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(fr) Réflexions sur les mouvement social actuel

From Worker <a-infos-fr@ainfos.ca>
Date Sun, 22 Jun 2003 18:27:31 +0200 (CEST)


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[ texte tiré du site internet de Temps critiques :
http://membres.lycos.fr/tempscritiques/ ]


Temps Critiques
Retraites à vau-l'eau et vies par défaut, contre le capital : assaut !

Comme Jospin répondant au mouvement des chômeurs de fin 1997 début 1998
en disant que la société doit être fondée sur le travail et non pas sur
l'assistance [1], Raffarin, Fillon et le MEDEF nous disent aujourd'hui
qu'il faudra travailler plus puisque nous vivons plus longtemps. Comment
dire plus abruptement que le système de retraite n'est viable que tant
que les individus n'en profitent pas ou peu longtemps ? Et effectivement,
le système mis en place à l'orée des « Trente Glorieuses » fonctionnait
sur un parfait cynisme : en dehors de la fonction publique et de ses
régimes spéciaux, la retraite à 65 ans s'appliquait à des ouvriers (40 à
50% de la population active à l'époque) dont la durée de vie moyenne
s'arrêtait aux alentours de 60 ans ! Pour beaucoup, « la mort au travail
» était le seul mérite ouvrant paradoxalement au droit à la retraite [2].
La retraite devait se mériter par toute la peine du monde, même si la
lutte séculaire pour l'abaissement du temps de travail pouvait aussi
conduire à l'abaissement de l'âge de la retraite (passage à 60 ans en
1981). Mais aujourd'hui, dans le cadre de notre société vieillissante et
hédoniste, la retraite apparaît comme la chance d'une nouvelle vie et non
plus comme une récompense pour service rendu. La retraite désigne alors
l'espoir d'une vie au-delà du travail dit socialement nécessaire et
défendre la retraite revient à affirmer que le sens de notre existence ne
se réduit pas à ce travail : nous voulons justement la retraite pour ne
pas crever [3] au boulot. C'est un peu comme si la critique prolétarienne
du travail amorcée dans les grandes luttes de la fin des années 60-7O
mais déclinante à partir de la restructuration des rapports sociaux de la
fin des années 70-début 80, s'était repliée sur la défense des retraites
; comme si le temps de la retraite permettait de prendre de la distance
critique ‹ et donc de combattre, mais combattre par défaut puisqu'on est
devenu « inactif » ‹ vis à vis cette activité professionnelle que le
capital a attaquée non seulement en liquidant des masses de force de
travail mais aussi en épuisant la centralité du travail.

Dès lors, que nous dit le nouveau projet de réforme des retraites ? Qu'il
faudra travailler plus longtemps ou alors accepter une diminution des
pensions ou même, dans une version plus radicale : travailler davantage
pour une retraite moindre. Dans tous les cas, il s'agit de prendre acte
que le Progrès n'engendre plus forcément le progrès social [4]. Ce qui
est masqué par ce discours, c'est la crise du travail et le discours du
capital qui énonce que le travail est toujours au centre de la société
alors que dans la pratique il le détruit de plus en plus. C'est en effet
le même MEDEF qui pousse à la radicalisation de la réforme et qui exige à
la fois le passage aux 40 annuités de cotisation et le développement
effréné des systèmes de pré-retraite dans le secteur privé. Dans
certaines branches, de grosses entreprises envisagent d'abaisser jusqu'à
50 ans [5] l'âge de départ de leur personnel, non seulement parce
qu'elles ne veulent plus de la vieille force de travail, mais parce que
celle-ci est partout surnuméraire. Tous les partants ne seront pas
remplacés et le dégraissage se fera ainsi en douceur. Quand nous disons
surnuméraire, c'est bien entendu par rapport aux nécessités de la
valorisation qu'il faut le comprendre. Contrairement à ce que pensent
Attac et tous les tenants du social contre l'économie, le capital n'a pas
vocation à la philanthropie et quand il accorde des avantages, c'est
toujours dans le cadre d'un certain rapport de force et devant la
nécessité de reproduire les rapports sociaux qui l'engendrent. Si
aujourd'hui, le rapport de force est si défavorable aux travailleurs
salariés [6], ce n'est pas parce qu'une offensive des méchants
néo-libéraux aurait été lancée contre eux depuis l'ère Thatcher-Reagan,
mais parce qu'ils ne sont plus au centre du procès de valorisation. Si à
certains moments (1979 et début des années 80) et en certains endroits
(mines anglaises, sidérurgie française) cela a pu prendre l'allure du
combat de classes, c'est qu'il s'agissait encore de réduire les dernières
poches de résistance liées à l'ancien antagonisme de classe dans le
procès de production.

La production de « richesses » dépend de moins en moins d'un travail
vivant de plus en plus remplacé par le travail passé (le capital fixe :
les machines, et les flux informationnels) et la valorisation se réalise
toujours plus en dehors de la stricte sphère productive. C'est d'ailleurs
pour cette raison que des voix s'élèvent parfois pour faire cotiser les
machines quand elles remplacent le travail vivant. Ce n'est toutefois pas
une solution capitaliste puisque cela reviendrait à limiter le processus
de substitution capital/travail qui est à la base des gains de
productivité. Une telle perspective nécessiterait au minimum une
stabilisation du cycle actuel de croissance dans le sens d'un
accroissement de la taille des marchés, limitant la guerre économique
pour les parts de marché. Or nous sommes plutôt dans une phase
déflationniste qui produit l'effet inverse : la guerre de tous contre
tous [7].

Le travail a donc surtout, aujourd'hui, une valeur idéologique et
disciplinaire : les métiers sont détruits et les emplois se multiplient
quand même ! Si on entend par « travail humainement nécessaire », cette
partie de l'activité humaine, évidemment coordonnée, qui permet la vie de
l'espèce et son bien être, une fois un certain seuil technique atteint,
celle-ci n'occupe plus qu'une partie assez limitée du travail effectif
des individus, alors qu'on impose toujours plus de nouveaux types
d'emplois au rôle principalement bureaucratique ou social ou directement
répressif.

Alors qu'il existe déjà, au moins dans les pays dominants, tous les
présupposés matériels et intellectuels pour une vie riche et agréable, le
Pouvoir cherche à maintenir l'idéologie de la rareté et donc celle du
travail [8] pendant que le capital s'évertue à créer de nouveaux besoins
et à les transformer en produits, en emplois. Bien malin alors qui peut
déterminer quel travail est vraiment encore nécessaire et il devient donc
très facile de créer et détruire des emplois qui n'ont d'autres finalités
que de permettre la reproduction des rapports sociaux par le traitement
social du chômage et de « l'insécurité ». On en a un exemple concret avec
les « emplois-jeunes » qui ont partout été dénoncés à leur mise en place
comme de faux emplois et qui sont aujourd'hui défendus par ceux-là même
qui les critiquaient maintenant que l'État veut les supprimer. Il est
impossible de sortir de ce genre de dilemme et donc d'une défense de
principe de catégories artificiellement créées sans poser globalement la
question du travail et donc du sens des activités humaines.

A la production pour la production de la phase progressiste du
capitalisme (c'est le travail ou plus exactement la force de travail qui
produit la richesse) a succédé la reproduction pour la reproduction dans
laquelle c'est le sens même de l'activité qui se perd (c'est la richesse
à qui on demande de produire des emplois comme le laisse entendre la
ritournelle sur « l'entreprise citoyenne »). Alors à quoi rime ce théâtre
de marionnettes où s'affichent gouvernement et syndicats discutant avec
animation, mais méthode, pour savoir si 37,5 années sont suffisantes ou
bien si, finalement, il en faut au moins 40 et à terme 42, alors que tous
disent être d'accord sur la nécessité d'une réforme... dans ce cadre
absurde d'un travail imposé au contenu de plus en plus flou, évanescent,
voire insensé ?

Tous sont d'accord pour faire des efforts, à condition de les partager,
tous sont d'accord pour assainir une économie « malade » alors qu'il est
évident que la maladie est dans le système capitaliste lui-même. Comme à
l'époque de Juppé et de la réforme de la Sécurité Sociale en 1995, comme
en 2000 avec le dangereux provocateur Allègre, on nous ressort que c'est
un problème de communication, que certains syndicats se disent choqués
par la méthode, par les erreurs de Ferry car enfin, il y a manière et
manière. On demande de vraies négociations alors que la « nécessité » de
la réforme oblitère toute négociation en la transformant en de sinistres
comptes d'apothicaires quant aux conditions de notre survie. Pour ne
prendre qu'un exemple, quand les syndicats et le gouvernement discutent à
perte de vue pour savoir si on ne pourrait pas faire un petit quelque
chose pour ceux qui ont un travail dur et qui ont commencé à travailler à
14 ou 16 ans, on ne peut mieux exprimer combien l'extorsion de sueur et
d'intelligence a peu servi à l'édification d'un progrès social dont on
nous a pourtant rebattu les oreilles.

Il s'agit d'affirmer notre existence plutôt que leur retraite en échange
de toute une vie au travail et pour le capital. Et de l'affirmer
maintenant, à un moment où la crise du travail induit une altération du
modèle classique du salariat tel qu'on l'a connu dans les deux premiers
tiers du XXe siècle ; un salariat qui universalisait une certaine
condition sociale et unifiait, malgré les différences, la plus grande
partie des travailleurs (cf. l'image de la « forteresse ouvrière »). En
effet, aujourd'hui, il n'est plus que la structure externe d'un rapport
social qui a tendance à perdre sa substance. Les « plans sociaux »
succèdent aux « plans sociaux », mais le capital ne sait pas comment
occuper ses chômeurs et rêve de transformer les RMistes en RMastes ! Il
produit des individus dépossédés de tout, c'est-à-dire même de l'espoir
d'un travail et donc d'une retraite. Contre ce processus, il s'agit donc
d'affirmer une vie humaine qui n'est pas réductible à une
identification : au service public ou à une professionnalité comme ce fut
encore affirmé par les mouvements de 1986 et de 1995 (mais ce fut aussi
leur limite), ce qui ne veut pas dire que cette vie est désincarnée. Elle
est bien inscrite dans des rapports sociaux même si elle n'est plus
organisée uniquement à partir du travail mais aussi dans des activités
dont certaines échappent, encore, non seulement à la marchandisation des
activités, mais aussi à l'inscription dans les structures du système de
reproduction capitaliste : réseaux d'entraide, associations non
subventionnées, « lieux de vie » et d'alternatives diverses. Il ne s'agit
pas de les mythifier, mais de reconnaître leur existence et rôle dans la
désintégration des rapports sociaux capitalisés.

C'est paradoxalement ce que semble soulever l'appel à la grève générale
qui, cette fois, dépasse le cercle étroit des spécialistes et
propriétaires du slogan. Plus que la défense de quelque chose, par
exemple du service public, il manifeste la nécessité d'un blocage général
parce que la situation serait encore plus grave qu'en 1995. Et quand on
parle de blocage, il ne s'agit pas seulement d'une référence au blocage
de la production (plus personne n'y croit vraiment comme arme absolue et
encore moins comme possibilité, et surtout pas les travailleurs « à la
production » qui sont bien placés pour voir comment celle-ci s'est
transformée et en quoi elle leur échappe encore plus), mais d'un blocage
dans lequel chacun à sa place pourrait avoir un rôle, comme parent, comme
salarié, comme consommateur, comme retraité, etc. Il ne fait pas de doute
que certains mouvements de ces dernières années : unité
parents-enseignants-élèves dans les luttes scolaires depuis 1998, lutte
contre les OGM et la « malbouffe » et enfin mouvement
anti-globalisation, ont joué un rôle dans l'idée que cela ne pouvait plus
continuer ainsi, mais cela reste au niveau de l'idée et se situe en
dehors de toute perspective aussi bien pratique que théorique et
politique. Ainsi, on n'a pas entendu, dans les manifestations actuelles,
d'appel à convergence avec l'anti-G8 d'Evian, même à Lyon où pourtant se
réunissait un des principaux collectifs « altermondialisation » [9].

Pour que la grève générale ne soit pas qu'un simple slogan ou une soupape
de sécurité ponctuelle, il faut créer les conditions d'une lutte contre
la logique même de ce système ; une lutte qui mette en question tous ses
rapports constitutifs : travail/revenu, capital/travail,
travail/activité, social/politique, articulation local/national/mondial,
rapport à la nature [10].

Le mouvement n'en est pas encore là. Comme en 1995 il critique la
domination du « tout économique », mais visiblement, ce n'est plus que le
fait de la base, la direction de la CGT ayant rejoint pratiquement la
position sur la nécessité de la réforme [11]. Quant au niveau politique
il affleure par la bande. En effet, la particularité des élections de
2002 fait que si le pouvoir de Chirac garde une certaine légitimité,
encore renforcée par sa position sur l'Irak, son gouvernement n'en a
aucune car il paraît avoir volé la victoire à son chef. D'où la passe
d'armes entre manifestants scandant « le pouvoir est dans la rue » et le
Premier ministre venant rappeler que justement non, le pouvoir n'était
pas dans la rue, mais au parlement. Ce fait ne peut que désinhiber le
mouvement et l'inciter à ne pas rester sur la défensive, à exiger au
moins, de manière non négociable, le retour aux 37,5 annuités pour tous.

Mais tout cela reste gros de fausse conscience, même par rapport au
mouvement de 1995 qui exprimait un rapport contradictoire à l'État,
celui-ci étant à la fois garant du service public et incapable de
maintenir sa mission. Or, à travers sa position contre la
décentralisation, le mouvement actuel se montre encore plus dépendant de
l'État. Ressentant la
régionalisation comme une crise de l'État-nation républicain, le
mouvement, surtout enseignant, se bloque sur des symboles [12] qui ne
sont déjà plus des représentations adéquates d'une école qui n'est pas
celle des années 60/70, celle du passage de l'école de classe à l'école
de masse. Est-il pertinent d'avancer que la décentralisation contiendrait
un risque d'accroissement de l'inégalité sociale entre d'un côté une
dévalorisation de l'enseignement ouvrant vers une école à deux vitesses
avec un secteur public sacrifié où sévirait la garderie et de l'autre, le
fait que par la régionalisation l'école s'adapterait à l'entreprise ?
Cette hypothèse n'est pas recevable, ni d'un point de vue gestionnaire
(la première décentralisation des années 80, déjà critiquée sur cette
base avec la remise aux départements et régions de l'équipement et de
l'entretien des collèges et lycées n'aurait pas en elle-même accru les
inégalités) [13]; ni d'un point de vue politique : l'école reste un enjeu
politique, même pour un État-nation en crise ; ni d'un point de vue
économique : comme nous l'avons dit plus haut, il n'y a plus rien à
adapter à l'entreprise quand la force de travail est de plus en plus
inessentielle et que les qualifications individuelles s'effacent devant
une demande de
qualification sociale qui ne nécessite qu'un petit peu de « culture
commune » [14] et une formation sur le tas en deux jours. S'il se met
bien en place une certaine professionnalisation des cursus et des
diplômes, c'est bien plus d'une adaptation au consumérisme d'une partie
des étudiants dont il s'agit que d'une adaptation productiviste au marché
de l'emploi. Les formations hyper-spécialisées qui s'y développent sont
autant de trappes à chômage à moyen terme. Plus que d'une soumission au
joug des patrons, qui demandent toujours tout et son contraire, on a
affaire ici à une dévalorisation des formations quand leur contenu et
leur étendue se rétrécissent comme peau de chagrin.
Alors même que la crise de la politique vide l'État de tout contenu
stratégique face à une Europe des régions, ce rattachement à
l'État-Providence (dans tous les sens du terme) empêche le mouvement de
trouver son autonomie politique alors qu'il démontre pourtant une assez
grande capacité d'auto-organisation [15]. C'est comme si le mouvement
était paralysé devant la dynamique du capital, l'autonomisation des
institutions. Il se produit alors un double mouvement inverse : alors que
le capital se répand sur les chemins de l'autonomie (ancienne
revendication des étudiants en 68), le mouvement se rétracte sur l'État
en tant que pouvoir central, sur ce qu'il croit être encore le garant du
compromis social et de la démocratie.

La conséquence, c'est que le système peut être bloqué... sans qu'il soit
fondamentalement remis en cause. Le blocage n'est alors plus que
théorique quand, par exemple, les enseignants se lancent dans les
atermoiements habituels sur la question des examens et que les cheminots
reculent leur entrée dans la grève reconductible à l'après pont de
l'Ascension. Il ne s'agit toutefois pas de prôner un immédiatisme
démagogique comme on le voit fleurir actuellement sur le net avec des
propositions de mettre 15/20 à tous les candidats et de laisser passer
tous les élèves dans la classe
supérieure. Ce serait mettre la charrue avant les boeufs et imaginer
radicaliser des moyens de lutte dans un mouvement dont les buts restent
pour l'instant peu radicaux. La subversion de l'évaluation scolaire ne
peut être un simple moyen de notre action, sauf à instrumentaliser les
élèves et à entretenir des illusions. C'est l'évaluation elle-même qui
doit être mise en cause comme étant un élément de la valorisation. Car
derrière les notes, les « contrôles », les « diagnostics de capacités »
et « la gestion des performances cognitives des apprenants », il y a la
question plus générale de la valeur qui est le fondement de la dynamique
capitaliste.

Un mouvement qui cherche sa radicalité peut commencer à la trouver, par
exemple, en boycottant les examens et les concours comme le font les
étudiants et certains enseignants de Perpignan, de Toulouse et de Nice.
S'ils sont conséquents et que le mouvement s'amplifie et s'approfondit,
ils ne peuvent que se poser la question du bien fondé même des examens et
des concours. Il ne s'agira alors plus de défendre l'égalité formelle des
scolarisés, ni que les petites facs résistent aux grosses, mais de
remettre en cause tout un système.

La seule stratégie qui peut dépasser les divergences d'intérêt immédiat,
c'est celle qui permet de développer un mouvement qui, en
s'approfondissant, montre à tous que cela vaut le coup de s'y mouiller
après n'avoir fait que s'y plonger ou le regarder avec sympathie. C'est
aussi comme cela qu'on peut éviter le piège de la gestion au cas par cas
mise en place par l'État. Celle-ci vise à découper en tranche les
salariés du public. Elle isole tout d'abord la fonction publique des
entreprises publiques à statut spécial, puis elle isole les enseignants,
les plus nombreux, du reste des fonctionnaires en les faisant se
précipiter sur le chiffon rouge de la décentralisation. Il suffit alors de
céder là-dessus pour espérer faire passer l'essentiel, c'est-à-dire la
réforme des retraites puisque la catégorie momentanément en pointe de la
lutte devrait ainsi rentrer dans le rang et la menace d'un boycott des
examens s'évanouir. C'est le scénario prévu, mais ce qui se passera
réellement dépend de nous tous.
Quand le mouvement est suffisamment global et fort, plus personne ne
parle de prise d'otages et de conscience professionnelle ! Pour cela, il
faut effectivement aller à l'épreuve de force, mais pas pour défendre ce
qui existe : ce n'est pas parce qu'on est contre leur décentralisation
qu'on doit être pour « notre » centralisation, ce n'est pas parce que
l'on est contre leur 40 ans que l'on est pour « nos » 37,5Š et des
millions de chômeursŠ

1er juin 2003


NOTES


[1] En réponse à la revendication d'un revenu garanti avancée par
certaines organisations de chômeurs.

[2] C'est d'ailleurs par conscience de cette entourloupe que la mise en
place des assurances sociales qui précédèrent le système de Sécurité
Sociale rencontra une sourde méfiance de la part de la classe ouvrière
avant que les syndicats ne s'y rallient.

[3] Ce terme est à prendre au sens large et ne réfère pas uniquement aux
accidents du travail et maladies professionnelles dûment répertoriées.

[4] Malgré le cynisme dont nous avons parlé plus haut, c'est ce que
présupposait le compromis de classes passé pendant la période des «
Trente glorieuses » et ce qui a été appelé le « mode de régulation
fordiste » de la contradiction capital/travail.

[5] Hewlett-Packard France vient de l'accorder à 53 ans à des conditions
exceptionnellement bonnes et de nombreuses grandes entreprises de
l'informatique et de la banque ou des assurances souhaitent étendre cette
pratique.

[6] Si nous ne nous référons plus à la « classe du travail », c'est
qu'elle a perdu à la fois sa dimension objective de classe productive
(désormais tout est productif pour le capital) et sa dimension subjective
de classe porteuse de conscience antagonique. Cette évolution apparaît,
entre autres, dans le fait que le salarié du secteur public longtemps
considéré comme un représentant des classes moyennes ou plus
prosaïquement comme un nanti, représente, en fait, l'une des dernières
figures du salarié de type fordiste avec ceux des très grandes
entreprises privées ; c'est-à-dire des salariés qui bénéficiaient d'un
statut et de droits garantis dans le cadre de l'intégration de la classe
du travail dans la société du capital, dans une phase où la force de
travail n'était pas encore devenue inessentielle à la valorisation. C'est
à ce titre qu'il cherche à maintenir, si ce n'est le fil rouge de la
guerre de classe, du moins celui de la défense des acquis de la lutte des
classes. Il est donc secondaire et même faux d'insister sur le caractère
inter-classiste du mouvement actuel ou de chercher à opposer des
fonctionnaires aux ouvriers productifs comme si les premiers ne faisaient
que profiter des luttes passées et que jouir de la production actuelle de
richesse réalisée par les seconds.

[7] Cette phase déflationniste se caractérise par une baisse de tous les
indicateurs macoéconomiques et particulièrement de la « demande globale »
composée de la consommation des entreprises (l'investissement) et de la
consommation des ménages.

[8] Le travail n'est évidemment pas qu'une idéologie, mais en dehors du
fait qu'il peut parfois apparaître comme une « malédiction », nous
préférons mettre l'accent sur le fait qu'il est une contradiction, celle
d'une activité humaine qui s'est exprimée historiquement sous la forme :
1) d'une séparation entre l'activité travail et le reste des activités,
avec tout ce qui en découle du point de vue de l'organisation des
rapports sociaux (séparation travail/temps libre, séparation vie
active/retraite) ; une division du travail grosse de la domination de
groupes puis de classes sur d'autres ; une forme d'exploitation
spécifique à chaque phase historique (esclavage, servage, salariat).

[9] Toutefois, à la dernière AG de mai à la Bourse du travail de Lyon, il
y a eu des propositions pour aller collectivement, entre grévistes... et
à prix gréviste, rejoindre les manifestants anti-G8. Tout récemment, à
l'initiative des directions des organisations syndicales et des
associations, la jonction avec le mouvement contre la réforme des
retraites a été débattue dans les AG des villages anti-G8 d'Annemasse. Il
est globalement apparu que cette jonction n'était pas véritablement
ressentie comme décisive par les participants au motif que l'es objectifs
de cette lutte se seraient pas assez « généraux », ne concerneraient pas
toute « l'humanité ». Mais sans percevoir que cette exigence
d'universalité tourne bien court lorsque la majorité des «
altermondialistes » acceptent finalement l'essentiel de la capitalisation
du monde saufŠ lorsqu'elle est conduite par le « libéralisme » !...

[10] Cela doit permettre d'éviter aussi bien les « solutions » partielles
(le revenu garanti ou d'existence) que les attaques radicales mal
centrées (« La retraite on s'en fout, ce qu'on veut c'est ne plus bosser
du tout »)

[11] La CGT, peut être pour céder à la mode de l'équité, sûrement par
souci de ne pas heurter ses gros bataillons du privé, est d'accord sur un
allongement des cotisations du public aux 40 ansŠ à condition que les
retraites soient revalorisées. Décidément l'idéologie du travail est
quelque chose de bien partagé ! Quant au jeune premier du mouvement
cheminot de 1995, B. Thibault, il fréquente aujourd'hui les coulisses du
congrès du PS, signifiant par-là à quel point son syndicat est prisonnier
de sa nouvelle stratégie de recentrage : pour se distinguer de la CFDT,
il ne peut que pousser à la grève, même si c'est du bout des lèvres, dans
des secteurs essentiels à la reproduction comme La Poste ou la SNCF ;
mais pour remplacer une CFDT déconsidérée comme interlocuteur privilégié
de l'État et du patronat, il ne peut réellement envisager d'aller au bout
de l'épreuve de force.

[12] Le ministère de l'Éducation Nationale devenant ministère de
l'Éducation semble être la guêpe qui a piqué certains enseignants. Au
début de son septennat, Giscard d'Estaing avait déjà réalisé l'opération,
sans réaction à l'époque.

[13] Cf. l'article de Cl. Thélot dans Le Monde du 28/05/2003.

[14] A ce sujet, le modèle est américain. Aux USA, le capital ne produit
plus ni sa force de travail de base (il la jette en prison), ni son élite
qu'il fait venir de l'étranger sans être obligé d'en assumer le coût de
formation. Ce système, parfaitement cynique, n'est pour le moment pas
exportable en France tant que l'enjeu de l'école, comme d'ailleurs celui
de tout le secteur de la reproduction (santé, transports, communications)
y reste politique.

[15] C'est net dans l'éducation où, le mouvement, fort de son expérience
des luttes de Seine St-Denis en 1998 et contre Allègre en 2000,
court-circuite quelque peu les syndicats par les réseaux de coordination
et d'information qui débattent en A.G. et sur internet des modalités de
la lutte.




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