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(fr) Anti-G8 - des blacks et pinks blocs témoignent et revendiquent

From blacketpink@no-log.org
Date Thu, 5 Jun 2003 03:34:16 +0200 (CEST)


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A G E N C E D E P R E S S E A - I N F O S
http://www.ainfos.ca/
http://ainfos.ca/index24.html
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Manifs anti-G8 à lausanne : face aux mensonges médiatiques, des blacks &
pinks témoignent et revendiquent

Ce communiqué a été réalisé par un-e participante au pink bloc et un-e
participant-e au black bloc, blocs formés le dimanche 1ier juin 2003 à
Lausanne, dans le but de perturber le sommet du G 8 et ses complices.

Attention ! Ce communiqué n'a valeur que de témoignage individuel et
subjectif et ne devrait en aucun cas être pris comme une parole
collective ou un communiqué du pink and silver bloc ou du black bloc. Il
s'emploie notamment à dénoncer un certain nombre de mensonges hystériques
des médias et des leaders de la gauche réformiste, ainsi qu'à expliquer
les actions menées à Lausanne en les contextualisant et en redonnant les
objectifs politiques. Il ne devrait être pris comme une relation exacte
et objectif des faits, mais s'efforce dans la mesure du possible de
recouper et vérifier différents témoignages individuels.

Le contexte :

Lausanne était avec Genève et Anemasse un des trois points clefs de
blocage et de perturbation du G8 : une partie des délégations de divers
pays et personnels techniques y étaient logés. D'aut re par, le parcours
entre Genève et Evian par Annemasse devait être massivement bloqué par
les manifs et il avait donc été décidé d'acheminer un grand nombre des
délégués de Genève à Lausanne par la route jusqu'au port d'embarquement
d'Ouchy, pointe sud de Lausanne, depuis lequel ils seraient ensuite
acheminés en bateau jusqu'à Evian en traversant le lac Leman. Pour ce
faire, l'a utoroute entre Genève et Lausanne devait être fermée et n'être
utilisée que pour des convois spéciaux et escortés de policiers. La zone
sud d'Annemasse bordant Ouchy avait été déclarée zone rouge, barricadée
et protégée. Les délégations pouvaient arriver de Genève, et de Lausanne
à Ouchy par seulement quelques voies d'accès, en passant soit par
l'ouest, soit par le centre, soit p ar l'est de la ville.

Suite aux initiatives des militant-e-s anti-G8 lausannaisEs, deux camps
avait été mis en place. L'un, la bourdonette, installé par les autorités,
l'autre, le "oulala c'village", un projet ant icapitaliste et
antipatriarcal squatté et autogéré sur les plages du lac, avec des
structures médicales, indymedia, un espace queer et de la musique. Des
actions et manifestations avaient déjà eu lieu tout au long de la semaine
précédant l'ouverture du sommet du G8 ainsi que des ateliers de
simulation de manifestation, orientés autour des tactiques de blocages
non-violents. Contrairement aux manifestations organisées par la gauche
institutionelle à Lausanne et réduites à une contestation purement
informative et
symbolique du G8, les manifestations illégales de bloquage prévues pour
le matin s'étaient données en commun des objectifs concrets de
perturbation maximale du G8 :
- bloquer ou retarder par des tactiques diverses l'arrivée des
délégation et personnels techniques à Evian,
- obliger les délégué-es du G8 à faire face directement à la
contestation, - continuer le travail de sensibilisation et de dialogue
avec la population.

Avec pour une partie des manifestant-e-s, un objectif secondaire :

- se réapproprier, détourner ou saboter des enseignes, bureaux,
symboles, bâtiments, hotels, commerces liés à l'organisation du G8 ou
représentants les intérêts des Etats, banques et multinat ionales qui se
cachent derrière le G8 et dévastent le monde et la vie de celles et ceux
qui l'habitent. Ceci dans le but de créer un pression politique et
économique directe et de déconstruir e collectivement les structures de
domination et de contrôle.

A Lausanne, il avait été décidé pour ce faire d'utiliser une diversité de
tactiques de blocages et d'action et d'avoir différents blocs répartis
sur les différentes artères clés de la ville. Ces tactiques devaient être
complémentaires, se coordonner au mieux et déjouer la répression en
agissant en plusieurs points en même temps.

Il y avait notamment :

- un pink and silver bloc (bloc rose et argent) : cette tactique est née
lors sommet du FMI et de la Banque Mondiale à Prague, où elle avait connu
un grand succès et permis à une partie des ma nifestant-e-s d'arriver
jusqu'au centre de congrès. Elle a été réutilisée dans un grand nombre de
manifestations et actions directes depuis, et se base sur une résistance
festive, rythmée et colorée. Elle vise à promouvoir le queer (dépassement
des genres sociaux masculin et féminins et de l'oppression patriarcale)
et le travestissement. Elle recherche et intègre une diversité de modes
d'action au sein même du cortège, mais essaie souvent de détourner et de
saboter avec humour et élégance les armes du système et ces modes
d'oppression. Elle cherche à dépasser les fau sses limites entre violence
et non-violence. Elle se veut offensive, mais dans des rapports de force
souvent inégalitaires, ne court pas systématiquement la confrontation
directe et la montée en pression. Elle viserait plutôt à neutraliser les
forces policières par des stratégies d'évitement et de mouvements
constants. Le pink bloc se retrouve dans le slogan "si je ne peux pas da
nser, ce n'est pas ma révolution" et crée souvent à son passage une
atmosphère conviviale et énergique aussi bien pour les manifestant-e-s
que pour les passant-e-s. Le pink bloc n'a pas de le ader ni de
représentant-e-s mais se base sur un ensemble de groupes affinitaires :
samba, créateur-euses de barricades, danseur-euses, détourneur-euses de
mobilier urbain, équipe légale, médic ale, équipe de médias indépendants.
Ces groupes affinitaires étant des petits groupes de personnes qui se
connaissent mutuellement, se font confiance et se donnent des objectifs
particuliers d'actions et des techniques de prote ction du groupe face à
la police. Ils avaient prévu au sein du cortège de communiquer et de se
coordonner par divers moyens : signes, drapeaux, réunions de délégué-e-s
des groupes afinitaires dit "spokes council", musique. Ces signes sont
conventionnels à chaque manif et leur évolution est constante. Chaque
groupe peut décider à n'importe quel moment de s'autonomiser du bloc.

- un black bloc (bloc noir), constitué de personnes masquées et
habillées en noir pour empêcher l'identification et la répression
policière. Il se base sur des tactiques offensives de blocage ,
barricades, enfoncement des cordons policiers et création de dommages
économiques. Il recherche parfois pour parvenir à ces objectifs ou pour
se défendre la confrontation avec la police, ma is ne s'attaque en dehors
de cela qu'aux biens
matériels et pas aux personnes, ni à leur maisons d'ailleurs. Comme le
pink bloc, il est constitué de petits groupes affinitaires, autonomes et
solidaires, sans "chef" ni "meneurs". Cette tactique s'est vue pratiquée
traditionellement par une partie des groupes autonomes et antifas
allemands, et s'est vue redynamisée par des groupes anarchistes lors du
contre-sommets de Seattle ou elle a très fortement contribué, en
parallèle aux blocages non-violent, à empêcher l'ouverture du sommet. On
la retrouve depuis un peu partout en Europe.

- un bloc "critical mass" (masse critique), cortège cycliste, issu des
manifestations pro-cyclistes, anti-pétrole et anti-voiture. Il permet de
bloquer ou ralentir la circulation, en regroupa nt un grand nombre de
personnes à vélo ou d'autres moyens de locomotion non-polluants et en
prenant toute la largeur de la route. Lors des manifestations massives
contre le centre financier d e londres, le 18 juin 1999, une critical
mass avait activement paralysé la circulation.

- différents projets de blocages "non-violents" par petits groupes :
escalades, enchaînement à des blocs de béton sur l'autoroute, sit-in,
traversée du lac en radeaux auto-construits pour atte indre Evian...

L'organisation de ces actions et leur coordination se passaient notamment
par des assemblées permettant à tout-e un-e chacun-e de s'intégrer et de
s'impliquer dans la réflexion stratégique large. Au delà de cette
structure globale décidée de manière ouverte et collective, nous étions
bien-sûr dans un cadre fortement écouté et surveillé par la police, et un
certain nombre de grou pes affinitaires devaient garder leurs objectifs
concrêts secrets afin de se donner une meilleure chance de réussite. A
Lausanne semblait présider la volonté de casser les fausses frontières
imposées par les médias et partis de gauche entre violence et
non-violence, et d'obtenir une grande diversité d'actions dans un respect
solidaire des choix de chacun-e. Par ailleurs, il s'agi ssait clairement
de cortèges d'action directe, agissant indépendamment des grandes marches
citoyennes.

Récit des évènements :

Le dimanche 1ier juin, jour de l'ouverture du sommet, à 6h30 du matin et
donc avant l'arrivée des premières délégations, environ deux milles
personnes se sont d'abord rejointes à l'ouest de la ville, près du camp
de la bourdonnette, avec en tête de cortège, le pink bloc, puis le black
bloc. Après un début de marche commune, les deux blocs se sont séparés au
rond point d'une des a rrivées de l'autoroute de Genève sur Lausanne. Le
pink bloc (environ 1500 personnes) a alors continué sur la ville au son
de la samba en longeant les zone jaunes et rouges, pendant que le bla c
bloc (environ 500 personnes) bloquait ce rond point en faisant tomber un
arbre sur la route à l'aide de tronçonneuses, en démontant des palissades
en métal et barrières de sécurité de l'aut oroute et en enflammant des
barricades.

Le pink bloc s'était donné comme objectif complémentaire de bloquer les
artères Est de la ville menant à l'embarcadère d'Ouchy. Le long de la
zone rouge, les forces de police étaient encore a ssez peu nombreuses et
semblaient prises au dépourvu et désorientées par cette offensive
matinale et décentralisée. Si bien que de manière presque inespérée, il
nous fut facile de rejoindre et de bloquer une des principales voies
d'accès à Ouchy, ou quelques minutes encore auparavant, passaient des
délégations. Le blocage dura un moment et comme à chaque artère le long
de notre r oute, des barricades furent érigées par des manifestant-e-s.
Répondant aux tentatives de passage à travers un cordon défendant la zone
jaune, la police envoya de premiers jets d'eau. Apprenant que le black
bloc était repoussé en direction du pink bloc par la police et souhaitant
garder une certaine autonomie entre les deux groupes, le cortège se remit
en
mouvement pour laisser éventuellement ce carrefour aux prochains. Le but
était alors d'atteindre la dernière grande artère d'arrivée possible pour
les délégations du G8, à l'est de la ville.

A divers moments dans le pink bloc, de rapides réunions de porte-paroles
des groupes affinitaires pouvaient être provoquées par n'importe quel
groupe et permettaient de prendre des décisions rapides et collectives
sur la marche à suivre.

Sur le parcours, des signes amicaux étaient faits aux personnes pendues à
leur balcon à cette heure matinale et restées à Lausanne malgré la
psychose orchestrée par les médias. Des tracts réa lisés et distribués
auparavant à Lausanne s'étaient attachés à dénoncer les mythes sur la
violence des manifestant-e-s et à expliquer que les éventuelles
destructions étaient ciblées sur des structures capitalistes et
politiques et ne visaient ni elles et eux, ni leur maisons.

Toujours aussi peu nombreuses, les forces de police, qui se confrontaient
plus en arrière avec le black bloc, commencèrent plusieurs fois à former
des débuts de cordons pour bloquer le passag e du pink bloc, mais
reculèrent finalement à chaque fois à l'arrivée du cortège. Pendant ce
temps, la critical mass semblait bloquer avec succès d'autres voies de
circulation. D'autre part, bien en amont sur l'autoroute, un groupe d'une
trentaine de personnes s'étaient en chaînées tandis qu'un autre bloquait
un pont avec deux personnes ayant passé une corde sur le pont et s'étant
pendues en rappel de l'un et l'autre coté de la route. Une technique
utilisée déj à plusieurs fois avec succès en Angleterre et qui peut
exiger quelques heure de la police pour dégager la voie sans tuer les
grimpeur-euses.

Finalement, le pink bloc atteignit le croisement avec l'autoroute Est où
cette fois un dispositif policier beaucoup plus important entravait le
passage avec des canons à eau, camions militair es, fusils à gaz
lacrymogènes et à balle en caoutchouc pointés. La samba continua à jouer
face à la police. Mais la tension finit par monter et la police à
généreusement asperger le cortège d e grenades lacrymogènes. Divers
chemins de retraite furent alors pris à travers bois et le long d'une
rivière par certains groupes. Au final, tout le monde se retrouva pour un
nouveau blocage de carrefour un peu plus haut, alors qu'une partie du
black bloc était pris en sandwich par deux cordons de policiers qui se
rapprochaient et gazaient au fur et à mesure. Il fut alors décidé d'aller
leur porter secours. Au final, les deux blocs finirent par se retrouver.

Le black bloc, après avoir barricadé le premier rond point, avait décidé
de bouger. Sur son parcours, un magasin Adidas, un concessionaire
Alfa-romeo, 2 stations Shell et une station BP furen t cassés. Certaines
stations-essence contenant de l'alimentation furent pillées, ainsi qu'un
Migros (chaîne de supermarchés suisse). A chaque fois, les produits et
aliments furent redistribué s à la population aux balcons et entre les
manifestant-e-s, ou utilisés comme projectiles quand le contexte s'y
prêtait. Les vitrines d'une boucherie furent aussi cassées et une
inscription " go vegan" ("devenez végétalien") et "meat is murder" ("la
viande est un meurtre") peintes. Une roulotte de chantier fut poussée et
retournée en travers de la route pour barrer une voie d'accès. Les
panneaux publicitaires et caméras de videosurveillance furent détruits ou
utilisés pour faire des barricades. De nombreux slogans politiques furent
peints sur les murs. L'hôtel de luxe "royal savoie" où étaient logées des
délégations fut attaqué avec des fusées de détresse et des caillous. Des
robocops finirent par arriver sur les lieux et jeter des lacrymos et
reçurent quelques pavés en retour. Une voiture diplomatique fut cassée.
Plusieurs chantiers furent pillés, du matériel récupéré tout le long du
parcours et poussé dans de grands container s, une rue dépavée au pied de
biche et les pavés disposés dans les containers et caddies. Une barricade
enflammée géante à base de palissades de chantier fut érigée et gardée
pendant un bon moment au carrefour d'accès à Ouchy. Au moins une personne
se hissa en haut d'un trépied de plusieurs mètres érigés par les
manifestant-es et destinés à bloquer la circulation.
Il est à noter que tout au long de la manifestation, ce bloc ne chercha
pratiquement pas la confrontation directe avec la police, ni même à
répondre aux charges et jets de lacrymos, mais resta beaucoup plus dans
une logique de mouvement. Le black bloc finit par être pris en sandwich
sur une route, mais parvint à s'échapper par des chemins de traverse et à
rejoindre le pink bloc qui tentait de le secourir.

A ce moment-là, des communications avec les blocages de Genève et
Annemasse semblèrent confirmer que le sommet et l'arrivée de pluisieurs
délégations, dont la délégation américaine et des groupes de
traducteur-euses avaient été rétardés. Il était alors environ dix heures
trente, nous avions réussi à longer toute la zone d'accès à Ouchy et
l'entousiasme général était à son comble.

Il est évidemment difficile de mesurer l'impact réel des blocages dans un
contexte chaotique où les autorités s'étaient fait un point d'honneur à
ne pas avouer une certaine impuissance et à ne laisser filtrer aucune
perturbation. Néanmoins, il semble très vraisemblable qu'à Lausanne,
l'impossibilité de sécuriser la zone d'accès à Ouchy, les différents
types de blocages, barricade s et les mouvements constants des blocs
rendirent pendant quelques heures très difficile le passage des
délégations. Ceci semble avoir été confirmée par les personnes branchées
sur les ondes radios de la police.

Au final, avec une coordination sur trois villes et d'autres blocages
réussis à Genève et Anemasse, ces actions furent un beau pied de nez à un
dispositif de sécurité policière que les organisateurs du G8 et l'Etat
suisse voulaient infaillibles -- même si les médias préférèrent
évidemment ne pas en parler et focaliser l'attention publique ailleurs en
racontant n'importe quoi sur les soit-disant "casseurs".

Dès lors, à Lausanne, la police s'employa constamment à repousser à
l'extérieur de la ville le pink et le black bloc en gazant
systématiquement et en bloquant les autres artères. Le dispositif
policier reconduisant le cortège était alors impressionant avec un grand
nombre de camions et canons à eau, des policiers anti-émeutes allemand
venus en renfort, et des troupes des divers cantons suisses. Le nombre de
policiers était plus important que le nombre de manifestant-e-s. Une
dernière tentative de se lancer sur l'autoroute fut faite mais repousée.
Il était alors aussi beaucoup plus difficile de se concerter et de
prendre des décision en grand cortège. Au fur et à mesure, des groupes
s'étaient dispersés ou esquivés à divers points, mais une partie du
cortège finit par parvenir au campement de la bourdonette qui fut peu à
peu encerclé par le s forces de police. Face à cette menace, les 400
personnes présentes se réunirent en cercle, s'assirent et décidèrent
qu'au vu du rapport de force, ils et elles ne pouvaient plus faire grand
chose à part résister solidairement et sans provoquer de déchaînement de
violence de la part de la police. Entouré-e-s par un cordon policier dans
un espace restreint, le chef local de la police essaya de diviser les
manifestant-e-s en demandant des responsables, puis en disant que soit
les gens a cceptaient de venir un par un donner leurs papiers, soit ils
venaient tous nous arrêter. Tout ceci lui fut énergiquement refusé par la
foule qui essaya de gagner du temps en traduisant tout en 4 langues, en
posant un tas de questions bidons et en demandant l'arrivée
d'observateurs neutres. Au final, plein de journalistes officiels et
indépendants arrivèrent, ainsi que des observateurs agréés et l'équipe
légale. Les flics ne pouvaient plus faire n'importe quoi et étaient
observés et photographiés sous tous les angles. Au bout d'une heure en
plein soleil, les arrestations progressives commencèrent et durèrent
environ cinq heures. Tout le monde se tenait, huait la police, lui
crachait au visage et de nombreuses personnes s'accrochèrent, se firent
traîner et résistèrent au mieux si bien que le rythme des arrestations
était extrêmement lent et fastidieux. Pendant ce temps, la police avait
interdit la manif officielle qui devait se dérouler l'après-midi, mais
les gens se réunirent malgré tout au centre-ville. Et une foule de
plusieurs milliers personnes décida de braver l'arrestation vers 16h.

Au bout de cinq heures interminables, l'extraordinaire bonne humeur,
solidarité et détermination des personnes encerclées à la bourdonette
finit par payer et la police empêtrée dans des problèmes logistiques, et
après avoir réussi néanmoins à embarquer une centaine de personnes,
abandonna et se retira -- sous les cris de joie des restant-e-s. Il
semblerait d'une part que la police n'ait pas le droit de détenir plus
d'un certain nombre d'heures des personnes sans pouvoir contrôler leurs
papiers, et d'autre part que l'arrivée du cortège du centre-ville à la
bourdonette ait hâté leur départ.

Vers minuit, la grosse majorité des interpellé-e-s étaient relâché-e-s
sans suite, à l'exception d'une dizaine de personnes. D'autre part,
l'intervention policière sur le pont d'autoroute bloqué par les deux
personnes en rappel faillit se solder par deux meurtres puisque malgré
les avertissements des autres militant-e-s présent-e-s sur le pont, un
policier vint couper la corde et provoquer la chute de vingt mètres d'une
des personnes suspendues, tandis que le brin de corde de l'autre était
retenu de justesse. Par un coup de chance miraculeux, il semblerait ce
militant n'ait que deux jambes et des vertèbres cassées et ne souffre pas
de paralysie.

Dès le lendemain, les médias et politicien-ne-s déversèrent leurs
habituels mensonges et s'employèrent à créer des mythes sur ces
manifestations et les "casseurs". Mythes qu'il s'agit encore une fois de
démonter.

- dans des manifestations comme celle de Lausanne, les soit-disant
"casseurs" n'étaient cas des gens infiltrés dans la manif cherchant à la
détourner de ses but initiaux, mais un cortège auto nome menant ses
propres actions en les coordonnant au mieux avec les autres blocages.

- comme à Prague lors des manifestations contre le sommet du FMI et de
la Banque Mondiale, la stratégie adoptée visait à autonomiser les blocs
afin que chacun puisse explorer au maximum l'imp act de ses tactiques
sans gêner ou contrecarrer les autres.

- les black-blocs et les pink blocs sont principalement issus de
mouvements anarchistes ou autonomes, autogestionnaires et
anticapitalistes. Il peut arriver, comme dans n'importe quelle manif s,
que des policiers tentent de s'introduire dans le black bloc ou de se
camoufler en black blocs, mais les actions qu'ils réalisent sont alors
clairement des pièges, des provocations ou de l a casse sans objectifs
qu'il est possible de déjouer avec un peu de discernement. Comme
n'importe quel cortège, le black bloc peut être rejoint par des personnes
moins réfléchies que d'autres dans leurs objectifs et leurs pratiques, ou
se livrant à des actes dangereux ou stupides. Cette réflexion ne peut
s'acquérir qu'au moyen de débats et pratiques collectives renouvelées,
pas p ar la diabolisation de certaines tactiques et franges du mouvement.

- la participation à un bloc pink ou black, le blocage d'un sommet ou la
création de dommages économiques ne sont que des actes militants bien
particuliers dans la vie de personnes souvent au ssi impliquées
constamment dans des projets locaux visant à la réappropriation et à
l'autonomie culturelle, alimentaire, médiatique ou énergétique à travers
des collectifs, des campagnes d'ac tions ou des espaces de vie ou
d'activités autogérés. Leur stratégie n'est en aucun cas seulement
confrontationnelle mais passe en bonne partie par des débats et
diffusions d'idées sur des lu ttes extrêmement variées mais reliées. Ces
luttes peuvent concerner aussi bien le patriarcat, la liberté de
circulation et les luttes au coté des sans-papiers, que l'écologie
radicale, l'ant ispécisme, la solidarité nord/sud, la propriété
intellectuelle, l'usage de logiciels libres, la création de médias
indépendants et de maisons d'édition, les alternatives à la psychiatrie,
à l 'éducation autoritaire ou l'agriculture industrielle... Il s'agit,
pour beaucoup, de personnes qui s'emploient généralement à déjouer les
rapport de domination et la violence du système au qu otidien.

- ces personnes se coordonnent et échangent par des moyens multiples,
mais évidemment moins visibles que les grandes organisations réformistes.
Cette discrétion tient pour partie au refus de se doter de leaders, de
héros ou de martyrs, à la volonté de privilégier des modes
d'organisations égalitaires et l'autonomie d'invidus et de collectivités
réduites, plutôt que de viser des m ouvements de masse et de moutons
menés par des élites. Cette discrétion tient aussi à la répression de
l'Etat qui menace
constamment l'existence de ces groupes, ainsi qu'à la méfiance vis à v is
des médias traditionnels qui de toutes façons les censurent. A part s'ils
peuvent espérer hausser leurs chiffres d'affaires à coup de vitrines
cassées et en parodiant leur existence et leu r discours...

- s'attaquer aux biens privés n'est en aucun cas de la violence gratuite
mais une tactique politique réfléchie. Ne pas se laisser faire par la
police et répondre à ses attaques l'est aussi. Le black bloc ne s'attaque
pas aux personnes.

- quand bien même on juge qu'ériger une barricade, détruire un objet ou
un bâtiment est violent, cette violence n'est en rien comparable avec les
violences qui se cachent derrière ces objets et bâtiment : la violence
inouïe imposée chaque jour à des milliards de femmes, d'hommes ou
d'animaux sur la planète par les institutions financières, étatiques et
les entreprises capitalistes. Cette violence est par ailleurs dérisoire
face à la violence exercée par la police sur les manifestant-e-s
("pacifistes" ou non) et quotidiennement sur certaines franges de la
population.

- cette condamnation de la "violence" des casseur-euses est généralement
propagée et entretenue, par des personnes privilégiées ayant accès à un
niveau de consommation totalement dépendant de l'exploitation du reste du
monde. Un niveau de consommation qu'elles ne sont abolument pas prêtes à
remettre en cause, encore moins à voir quoi que ce soit venir perturber
leur quotidien.

- nous avons aussi toutes et tous à divers niveaux intégré cette
domination : la paranoïa sécuritaire, l'addiction à la consommation,
l'aliénation par le travail, les structures hiérarchiques et diverses
formes d'oppression raciste, sexiste ou homophobe. Nous nous voyons bien
souvent incapables de remettre en cause réellement cet ordre coercitif et
fondamentalement inégalitaire qu e l'on nous présente comme une
démocratie. Même la gauche alter-mondialiste ou plutôt ses
représentant-e-s auto-proclamé-e-s fait mine de croire que de grand
spectacles inoffensifs et récupér és par le pouvoir feront autre chose
que de le renforcer.

- même si le changement social passe sans nul doute en grande partie par
des prises de conscience, des débats, des constructions d'alternatives à
l'Etat et au capitalisme, il passe aussi par l'entretien d'un rapport de
force constant : grèves, occupations, réappropriations, sabotages et
créations de structures autonomes. Pas en laissant croire que ceux qui
dominent le monde sont à l'écoute et vont renoncer au pouvoir et à ses
privilèges simplement parce qu'on les implore de le faire.

Face aux discours citoyennistes d'Attac, des trotskistes et de toute la
gauche institutionelle qui s'est depuis quelques années largement emparée
de la dynamique des contre-sommets et l'a déj à fortement neutralisé, il
est temps de rétablir quelques vérités :

- c'est bel et bien parce que des gens ont mené des actions offensives
et entrainé d'importants dommages financiers et politiques que des
sommets ont été bloqués, fuient et se barricadent, ou que plus une ville
ne veux les acceuillir, et non pas grâce à de grand étalages
d'organisation politiques, à une débauche de marches pacifistes et de
conférences de presse. Même si le travai l d'information est encore une
fois extrêment important et complémentaire des autres actions
réalisées...

- ces actions, des blocages de toutes sortes aux destructions ciblées,
ont pendant quelques années déjoué les dispositifs policiers, ont été
créatives et efficaces. C'est pour ces raisons qu' elles ont pu mobiliser
les pratiques et l'imaginaire de centaines de milliers de personnes et
qu'elles ont pu s'imposer comme une force politique majeuret, comme un
mouvement. Ce mouvement s' est créé sur des bases égalitaires et
horizontales. C'est cette énergie et ces personnes que la gauche
citoyenniste s'emploie maintenant à neutraliser et encarter dans des
partis et autres st ructures hiérarchiques garantes de la paix sociale.

- Attac, trotskistes et consorts semblent conscients jusqu'à un certain
point de leur absence totale de subversion et de créativité et sont même
allés, à l'occasion de ce sommet d'Evian, jusq u'à s'arroger la pratique
de camps d'actions issus de mouvements radicaux comme le No Border. Elles
ont ainsi affiché hypocritement une autogestion à l'opposé de leurs
pratiques d'organisatio n. On peut toujours espérer que les milliers de
personnes ayant, par exemple, participé au village intergalactique, ne se
soient pas laissées trop prendre à cette récupération et que de réell es
pratiques d'autogestion demeurent et finissent par dépasser les leaders.

- il est par ailleurs heureux, malgré toute cette propagande, qu'une
partie de la population garde une envie réelle de changer radicalement ce
système. Malgré l'hystérie médiatique, tout le m onde n'est pas aussi
effrayé que les médias veulent bien le faire croire par les soit-disant
"casseurs" et à Genève ces jours derniers, les émeutes furent soutenues
et rejointes par une parti e de la population locale et des badauds. Mais
le fait que ces actions puissent être réfléchies, efficaces et soutenues
par une partie des manifestant-e-s est proprement inacceptable pour les
pouvoirs en place. Il leur est alors nécessaire de faire croire à un
gentil mouvement inoffensif pris en otage par quelques casseurs, de créer
des mythes de complots cachés, d'infiltration n éo-nazies, de
manipulation policière ou des stéréotypes de jeunes gens immatures et
manipulés par une poignées d'extrémistes cyniques. Il leur faut coûte que
coûte chercher à entretenir une d ivision entre "militant-e-s alter
mondialistes bon enfant" et "jeunes et méchants casseurs". En dépit de
quoi, bon nombre de personnes s'apercevrait peut-être qu'il est possible
de s'épanouir et de s'amuser en changeant ce système concrètement, de
plein de manières différentes, sans se laisser manipuler et diriger par
les partis et syndicats.

En guise de conclusion provisoire, beaucoup de gens semblaient tirer un
bilan positif de la variété, de la maturité et de l'impact des actions
menées à Lausanne. Reste à tirer un bilan à plus long terme de la gestion
collective de la répression, de ce que retiendra la population locale de
ces manifestations et des éventuels retours négatifs sur les militant-e-s
locaux. On peut au ssi tirer un bilan plutôt enthousiasmant des pratiques
d'autogestion et de rencontres popularisées par les divers campements de
Lausanne et d'Annemasse. On ne peut s'empêcher néanmoins de sou lever des
doutes sur le fait de continuer à mener systématiquement ces actions dans
le cadre de "contre-sommets" tel que celui du G8. Leur potentiel de
surprise, de perturbation, leur faculté à promouvoir de nouvelles idées
politiques et un discours radical est le plus souvent menacée. Les
dispositifs policiers sont par ailleurs de plus en plus habitués et
violents. C'est en ce sens qu'il est primordial de continuer à inventer
d'autres formes de convergences, d'actions et d'autogestion, localement
et au quotidien. C'est en ce sens aussi qu'il nous faut apprendre à
communiquer et expliquer beaucoup plus chacune de nos actions.

Solidarité avec tou-te-s les inculpé-e-s du G8 ! N'oublions pas le
travail anti-répression, il doit être maintenant l'affaire de tou-te-s
celles et ceux qui étaient présent-e-s à ces manifestations. A bas toutes
les prisons ! Ne croyons pas la presse bourgeoise, vivons et diffusons
nous-même nos expériences et nos idées ! N'oublions pas de nous amuser et
de ne pas trop nous prendre au sérieux !

02/06/03 - un-e participant-e au pink bloc, ainsi qu'un-e participant-e
au black bloc anti G8 de Lausanne

Auteur: anonymous ( pink & black )




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