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The.Supplement
{Info on A-Infos}
(fr) ... de l'eau dans le vin rouge (et noir)
From
SIA <s.ia@laposte.net>
Date
Tue, 15 Jul 2003 09:47:57 +0200 (CEST)
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A G E N C E D E P R E S S E A - I N F O S
http://www.ainfos.ca/
http://ainfos.ca/index24.html
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Du gaz dans l'eau minérale et de l'eau dans le vin rouge (et noir)
Nous vous envoyons cet article qui nous semble intéressant. Nous l'avons
publié dans notre Journal " Solidarité " N°13 de Juin 2003. On peut s'y
abonner pour 8 euros (chèques à l'ordre du Syndicat Intercorporatif
Anarchosyndicaliste de Caen BP 257 14013 Caen cedex, 4 N° par an, 20
pages minimum, envoyé à domicile sous enveloppe). Bonne lecture et bonne
réflexion...
Nous avons reçu de camarades " indépendants " de la région, un texte qui
tente un bilan critique du contre-sommet d'Evian, coté français
(Annemasse)... En décalage avec l'autosatisfaction un peu béate qui
semble prévaloir dans les organisations libertaires nationales, il nous a
paru intéressant de le publier.
CONTRE-SOMMET DU G8 A EVIAN :
DU GAZ DANS L'EAU MINERALE ET DE L'EAU DANS LE VIN ROUGE (ET NOIR)...
Ce texte ne se veut pas un récit exhaustif des manifs anti-G8. Nous avons
surtout cherché à mettre en lumière certains faits qui nous ont paru
préoccupants. Ce texte est une sorte de bilan critique de l'intervention
anarchiste qui a eu lieu lors du dernier G8, c'est à dire à la fois des
manifestations et du village libertaire mis en place à cette occasion.
Notre critique se veut constructive et pas spectatrice même si elle
risque de nuancer assez sérieusement une certaine satisfaction bon marché
qui règne actuellement dans les milieux anars suite à ces quelques
journées de mobilisation.
Commençons par un rapide rappel des faits et de leur contexte.
Bref récit des évènements :
Les 1er, 2 et 3 juin a eu lieu à Evian un énième sommet du G8. La tenue
de ce sommet a provoqué l'organisation d'un contre-sommet "
altermondialiste ". Comme d'hab, le dispositif policier et militaire
déployé autour de cette réunion à huis clos des grandes puissances
planétaires fut énorme. Des dizaines d'avions de combats, d'hélicos, de
caméras, des dizaines de compagnies de CRS, des dizaines d'escadrons de
gendarmerie mobile, des drones aériens de surveillance (et même un
dirigeable équipé d'un œil perçant...), des RG à foison, des flics en
civil, des policiers déguisés en journalistes et des journalistes au
comportement policier... Une zone d'exclusion fut établie à 25 kilomètres
tout autour d'Evian : toute manif y était interdite. Un véritable état de
siège...
Le gouvernement autorisa les manifestations et concentrations sur la
région d'Annemasse, petite ville située à une distance respectable
d'Evian. De manière au minimum tacite, le mouvement altermondialiste o
fficiel s'engagea à ne pas tenter de pénétrer massivement dans la zone
d'exclusion légale. L'aéroport d'Annemasse et des champs attenant furent
mis à la disposition des altermondialistes pour y installer leurs
campements, forums et logistique.
Les organisations anars nationales réunies au sein de la CLAAAC G8
(Convergence des Luttes Anti-Autoritaires et Anti-Capitalistes G8, à
savoir Alternative Libertaire, le réseau NO PASARAN, La Fédération
Anarchiste, l'Organisation Communiste Libertaire, La CNTF pour ne citer
que les françaises...) négocièrent apparemment avec les réformistes
l'existence d'un espace autonome, propre au mouvement libertaire.
Pour accueillir les manifestants, 2 villages furent organisés : le
Village Intergalactique (VIG) rassemblant la gauche de la gauche et le
Village Alternatif Anti-capitaliste et Anti-Guerre (VAAAG). Adossé au
VAAAG, on trouvait aussi un petit campement féministe non-mixte (" Le
point G ") et un peu à l'écart du VIG, le petit campement du Mouvement
d'Intégration des Banlieues (MIB) et celui d'" étudiants en lutte "
refusant de s'inscrire dans un village plutôt que dans l'autre.
Le VAAAG, où nous avons résidé, alimenté en eau et électricité,
comportait 2 espaces, un réservé aux chapiteaux, concerts, débats, tables
de presse et l'autre réservé plus spécifiquement au camping, aux "
cantines "
végétariennes qui assuraient la bouffe (il y avait même un four à pain
monté sur remorque), buvettes... La partie camping était divisée en
quartiers gérés par des AG journalières et matinales.
Le VAAAG a été complètement rempli durant le week-end du 31 mai au 1er
juin. On y trouvait une majorité d'anars, des radicaux, des teuffeurs,
des curieux...
Pour notre part, nous sommes arrivés au VAAAG le samedi. Nous ne
parlerons donc pas de ce qui s'y est passé les jours précédents. Nous
signalons juste au passage que le jeudi 29 une manif festive a eu lieu à
Annemasse, des débats et forums de discussion sur pleins de thèm es ont
eu lieu également du jeudi au samedi.
Le samedi midi, une manif est partie du VAAAG en direction d'Annemasse
pour perturber la tenue d'une conférence du PS, réunissant Hollande et
Campdessus (un ancien ponte français du FMI), sur le thème d'une " autre
mondialisation est possible ". La provocation était double : récupération
politicienne du thème de l'antimondialisation par un parti social-libéral
et participation d'un ex membre distingué du FMI. La manif a fini par mal
tourner suite au gazage des manifestantEs par le Service d'Ordre musclé
du PS. Les gens ont riposté en pétant les vitres de la salle de
conférence. Les CRS sont alors intervenus et ont dégagé la foule, ce qui
a donné lieu à quelques incidents. Le cortège a ensuite été refoulé
jusqu'au camp par des tirs de lacrymos. L'action policière a été peu
offensive, le gouvernement cherchant
visiblement à ne pas mettre d'huile sur le feu en cette période
d'agitation sociale.
En fin d'après-midi, s'est tenu une réu nion ouverte d'information sur la
grande manif prévue le lendemain. Le cartel d'organisation composant la
CLAAAC G8 y a exposé sa conception de la manif à venir, une conception
fort classique : manif " familiale et populaire ", cortège organisé
(embryon de SO, banderoles, animation sono, distribution de tracts... ).
Ces
organisations ont clairement dit que le cortège ne devait pas servir " de
porte-avions permettant le décollage et le repli d'actions violentes ".
La place du cortège libertaire fut négociée avec les réformards. Une
partie de ceux-ci souhaitaient que toute personne masquée soit isolée
voire maîtrisée et remise à la police en cas de comportement " violent ".
Ce point litigieux (y compris pour une partie des réformistes) fut refusé
par la CLAAAC qui décida d'accepter au sein du cortège des gens
masqués...à condition qu'ils n'agissent pas.
La journée du dimanche débuta très tôt (4H du mat) par une opération de
blocage d'un carrefour routier en bordure de la zone d'exclusion.
L'objectif : empêcher le passage de traducteurs, membres des services
diplomatiques et protocolaires... Le cortège fut finalement bloqué par
les CRS, des barricades furent érigées et enflammées. La police tira des
lacrymos et des grenades offensives pendant plusieurs heures pour tenter
de disperser ce blocage.
Dans les villages, les cortèges s'ébranlèrent vers 10H en direction du
centre d'Annemasse. Le cortège libertaire était assez important
(2500-3000 personnes) et bruyant, hostile aux médias, plutôt joyeux. La
manif, qui devait regrouper au moins 20 000 personnes (c'est difficile à
évaluer), finit par rejoindre Genève et par faire sa jonction avec le
grand cortège suisse. Quelques petits groupes autonomes sur le trajet
taggaient les plaques de bois qui recouvraient les vitrines, détournaient
ou dégradaient les panneaux publicitaires. Nous nous retrouvâmes, après
un bref passage dans quelques avenues genevoises, des dizaines et des
dizaines de
milliers...su r une sorte de périphérique encaissé et déprimant. Une
station service fut attaquée par quelques dizaines de radicaux qui la
pillèrent ensuite dans la joie et la bonne humeur, ce qui provoqua un
vent de panique parmi les organisateurs de la CLAAAC qui se dissocièrent
au micro de cette action et firent presser le pas au cortège anar.
Pendant ce temps là, une foule citoyenniste, outrée par tant de verre
brisé et par la distribution gratuite de menues marchandises à l'origine
payantes, huait depuis les ponts qui surplombaient le périph. Nous
continuâmes notre périple sur ce putain de périph, repassâmes coté
français par un poste frontière désert avant de revenir par l'autoroute
vers Annemasse où nous fumes canalisés discrètement par la police qui
nous interdisait ainsi le centre-ville. Gentiment, nous finîmes par
regagner les villages.
Dès la fin d'après-midi, de nombreux manifestants firent leurs bagages,
pendant qu'arrivaient des nouvelles sur l'importante répression menée à
Lausanne. En fin d'après-midi, une AG a lieu sur le tas, au milieu du
VAAAG, sans sonorisation, difficilement audible, avec des traductions peu
efficaces, sans ordre du jour. Y rode une sorte paranoïa. Des villages de
Lausanne ayant été attaqué et gazé - après que des militants offensifs
s'y soient retranchés - beaucoup craignent qu'il en soit de même coté
français. Plusieurs proposition émergent : monter en convoi manifester
sur Genève (ou au minimum aux portes de l'Etat Suisse, au poste frontière
le plus proche), organiser un pique-nique sur la place de la mairie
d'Annemasse ou bien ne rien faire du tout par crainte de la répression.
Des informations arrivaient au compte goutte. Les très nombreuses
personnes interpellées à Lausanne semblaient être relâchées
progressivement tandis qu'à Genève, un squatt était apparemment encerclé
par la police.
Aucune décision formelle ne put finalement être prise et l'AG se termina
sur la proposition tonitruante de quelques indivi dus de descendre sur la
place de la mairie à Annemasse. Ce fut le dernier mot de l'AG et donc ce
qui fut fait, faute de vote.
Un embryon de cortège se rassembla chaotiquement à la sortie du VAAAG.
Rajoutant à la confusion ambiante, des membres de la CLAAAC interviennent
sur le tas et sur le tard pour tenter de dissuader les manifestantEs
d'aller en ville. Ils jouent sur la peur, la libération de la plupart des
interpellés coté suisse. Les gens continuent à sortir du VAAAG et du VIG
aussi et à s'amasser. Le cortège finit donc par s'ébranler dans une
ambiance tendue. Tout le monde craint des incidents. Après un parcours
tortueux et improvisé, marqué à un moment donné par un face à face
nerveux avec les CRS, la manif finit par atteindre la place de la mairie.
Elle en repartira au bout d'une bonne heure de pique-nique et d'AG
foireuse initiée par des trotskistes en mal de récup.
Le lundi, il ne reste plus grand monde sur le VAAAG. Les organisations
sont désormais absentes et la plupart de leurs militantEs ont quitté les
lieux après la manifestation médiatique du dimanche.
Un certain nombre de personnes décident de passer en Suisse, certainEs
pour une manif sur la marchandisation de l'eau en face du siège de l'OMC,
d'autres pour une manifestation non autorisée contre la répression. Cette
seconde manif tourne mal. Le cortège est coincé sur un pont par des flics
anti-émeutes suisses, mais aussi allemands et français (prêtés au
gouvernement suisse qui en manquait). On demande aux gens de sortir au
milieu d'une haie de flics en déclinant leur identité. Ils refusent.
Gazages et arrosages par canons à eau (allemands prêtés à la Suisse). Les
habitants gueulent. Des altermondialistes redescendus de différents
villages suisses rejoignent les alentours. Rapidement, devant la
répression manifeste et disproportionnée, des incidents éclatent. Les
balles en plastiques fusent. Coté français, après une période de
confusion nous finissons par apprendre que les manifes tantEs bloquéEs à
Genève sont autorisés à rejoindre une place où ils vont pouvoir se
disperser sans harcèlement policier. Il s'agit alors de rapatrier les
résidentEs du VAAAG et du VIG. Le convoi tarde à s'ébranler sous
l'impulsion d'une équipe légale très frileuse, seule réelle structure à
fonctionner encore sur le camp et cherchant à retarder les départs afin
de les encadrer entre autre par peur que des habitantEs rejoignent les
zones émeutières. Le convoi finit par rejoindre la place. Le départ se
fait de manière précipitée suite à l'arrivée sur la place d'un nouveau
cortège. La Legal Team craint des incidents et presse la manœuvre. Faute
de place une dizaine de personnes demeurent sur les lieux. Interpellé sur
la nécessité d'un second convoi, un des responsables de l'équipe légale
hurle : " On y va. Tant pis. Y'aura pas de deuxième convoi ".
Heureusement, un autre petit convoi arrive rapidement en provenance du
VIG et emmène les derniers des mohicans... Nous repartons dans notr e
région le lendemain.
Un bilan mitigé :
Le fonctionnement pratique du village a été relativement bon, mis à part
quelques divergences avec des teuffeurs, quelques mecs bourrés.
L'intendance - bouffe, aide médicale, nettoyage, bars, eau et électricité
- s'est organisée dans le consensus et l'efficacité. Concerts, forum et
tables de presse se sont bien tenus offrant animation et dimension
politique. L'ambiance générale a été plutôt bonne, une fois résolus
quelques frictions sur le caractère uniquement végétarien de la
nourriture distribuée dans les cantines, sur la présence bruyante de
quelques teuffeurs...Par ailleurs le village a drainé beaucoup de monde,
suscité de nombreuses visites. Tout cela n'est pas négligeable, cependant
un certain nombre de faits nous ont paru préoccupants.
Concernant les AG et la " démocratie directe ":
Tout d'abord, Les AG nous paraissent avoir été mal organisées : absence
de lieu adéquat pour les AG (celle du dimanche sur la répression s'est
tenue au milieu du camp, dans le bruit et les va et vient), absence de
sonorisation (dur de s'entendre quand on est 400), traductions
déficientes (assurées sur le tas par des personnes de bonne volonté
auprès de certains groupes d'étrangerEs... quand elles étaient assurées),
pas d'ordre du jour, pas de votes sur les différentes propositions...
Le samedi : Il n'y a pas eu d'AG pour préparer la manif du lendemain. Les
organisations membres de la CLAAAC se sont contentées d'exposer, lors
d'une réunion ouverte, le cadre (préalablement défini entre elles) de la
manif du dimanche. Une fois ce cadre rappelé, les taches ont été
réparties entre militantEs et volontaires. Les habitantEs du VAAAG n'ont
eu sur cette question aucun pouvoir réel de décision. Il semble que le
CLAAAC n'a p as souhaité prendre le risque d'un éventuel télescopage
entre ses décisions et celles qui auraient pu être prises par une AG des
HabitantEs du VAAAG. De fait, les organisations, se sont installées dans
un rôle d'avant-garde dans un village qui se voulait une expérience
active d'autogestion tant pratique que politique. Or sur le plan
politique, il y a eu un clair déficit démocratique.
Le dimanche : L'AG anti-répression fut très chaotique, ne débouchant sur
aucune prise de décision formelle. La peur de la répression (pourtant peu
probable vu l'attitude mesurée de la police française lors des incidents
du samedi, les déclarations apaisantes de Sarkozy et le fait qu'on se
trouvait à moins de 48 heures d'un préavis de grève générale) fut attisée
pêle-mêle par des gens du CLAAAC, des habitantEs inexpérimentéEs et des
aussi des gens du VIG. Les propositions d'aller protester contre la
répression en Suisse ou à la frontière furent évacuées lorsque des
partisanEs de la descente à la mairie d'Annemasse finirent par se lever
en gueulant " Tous à la mairie " provoquant ainsi la dissolution de l'AG.
Spontanéité ou manipulation ? Soulignons au passage la docilité de
l'AG...
Le lundi : Face à la répression coté suisse, les habitantEs ont été
confrontéEs à la confusion de l'information et à une legal team,
dirigiste et assez parano, qui a pris toutes les décisions concernant
l'organisation des convois. Ce type de décision devait-elle être
monopolisée par la legal team ou passer par une AG ? Surtout que
l'attitude autoritaire a souvent été lourde, sûrement accentuée par la
fatigue de la legal team.
En conclusion, si les AG de quartiers à caractère essentiellement
pratique, logistique ont bien fonctionné, cependant, à aucun moment,
n'ont été impulsées des AG structurées permettant aux habitantEs du VAAAG
de définir collectivement et directement le contenu politique,
stratégique et pratique des actions. Aucun effort particulier n'a été
fait pour alimenter
l'auto-organisation des habitantEs du village. Concrètement, les AG ont
été vues comme secondaires, d'une importance marginale, là où elles
auraient du revêtir un caractère central.
Concernant les manifs et actions :
Par ailleurs, coté français, le cortège anarchiste du dimanche a revêtu
un caractère très classique. Un défilé traditionnel, en rouge et noir.
Les organisations du CLAAAC avaient décidé d'une manif " populaire et
familiale ". Objectif atteint : elle fut banale. Pour ces organisations,
il s'agissait de rompre avec l'image des " casseurs " et des " violents "
et de s'offrir une vitrine médiatiquement et politiquement correcte. En
l'occurrence, la manifestation du dimanche a été une éclatante
démonstration que le mouvement anarchiste pouvait faire aussi peu et mal
que les autres. A l'intérieur du défilé aucun aspect véritablement
créatif et/ ou festif. Juste de gentils GO anars sur des chars gueulant
quelques slogans repris chaotiquement et qui incitent le cortège à
s'éloigner précipitamment quand une station service est abîmée (alors
qu'aucune intervention policière n'était possible à ce moment là, à cet
endroit là), des responsables de SO qui crient des ordres à leurs maigres
troupes, peu de créativité de la foule elle-même... si ce n'est quelques
petits groupes autonomes redécorant les panneaux
publicitaires et les vitrines...
Nous avons été frappés par le légalisme affiché du CLAAAC (et donc des
organisations qui le composait) et par celui qui a régné lors de la
manif. Hypocritement, le CLAAAC a incité les gens qui voulaient des
formes d'actions plus radicales à s'organiser pour aller les faire "
ailleurs ", c'est à dire loin d'eux et de leur projet de manif
présentable. Evidemment, les orgas n'ont à aucun moment cherché à
faciliter l'émergence d'initiatives différentes : pas d'espace de
discussion et refus que la manif soit utilisée comme base arrière, ne
serait ce qu'à partir d'un moment T. Dans ces conditions, on ne saurait
s'étonner du fait que rien n'est pu s'organiser coté français et qu'il ne
se soit quasiment rien passé à Genève le dimanche. Quant aux blocages, il
y en eu un seul coté français, l e dimanche matin. De nombreuses
personnes y ont participé (ce qui nous semble symptomatique du fait que
beaucoup de gens n'étaient pas venus à Evian pour participer à une manif
traditionnelle qu'ils peuvent " s'offrir " régulièrement dans leur ville
d'origine). Là au moins, il y a eu " action directe ". Notons au passage
que beaucoup de gens du VIG ont co-organisé et participé à cette action.
Notons aussi qu'aucune autre action ne fut prévue pour le lundi et le
mardi, alors que continuait le G8... " L'action directe ", tellement
encensée (en paroles) par le mouvement, fut décidément peu mise en
oeuvre... Le légalisme nous a semblé, malheureusement, fortement intégré
par une majorité des personnes présentes au VAAAG. Nous insistons sur ce
point car il signifie que le mouvement anar qui prétend combattre le
système insère, dans les faits, son action dans le moule idéologique du
pouvoir. Il y a là d'un point de vue révolutionnaire un véritable
problème et la nécessité d'un tra vail de rupture d'avec le légalisme.
Nous étions des milliers, face à un Etat français momentanément empêtrer
dans un conflit social d'ampleur... et nous n'avons même pas cherché à en
profiter. Nous avons suivi les
recommandations de la loi, de la gauche altermondialiste et des médias.
Cela doit sérieusement nous interroger. Déjà, l'année passée, durant
l'entre 2 tours, à aucun moment, le mouvement n'a cherché à radicaliser
la situation de crise politique. On ne peut faire fi du contexte social
et historique. La force des gouvernements successifs et du MEDEF, c'est
d'avoir retiré aux opprimés, par le légalisme et le renoncement à
l'action directe, leurs capacités de nuisance. Cela aboutit à la
pacification des pratiques réelles de lutte. Nous en avons eu
dernièrement un nouvel exemple avec la
mobilisation contre le projet de réforme des retraites. Si face au
décervelage citoyenniste et médiatique, face à l'ordre sécuritaire et à
la répression accrue du mouvement social, le mouvement révolutionnaire
courbe l'échine, qui résistera ?
A ce propos, si le mouvement anar a eu sa sucette sous forme d'un article
sympathique du " Monde ", c'est sûrement tout autant le nombre de
manifestantEs qu'il a rassemblé que sa pacification qui a ainsi été
récompensé. Il faut noter que l'attitude de la CLAAAC face aux médias a
sensiblement évolué : refus par les habitantEs de leur présence dans le
village au début, puis visites guidées de l'espace dit " politique " par
des journalistes accompagnés de membres de la CLAAAC lorsque le " temps
fort " de la manif du dimanche approchait. Il semble que l'hostilité
majoritaire des habitantEs vis à vis des médias n'ait pas toujours
convenu aux organisations de la CLAAAC. Passée le temps médiatique de la
manif du dimanche, les organisations se sont en tant que telles
évaporées. Même si des AG de grève devaient avoir lieu le lundi et même
s'il fallait préparer la grève générale du mardi, une évaporation si
rapide et importante (avec démontage de toutes les tables de presse)
laisse forcément songeur...
A propos de la passivité des manifestantEs :
Nous avons été également relativement surpris de la relative passivité de
nombreux habitantEs du VAAAG face aux événements et à l'encadrement
politique. Beaucoup trop de spectateurs, donc beaucoup trop de
frustrations également. Il semble que ce soit le prix qu'il ait fallut
payer au succès du camp. Peu d'expérience et des espaces
d'auto-organisation insuffisamment ouverts. Il y avait effectivement
plein de gens mais peu expérimentés sur le plan pratique, peu rodés aux
AG massives, parfois peu politisés( ou sur des bases politiques plus
proches du citoyennisme que de l'anarchisme), le plus souvent confrontés
à leur premier G8. Régnait, dès lors, un effet d'attente et de
consommation d'action très difficile à briser.
Partout, surtout à partir du dimanche, rôdait la peur de la répression,
irrationnelle, sans rapport réel avec les événements et la situation
politique et sociale liée à un manque d'analyse et à une méconnaissan ce
des phénomènes de foule. Manque d'expérience pratique aussi dans les
moments un peu plus chauds du samedi. Naïveté aussi souvent, devant des
troupes policières qui reculent face à des manifestants pacifiques pour
se positionner plus loin, par exemple.
Tout cela a débouché sur une certaine passivité face aux plus
expérimentés... CLAAAC et legal team., d'autant plus conforté dans une
position d'avant-garde et alimentant à l'occasion ce sentiment diffus et
pesant de peur.
Ce manque d'expérience s'est traduit par un manque criant de vision
stratégique et ce d'autant plus que de son coté la CLAAAC en avait tracé
les principaux contours.
On ne peut donc que regretter la carence de liaison efficace avec la
Suisse et la mise au point de stratégies sinon communes, au moins
complémentaires, afin de perturber au mieux le G8 -si tel était
l'objectif - pendant l'ensemble de sa durée et non pas seulement pendant
la journée d'ouverture. Nous ne pouvons que déplorer également le manq ue
de réactivité et de créativité face aux contre-mesures répressives prises
par le pouvoir coté suisse. Le choix d'Evian, ville frontalière bordée
par le lac Leman fut du point de vue du maintien de l'ordre très
judicieux, dispersant de fait les forces contestatrices entre 2 Etats et
3 villes.
Bien sur, notre vision ne peut être que partielle et elle comporte sa
part de subjectivité.
Nous précisons une nouvelle fois que notre démarche critique vise à
chercher les limites et les faiblesses de cette initiative anti-G8,
d'autant plus qu'elles incitent à nous questionner également sur celles
du mouvement anarchiste français.
Nous sommes bien conscients du fait que des centaines de gens qui ne se
connaissent pas, avec des niveaux d'expériences différents, des
sensibilités diverses ne peuvent se mettre à fonctionner collectivement
de manière efficace, comme par magie, du jour au lendemain (ni même en
quelques jours). Nous sommes bien conscient que coté français, on a
encore peu d'expérience dans les domaines de l'organisation de villages
libertaires, de
l'organisation d'actions offensives ou de désobéissance civile de masse,
des AG massives. Coté suisse, ils semblaient avoir plus d'expérience
(squats, manifs anti-Davos...).
Nous sommes bien conscie nts que les organisateurs de la CLAAAC furent
débordés par la masse de travail liée au succès du VAAAG et pour
certainEs parfois proches de l'épuisement.
Pourtant l'idée d'organiser un (ou des) villages(s) libertaires (et
pourquoi pas aussi en dehors de l'agenda des grands sommets étatiques)
est, en soi, une bonne chose... à condition que la qualité du
fonctionnement, des débats et des pratiques soit aussi au rendez-vous et
que ces initiatives servent réellement à élever le niveau moyen de
politisation et d'expérience pratique de larges franges du mouvement.
Nous n'avons pas besoin de vitrines médiatiques, nous avons tous besoin
de " laboratoires " pour forger une radicalité adaptée à la situation
présente et pour gagner en expérience pratique et tactique.
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