde, les régimes les plus rétrogrades, ennemis des libertés.
Enfin, ce que Huntington désigne pêle-mêle comme des "idées
occidentales", sont soit des réalités complexes apparues en Occident dans
des conditions historiques déterminées (l'individualisme, le
constitutionnalisme, le règne de la loi ...du plus fort, la démocratie,
le libre marché), soit des idéaux jamais mis en pratique voire de la
phrase creuse (les droits de l'homme, l'égalité, la liberté). Pour ce qui
concerne la séparation de l'Eglise et de l'Etat, très imparfaitement
réalisée dans tous les Etats du monde, et aujourd'hui partout remise en
question, Occident compris, elle reste encore à mettre en pratique au
niveau le plus large possible.
Qu'est-ce qu'une civilisation ? Ce que Huntington définit de manière
lapidaire en une petite phrase (voir ci-dessus) a fait couler des flots
d'encre chez différents auteurs. Fernand Braudel (L'histoire des
civilisations, le passé explique le présent, in Ecrits sur l'histoire,
Flammarion) relève toute la confusion qui entoure ce concept (ainsi que
celui de culture) et nous décrit avec une grande érudition les diverses
approches qu'en ont différents auteurs (Guizot, Burkhardt, Spengler,
Toynbee, Bagby et Weber ; Huntington semble plutôt proche de Weber, bien
qu'il soit loin d'en atteindre la culture). Pour une approche plus
descriptive du phénomène, on peut se reporter encore à Braudel dont la
très claire et synthétique Grammaire des civilisations (Armand Colin,
régulièrement réédité) offre au lecteur une passionnante étude de divers
cas pratiques.
Huntington, on l'aura compris, se détermine comme membre et défendeur de
l'Occident, bref, de quelques pays regroupés autour de l'Atlantique nord.
On retrouve chez lui, ce plaidoyer pour des Etats-Unis d'Occident de
Xavier de C*** (cf. L'Universaliste, n° 64). Et derrière l'idée du choc
des
civilisations on trouve toute la politique U.S. actuelle. Mais avant
Huntington, il y avait Brzezinski, qui, dès 1979, avait eu l'idée de
conclure une alliance des USA avec les islamistes afin d'attirer l'URSS
dans le piège afghan. Plus récemment, le même Brzezinski a développé une
idée bien plus pertinente, selon laquelle "l'axe du monde" étant
constitué par l'Eurasie (toutes civilisations confondues, donc), la
puissance qui dominerait cette région régnerait sur le monde entier (The
Grand Chessboard, 1997). Ceci peut nous aider à comprendre le but des
interventions U.S. en Afghanistan et en Irak. Par ailleurs, pour
accréditer la pertinence de cette idée du choc des civilisations, la
diplomatie des puissances dominantes n'a eu de cesse de soutenir les
régimes réactionnaires du tiers monde et, en sous-main, les intégristes,
afin qu'ils étouffent chez eux toute velléité émancipatrice. Les
intégrismes - islamistes, chrétiens, juifs, néo-libéraux - se stimulent,
se nourrissent mutuellement. Si, comme l'affirment nos camarades
d'Echanges, les contradictions réelles dans la société humaine, avant
toute idée, appartiennent au règne de la réalité tangible, il n'empêche
que les idées, en tant que reflet plus ou moins juste de ce même réel
concret, ont également leur importance. Les militants de la gauche
radicale, face à toutes les idées et autres utopies réactionnaires telles
celle du choc des civilisations doivent impérativement opposer leurs
propres idées, leurs théories pour dégager des perspectives et envisager
le type d'action réalisable (ainsi que l'affirme Bloch, l'utopie, idée
par excellence, n'étant que l'exploration des possibilités concrètes du
réel). L'avenir nous dira bien, à ce sujet, si l'idée du déclin U.S. a
une certaine validité (l'idée de Nicolas Ier qui, au milieu du XIXème
siècle, concevait l'Empire ottoman comme "l'Homme malade de l'Europe"
n'était pas tout à fait fausse).
Parmi les hurlements des loups, se trouvent des voix d'origine bien
étrange... Des sympathies pour Huntington, jusque dans la gauche radicale
? Eh oui... ça existe, on en trouve, aussi bizarre que cela puisse
paraître, chez Guy Fargette, par exemple, qui s'interdit "de traiter avec
désinvolture" les positions de Huntington, dont le nom serait entouré
d'une "étrange mauvaise foi" et les textes victimes d'une "falsification
constante" (Ni patrie, ni frontière, n° 3). Ainsi, l'idée saugrenue selon
laquelle "l'Occident ne devrait pas imposer ses valeurs aux autres
régions du monde" (voire notre critique plus haut) serait passée
"systématiquement sous silence par ses détracteurs"... Mais à quoi bon
"passer sous silence" une telle divagation ? Guy Fargette trouve
convaincante la thèse de Huntington selon laquelle l'absence de
régulations internes serait un problème spécifique du monde musulman "
déchiré par les guerres civiles, les guerres entre Etats et les rivalités
régionales" (Huntington va jusqu'à affirmer que "le sang coule sur toutes
les frontières de l'Islam"). Mais quid de la Colombie, du Brésil et
autres pays d'Amérique latine pour les guerres civiles, de l'Europe pour
les guerres inter-étatiques ? À-t-on déjà oublié le XXème siècle ?
De l'influence des origines sur les conceptions politiques. Yves Coleman,
le responsable de Ni patrie, ni frontière, la revue précitée, durant la
grande manif du 15 février pour la paix, s'est avisé de diffuser un tract
qui visait au premier chef Saddam, le sous-fifre et faire-valoir de
l'impérialisme U.S. aujourd'hui tombé en disgrâce. Pour une fois qu'une
unanimité se dégageait sur la cause principale du mal, ce n'était
peut-être pas très habile : toute la grande presse nous gave des
atrocités de Saddam en passant sous silence ceux qui l'ont porté au
pouvoir. Coleman, qui s'est fait méchamment apostropher, observe que la
plupart de ses contradicteurs "étaient d'origine maghrébine, moyen ou
proche-orientale" (p. 118) et décrit la tonalité "raciste ou raciale"
des attaques dont il fut l'objet : la xénophobie semble ici bien partagée
: islamophobie pour les uns, judéophobie pour d'autres... Mais, est-il
très glorieux de critiquer le caractère primaire de ceux que le système
exploite et abrutit honteusement ? Mieux vaut éviter de mêler sa voix à
celles de loups : "Le pharisien capitaliste dénonce lui-même la
bestialité qu'il a créée, qu'il éternise et exploite" écrivait déjà Marx
(Le Capital, livre I, chapitre XV). Toujours dans le même registre, et
dans la même revue, Fargette, en défendant Huntington, estime que "les
textes les plus malhonnêtes sur ses positions viennent
significativement d'individus originaires du Proche-Orient, du Maghreb ou
du Pakistan et vivant en Occident" (p. 130). Mais il faudrait
réciproquement mentionner l'origine des pro-Huntington, celle d'Amitaï
Etzioni, ex-officier israélien et co-signataire avec lui de la lettre
d'Amérique (cf Le Monde du 15/02/02), celle du faucon Wolfowitz ou de
Bernard Lewis dont le livre (Les Racines de la haine musulmane... tout un
programme) a fortement influencé Huntington ; et que dire de l'origine de
tous ceux qui, en France, soutiennent ouvertement l'impérialisme U.S.
(Lellouche, Glucksman, Elie Wiesel, Finkielkraut, etc.) Mais l'origine
n'explique pas tout,
heureusement. Regardez les proches de Bush, le noir américain Colin
Powell et la latino Condoleezza Rice ? On trouve ainsi des immigrés des
fraîche date, espagnols, arabes, noirs et même juifs qui votent Le Pen ;
réciproquement, originaires de notre Occident glorieux, un grand nombre
de personnes s'opposent à l'impérialisme sionisto-étatsunien. En Israël
même, le camp pacifiste est composé majoritairement d'askhenazes issus de
ce même Occident alors que les sépharades sont les plus virulents à
l'encontre de leurs frères arabes. Traditionnellement, les marxistes
accordent la plus grande importance non aux origines comme le font ici
Fargette et Coleman, mais à la place dans le processus productif. Mais
même l'appartenance à une classe sociale est sujette à caution. Ils sont
innombrables les nobles (Saint-Simon) et autres bourgeois (Marx) ayant
rallié le camp progressiste, au moins depuis 1789 et jusqu'à nos jours,
de même les authentiques prolétaires ayant rejoint le camp réactionnaire
(cf., entre autres, la contre-révolution allemande avec, à sa tête, le
tonnelier Ebert et le bûcheron-vannier-chien-sanglant Noske).
Ni patrie ni frontières, cette toute nouvelle revue semble décidément
très accommodante avec le sionisme. Ses deux premiers numéros
reproduisent une chronique d'Yves Coleman, son responsable, intitulée
Misère de
l'anti-sionisme. Nous ignorons le contenu de ce texte mais nous pouvons
d'ores et déjà soutenir que cette misère alléguée par Coleman, touche non
seulement l'anti-sionisme mais encore l'anti-impérialisme,
l'anti-racisme, l'anti-fascisme ("le sionisme est un fascisme", soutient,
arguments à l'appui, Thom Thomas, dans Albatroz n° 32, nous y
reviendrons), le pacifisme... bref toute doctrine "anti" qui, trop
souvent, occulte les racines d'un mal profond pour limiter ses attaques à
ses symptômes multiples. Concernant l'ensemble des militants de la gauche
radicale, quelle que soit leur tendance, il doit être bien clair que leur
rattachement à un mouvement essentiellement émancipateur leur interdit,
s'ils veulent rester fidèle à leur idéal, toute compromission avec
quelque forme de souverainisme que ce soit. Dès que, à partir de la fin
du XIXème siècle, la
social-démocratie a commencé à collaborer avec l'Etat souverain
capitaliste, le mouvement socialiste a entamé une longue dégénérescence
qui se poursuit jusqu'à nos jours.
"Je ne partage pas les craintes de tous ceux qui, aujourd'hui, prétendent
que le conflit entre l'Occident et l'Orient sera une nouvelle guerre
froide, comme celle qui a opposé les démocraties et les dictatures
communistes. Les conflits en Irak, en Afghanistan, en Tchétchénie,
l'effondrement de la Yougoslavie dans les années 1990, le conflit entre
Israéliens et
Palestiniens, constituent des exemples d'un apparent "choc des
civilisations" pour emprunter l'expression de Samuel P. Huntington. Mais
il ne s'agit là ni de guerre de religions, ni de manifestation d'un
antagonisme entre l'Occident chrétien et l'Orient musulman. S'il est vrai
que le XX° siècle et les siècles précédents ont été témoins de guerres
entre chrétiens et musulmans, des conflits ont également opposé des
groupes à l'intérieur de chacune de ces religions (...) La Méditerranée,
comme l'a montré l'historien français Fernand Braudel, a été autant un
bassin d'échange d'idées et de marchandises qu'un théâtre d'affrontements
(...) L'histoire nous montre que ceux qui, au sein de notre espace
culturel commun, ont le plus volontiers puisé dans le savoir des autres
sont aussi ceux qui ont connu le
développement le plus rapide (...) L'Occident a malheureusement soutenu
des régimes qui ont bafoué les droits de l'homme et les principes
démocratiques. Cette attitude a pu contribuer à la radicalisation des
mouvements islamistes qui, dans certains pays, ont été victimes
d'injustices. Cela ne donne cependant pas le droit aux islamistes de
persécuter les chrétiens ou d'autres croyants ni d'appeler à la violence
et à la terreur (...) Je crois à la coopération et au dialogue
constructifs entre l'Occident et l'Orient, basés sur le respect mutuel"
(Kjell Magne Bondevik, Le Monde, 20/05/03). Le problème c'est que les
dirigeants "huntingtonniens" de la première puissance mondiale, eux, ne
croient guère "à la coopération et au dialogue
constructifs entre l'Occident et l'Orient", ou alors ont une conception
très particulière de ces relations. Il reste que l'auteur des lignes
précitées, qui est Premier ministre de la Norvège, nous semble ici bien
plus
progressiste que certains gauchistes...
Quel monde peut-on espérer demain ? "Ce que l'avenir nous réserve, ce
n'est pas une civilisation universelle, mais un monde formé de
civilisations différentes dont chacune devra apprendre à coexister avec
les autres", soutient Huntington en conclusion de son article. Braudel
voit les choses autrement : "Vers 1750, le monde, avec ses multiples
civilisations, s'est engagé dans une série de bouleversements, de
catastrophes en chaîne (elles ne sont pas l'apanage de la seule
civilisation occidentale). Nous y sommes encore aujourd'hui. Cette
révolution, ces troubles répétés, repris, ce n'est pas seulement la
révolution industrielle, c'est aussi une révolution scientifique (mais
qui ne touche qu'aux sciences objectives, d'où un monde boiteux tant que
les sciences de l'homme n'auront pas trouvé leur vrai chemin
d'efficacité), une révolution biologique, enfin, aux causes multiples,
mais au résultat évident toujours le même : une inondation humaine comme
la planète n'en a jamais vue" (Ecrits sur l'histoire, op. Cit.) Cette
formidable mutation humaine se moque bien des "frontières
civilisationnelles". Aujourd'hui plus que jamais, il existe d'énormes
différences, non seulement entre les civilisations, mais encore à
l'intérieur de chaque civilisation, du fait des inégalités de
développement économiques. Il existe souvent, réciproquement, des points
communs entre certaines catégories d'individus appartenant à des
civilisations
différentes. Même si elles ont la vie dure (Braudel), les civilisations,
tout comme les empires, naissent vivent et disparaissent, bref, elles
changent et aujourd'hui à une vitesse plus rapide que jamais. Fourier,
déjà, était très pessimiste sur l'avenir de cette catégorie sociale :
"Quant à la civilisation dont nous allons sortir, je démontrerai que loin
d'être la destinée industrielle de l'homme, elle n'est qu'un fléau
passager dont la plupart des globes sont affligés durant leurs premiers
âges, qu'elle est pour le genre humain une maladie temporaire, comme est
la dentition pour l'enfance", (Théorie des quatre mouvements, discours
préliminaire, 1808). Mais ne jouons pas sur les mots, civilisations
universelle ou pas de civilisation du tout, le monde pour lequel nous
devons lutter doit être un monde dont le caractère "sans patrie ni
frontière" ne doit pas se résumer à un simple voeu pieux, une clause de
style abstraite, où la liberté de circulation ne sera pas limitée qu'aux
seules marchandises mais à tous les être humains, où le droit au retour
ne sera pas réservé qu'à un seul "peuple" mais à tous ceux qui désirent
revoir la terre d'où les différentes forme de nationalisme les ont
chassés. Pour se rapprocher ce but, ceux qui entendent rester fidèle à
notre vieille tradition socialiste dénoncent toutes les formes de
conflits interculturels pouvant exister
(inter-nationaux, inter-ethniques, etc) et participent à toutes les
luttes sociales émancipatrices. Solidaires des luttes de tous les
exploités contre ceux qui veulent remettre en cause leur existence, ils
doivent avant tout s'attacher à montrer qu'un autre monde possible car
aucune lutte sérieuse ne peut être entreprise sans un minimum de
perspectives dépassant le court terme, l'instant présent. Dans cette
optique, ils doivent absolument débattre de toutes les alternatives
foisonnant aujourd'hui et lutter contre la censure régnant à leur sujet.
Face à l'offensive néo-libérale ayant occasionné les conflits sociaux de
mai-juin 2003 en France, la gauche, radicale ou modérée, politique ou
syndicale, hormis ses mots d'ordre rituels (pouvant aller pour certains
jusqu'à la grève générale), avait bien peu de répondant. Le syndicat le
plus en pointe, ici, était FO qui exigeait 37,5 annuités (d'esclavage
salarié ?) pour tous. Face à l'impitoyable logique néo-libérale qui
organise un nivellement par le bas, l'absence de contre-projets radicaux
est flagrante ; pourtant, la prodigieuses force productive atteinte
aujourd'hui par l'humanité doit nous permettre de revendiquer des
conditions de vie décentes à tout point de vue et pour tous. Ne jalousons
pas les conducteurs de train, les parlementaires, les militaires...
Exigeons les mêmes avantages voire plus. "Tout retraité a droit à une
allocation en rapport avec les revenus qu'il a tiré de son activité",
dispose chichement l'article 2 du projet de loi de réforme des retraites
; mais nous devons aller résolument plus loin en soutenant que tout être
humain à droit à une existence décente, c'est-à-dire, durant l'âge
adulte, un revenu et un emploi décents, quelle que soit leur forme, mais
avant, des études décentes et après, une vieillesse décente. Mais ici, ce
sont toutes les formes d'appropriation sociale des facteurs de production
(y compris de la monnaie) qui sont en cause...
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