A - I n f o s
a multi-lingual news service by, for, and about anarchists
**
News in all languages
Last 30 posts (Homepage)
Last two
weeks' posts
The last 100 posts, according
to language
Castellano_
Català_
Deutsch_
English_
Français_
Italiano_
Polski_
Português_
Russkyi_
Suomi_
Svenska_
Türkçe_
All_other_languages
_The.Supplement
{Info on A-Infos}
(fr) La mondialisation des marchés du sexe (2)
From
Worker <a-infos-fr@ainfos.ca>
Date
Sun, 5 Jan 2003 10:31:40 -0500 (EST)
_________________________________________________
A G E N C E D E P R E S S E A - I N F O S
http://www.ainfos.ca/
http://ainfos.ca/index24.html
_________________________________________________
[ suite de l'article repris du site internet de Sisyphe :
http://sisyphe.levillage.org/article.php?id_article=197 ]
LA MONDIALISATION DES MARCHÉS DU SEXE (2)
PORNOGRAPHIE ET TOURISME SEXUEL
par Richard Poulin
L'industrie de la pornographie contemporaine a pris son essor au début des
années cinquante, avec la création de Playboy, et, depuis, a investi tous
les moyens de communication moderne.
L'explosion de la pornographie
Ainsi, aux États-Unis, la location des vidéos pornographiques représente un
marché de 5 milliards de dollars américains par année, les films
pornographiques de la télévision payante et dans les chambres d'hôtels
rapportent 175 millions. Les États-uniens dépensent entre 1 et 2 milliards
de dollars par le biais des cartes de crédit pour obtenir du matériel sexuel
explicite via Internet [56], ce qui représente entre 5 et 10 % de toutes les
ventes sur le Net [57]. Là aussi l'industrie hôtelière est complice : à
chaque film visionné dans une chambre, elle reçoit 20 % du prix de location.
La pornographie infantile ou pseudo-infantile (kiddie or chicken porn) sur
l'Internet constitue 48,4 % de tous les téléchargements des sites
commerciaux pour adultes [58]. Elle utilise des enfants aussi jeunes que
trois ans. Les images créées pour assouvir les fantasmes des consommateurs
de la pornographie infantile ne peuvent être caractérisées que comme une
forme d'abus sexuel.
En 1983, on estimait le chiffre d'affaires de la pornographie à 6 milliards
de dollars [59]. Ce chiffre est largement en dessous de la réalité
d'aujourd'hui. D'autant plus que les années 1990 ont connu une explosion de
la production et de la consommation de pornographie. La pornographie est
désormais une industrie mondiale, massivement diffusée et totalement
banalisée, qui fait la promotion non seulement de l'inégalité sexuelle, mais
qui milite pour le renforcement de cette inégalité. Elle fait partie de la
culture. Elle l'imprègne et, par conséquent, affecte l'ensemble des images
sociales des médias traditionnels et nouveaux. La pornographie n'est pas
seulement une industrie du fantasme : elle use et abuse avant tout des
femmes et des enfants. Les centaines de milliers de personnes qui y ¦uvrent
subissent, elles aussi, viol, violence et assassinat [60]. La pornographie
représente, en quelque sorte, la prostitutionalisation des fantasmes
masculins. Elle infantilise les femmes et rend matures sexuellement les
enfants.
La pornographie ne peut pas être réduite au seul débat sur la liberté
d'expression.
Le tourisme sexuel
Le tourisme sexuel n'est pas limité aux pays dépendants. La Reeperbahn de
Hambourg, le Kurfürstendamm de Berlin et les quartiers chauds d'Amsterdam et
de Rotterdam sont des destinations bien connues des touristes sexuels. Les
pays qui ont légalisé la prostitution ou qui la tolèrent sont devenus des
lieux touristiques importants. C'est également à partir de ces pays que les
ONG nationales militent au niveau européen et international pour faire
reconnaître la prostitution comme un travail sexuel. Industrie en croissance
depuis trente ans, le tourisme sexuel entraîne la prostitutionalisation du
tissu social. Pour 5,4 millions de touristes sexuels par an en Thaïlande, on
compte désormais 45.0000 clients locaux par jour [61].
L'industrie massive de la prostitution en Asie du Sud-Est a pris son essor à
cause de la guerre du Viêtnam, à cause du stationnement de militaires au
Viêtnam, en Thaïlande et aux Philippines [62], ces deux derniers pays
servant de base arrière dans la lutte contre le Viêtminh. L'augmentation
très importante de la prostitution locale a permis l'établissement de
l'infrastructure nécessaire au développement du tourisme sexuel, grâce
notam-ment à la disponibilité de la " main-d'¦uvre " générée par la présence
militaire. Des loisirs plus importants, des facilités de communications et
de déplacement vers l'étranger, la construction sociale, par la
pornographie, d'une image exotique et sensuelle des jeunes prostituées
asiatiques, qui seraient, grâce à leur culture, sexuellement matures malgré
leur jeune âge, et les politiques gouvernementales favorables au tourisme
sexuel ont contribué à l'explosion de cette industrie.
Aujourd'hui encore, on estime que 18000 prostituées sont au service des
43.000 militaires états-uniens stationnés en Corée [63]. On évalue qu'entre
1937 et 1945, l'armée japonaise d'occupation a utilisé entre 100.000 et
200.000 prostituées coréennes, incarcérés dans des " comfort stations "
(bordels de réconfort) [64]. Quelques jours seulement après la défaite
japonaise, l'Association pour la création de facilités récréatives
spéciales, financée indirectement par le gouvernement, ouvrait un premier
bordel de réconfort pour les soldats américains. À son point culminant,
cette Association employait 70000 prostituées japonaises [65].
Les MST et l'infertilité, des effets de la mondialisation de l'industrie
sexuelle
On évalue à 15 % seulement les prostituées aux États-Unis qui n'ont jamais
contracté une maladie vénérienne [66]. 58 % des prostituées du Bukina Faso
ont le sida, 52 % au Kenya, près de 50 % au Cambodge et 34 % au Nord de
Thaïlande. En Italie, 2 % des prostituées avaient le sida en 1988, contre 16
% dix ans plus tard [67].
L'un des prétextes des clients pour user sexuellement d'enfants est d'éviter
les maladies sexuellement transmises. Mais les données démentent cette idée.
Par exemple, au Cambodge, on évalue entre 50000 et 70000 le nombre de
prostituées. Plus du tiers d'entre elles ont moins de 18 ans : près de 50 %
de ces jeunes sont séropositives [68].
En Occident, 70 % de l'infertilité féminine serait causée par les maladies
vénériennes, dues à la consommation de sexe vénal, par les maris ou les
partenaires [69].
La libéralisation de l'industrie du sexe
En 1998, l'Organisation internationale du travail, une agence officielle de
l'ONU, appelle dans un rapport à la reconnaissance économique de l'industrie
du sexe. Cette reconnaissance englobe une extension des " droits du travail
et des bénéfices pour les travailleurs du sexe ", l'amélioration des "
conditions de travail " dans cette industrie et " l'élargissement du filet
fiscal aux nombreuses activités lucratives qui y sont liées " [70].
La première dérive en faveur de la libéralisation du système prostitutionnel
à l'échelle mondiale s'est manifestée en 1995 lors de la Conférence de
Beijing, où l'on a vu apparaître pour la première fois le principe de
prostitution "forcé", sous-entendant que seule la contrainte dans la
prosti-tution devait être combattue. En 1997, sous la présidence
néerlandaise, les lignes directrices issues de la Conférence
interministérielle de La Haye pour tenter d'harmoniser la lutte contre la
traite des femmes aux fins d'exploitation sexuelle dans l'Union européenne
(UE), ont fait apparaître une définition de la traite, uniquement
contingente à la preuve de la force, de la contrainte et de la menace [71].
En juin 1999, l'OIT adoptait une Convention sur les formes intolérables de
travail pour les enfants. Parmi la longue liste dressée, se trouve la
prostitution, reconnue pour la première fois dans un texte international
comme un travail. Le rapport du Rapporteur spécial sur les Violences faites
aux femmes à la Commission des droits de l'Homme de l'ONU, en avril 2000, à
Genève, indiquait qu'une définition du trafic devait exclure les femmes "
professionnelles du sexe migrantes illégales ".
Selon Marie-Victoire Louis, toutes ces politiques entérinent "l'abandon de
la lutte contre le système prostitutionnel [et] confirme[nt] la légitimation
de la marchandisation du système prostitutionnel, au nom de la mise en ¦uvre
de certaines modalités de sa régulation" [72].
Conclusion
Depuis trente ans, nous assistons à une sexualisation de la société. Cette
sexualisation est basée sur l'inégalité sociale, ce qui a pour effet de
rendre l'inégalité très profitable. La société est désormais saturée par le
sexe ; et le marché du sexe en pleine croissance et mondialisé exploite
avant tout les femmes et les enfants, notamment du tiers-monde et des
anciens pays " socialistes ".
Nous avons été témoin d'une industrialisation de la prostitution, du trafic
des femmes et des enfants, de la pornographie et du tourisme sexuel. Des
multinationales du sexe sont devenues des forces économiques autonomes [73],
cotées en bourse [74]. Il n'y a pas de prostitution sans marché, sans
marchandisation d'êtres humains et sans demande. Malheureusement,
l'exploitation sexuelle est de plus en plus considérée comme une industrie
du divertissement [75], et la prostitution comme un travail légi-time [76].
Pourtant, cette " leisure industry " est basée sur une violation systémique
des droits humains.
Cet aspect de la mondialisation concentre l'ensemble des questions
(exploitation économique, oppression sexuelle, accumulation du capital,
migrations internationales, racisme, santé, hiérarchisation de
l'économie-monde, développement inégal, accentuation des inégalités
sociales, pauvreté [77], etc.) qui s'avèrent décisives dans la compréhension
de l'évolution de l'univers dans lequel nous vivons. Ce qui pouvait être
perçu comme étant à la marge est désormais au centre du développement du
capitalisme mondial. C'est pourquoi cette industrie tend de plus en plus à
être reconnue comme un secteur économique banal et, comme toute industrie,
est régie par la dictature du profit [78].
SOURCES
[56] Lane III, F. S., Obscene Profits, New York & London, Routledge, 2000,
p. XV.
[57] Ibid., p. 34.
[58] Rimm, Marty, Marketing Pornography on the Information Superhighway,
http:// trfn.pgh.pa.us/guest/mrtext.html, p. 19.
[59] Potter, G. W., Criminal Enterprises : Pornography,
http://www.policestudies.eku.edu/Potter/International/ Pornography.htm, p.
1.
[60] Les histoires d'horreur du métier "d'actrice pornographique" sont
désormais légion. Le plus récent récit est l'¦uvre de Raffaëla Anderson
(Hard, Paris, Grasset, 2001), vedette du film controversé, Baise-moi.
[61] Barry, K., op. cit., p. 60.
[62] Jeffreys, Sheila, op. cit., p. 186-187.
[63] Barry, K., op. cit., p. 139.
[64] Ibid., p. 128.
[65] Ibid., p. 129.
[66] Leidholdt, Dorchen, op. cit.,
http://www.uri.edu1artsci/wms/hugues/catw/posit1.htm, p. 3.
[67] Ibid., p. 4. Voir également, Maurer, Mechtild, Tourisme, prostitution,
sida, Paris/Genève, L'Harmattan/Cetim, 1992.
[68] Véran, Sylvie, " Cambodge. Vendue à 9 ans, prostituée, séropositive ",
Nouvel Observa-teur, 10 au 10 août 2000, p. 10-11.
[69] Raymond, J. G., " Health Effects of Prostitution ", Making the Harm
Visible, Hugues and Roche Editors, février 1999.
[70] Lim, L. L., The Sex Sector. The Economic and Social Bases of
Prostitution in Southeast Asia, Genève, OIT, 1998, p. 212-213.
[71] L'UE affirmait vouloir " combattre le trafic illégal des personnes ",
ce qui sous-entend qu'il existe un trafic " légal ". Ainsi, dans de telles
conditions, la définition de la traite ne s'attache qu'à protéger les femmes
qui n'au-raient pas consenti à leur exploitation. Ces femmes dorénavant
auront le fardeau de la preuve qu'elles ont été con-traintes à se
prostituer.
[72] Louis, Marie-Victoire, " Pour construire l'abolitionnisme du XXIe
siècle ", Cahiers marxistes, n° 216, juin-juillet 2000
[73] Barry, K., op. cit., p. 162.
[74] Le plus important bordel de Melbourne (Australie), The Daily Planet,
est désormais coté à la bourse. Jeffreys, S., op. cit., p. 185.
[75] Voir, entre autres, Oppermann, op. cit.
[76] Voir, entre autres, Kempadoo K and J. Doezema, Global Sex Workers, New
York & London, Routledge, 1998.
[77] Voir, entre autres, Michel Chaussudovsky, La mondialisation de la
pauvreté, Montréal, Ecosociété, 1997, ainsi que Richard Poulin et Pierre
Salama (dir.), L'insoutenable misère du monde, économie et sociologie de la
pauvreté, Hull, Vents d'Ouest, 1998.
[78] Selon la belle expression de Viviane Forrester, La dictature du profit,
Paris, Livre de poche, 2000.
Cet article a été l'objet d'une communication dans le cadre du Congrès Marx
International III, dans la section Rapports sociaux de sexe, co-organisée
avec les revues Nouvelles Questions féministes et Les Cahiers du genre. Une
première version est parue dans Actuel Marx, n° 31, avril 2002.
*******
*******
****** Agence de Presse A-Infos ******
Information d'intérêt pour et au sujet des anarchistes
Pour s'abonner -> écrire à LISTS@AINFOS.CA
avec le message suivant: SUBSCRIBE A-INFOS-FR
Pour plus d'info -> http://www.ainfos.ca
Vous voulez reproduire ce message?
Pas de problème, veuillez s'implement inclure cette section.
A-Infos Information Center