A - I n f o s
a multi-lingual news service by, for, and about anarchists
**
News in all languages
Last 40 posts (Homepage)
Last two
weeks' posts
The last 100 posts, according
to language
Castellano_
Català_
Deutsch_
Nederlands_
English_
Français_
Italiano_
Polski_
Português_
Russkyi_
Suomi_
Svenska_
Türkçe_
The.Supplement
First few lines of all posts of last 24 hours ||
of past 30 days |
of 2002 |
of 2003
Syndication Of A-Infos - including
RDF | How to Syndicate A-Infos
Subscribe to the a-infos newsgroups
{Info on A-Infos}
(fr) A propos de la grève générale
From
Courant alternatif <oclibertaire@hotmail.com>
Date
Tue, 16 Dec 2003 19:09:10 +0100 (CET)
_________________________________________________
A G E N C E D E P R E S S E A - I N F O S
http://www.ainfos.ca/
http://ainfos.ca/index24.html
_________________________________________________
N'ayant d'autre ressource que leur capacité de travail, les salariés
n'ont pas d'autre moyen pour faire pression sur leur patron que
d'interrompre leur activité productive, indispensable à la bonne marche
des affaires. Le droit de grève reste fondamentalement une arme de la
classe ouvrière contre le patronat, bien que des tendances récentes
poussent à dépasser largement ce cadre ; bien qu'également, dans les pays
où il a été reconnu, il fasse sans cesse l'objet de tentatives de
restriction, d'empiétement ou même de suppression pure et simple.
En français, le mot "grève" apparaît au début du XIXe siècle et provient
du nom de la place de Grève (aujourd'hui place de l'Hôtel de Ville à
Paris) sur laquelle les ouvriers se réunissaient en attendant une
embauche éventuelle. La grève a une histoire : à Lyon, au début du XVIe
siècle, les "griffarins", des ouvriers imprimeurs qui utilisent l'arrêt
du travail, au cri de "Trique, trique" (d'où peut-être le terme strike
en anglais pour désigner la grève ou le fait de faire grève), pour vider
l'atelier du maître récalcitrant et "jeter l'interdit" sur ceux qui
songeraient à les remplacer.
À la fin du XIXe siècle, on distingue encore mal entre grève, émeute et
insurrection : la plupart des grèves depuis 1815 avaient pris un
caractère révolutionnaire, la plus fameuse étant celle des canuts de Lyon
en 1834. Avec l'essor du syndicalisme autour de 1900 dans les pays
industriels, une confusion persiste entre grève et émeute, alimentée
aussi par les peurs de la bourgeoisie et les espoirs des syndicalistes
révolutionnaires qui versent dans la mystique de la grève générale
insurrectionnelle.
L'histoire de la grève générale
Selon des historiens et historiennes, l'idée de grève générale
apparaîtrait
au cours de la Révolution française, exprimée par Sylvain Maréchal, Le
Tellier, Mirabeau. Elle est préconisée par le syndicalisme britannique
dans les années 1832-1842. Face au coup d'Etat de Louis Napoléon
Bonaparte, elle est avancée par le libéral Emile de Girardin. Elle est
débattue au IIIe Congrès de l'Association internationale des
travailleurs. Les grèves de 1886 à Chicago pour les huit heures servent
de déclencheur pour le mouvement ouvrier français qui s'est redressé
rapidement de l'énorme saignée de la Commune. Au sein de la Fédération
des Bourses du travail, fondée en 1892, Fernand Pelloutier promeut la
stratégie de l'arrêt collectif du travail qu'il expose dans une bro-chure
rédigée avec Henri Girard, Qu'est-ce que la grève générale ? (1895). Le
IIe Congrès de la CGT, à Tours en 1896, adopte le principe d'une
propagande intense en faveur de la grève générale. Le même scénario se
renouvelle en 1897 (Tours), 1898 (Rennes), 1900 (Paris). Le congrès de
Montpellier dote l'organisation d'une commission des grèves et de la
grève générale. L'article 16 des nouveaux statuts indique qu'elle "a pour
objet d'étudier les mouvements de grève dans tous les pays" et qu'elle
"s'efforce, en outre, de faire toute la propagande utile pour faire
pénétrer dans l'esprit des travailleurs organisés la nécessité de la
grève générale". Le VIIIe congrès, à Bourges en 1904, confie le soin à
Paul Delesalle d'animer une commission spéciale chargée de mener une
campagne pour les huit heures qui seraient obtenues d'ici le 1er mai
1906. Sur la façade de la Bourse du travail de Paris, un panneau proclame
: "A partir du 1er mai 1906, les travailleurs ne feront plus que huit
heures." 1906 sera la première tentative de grève générale en France.
Lors de la révolution russe de 1905, qui, pour l'essentiel, dura de
septembre à décembre, la grève générale joua un rôle complètement inédit.
Loin d'être un fantasme des anarchistes, ou un substitut à l'insurrection
ouvrière, la grève générale de 1905 s'est révélée être une arme
redoutable entre les mains des travailleurs, portant en elle une
dynamique capable d'embraser le pays entier. Dans sa brochure "La grève
de masse", écrite en 1906, Rosa Luxemburg tirait les leçons de la réalité
concrète des événements de 1905.
Les débats sur la grève générale au XIXe siècle et au début du XXe
Au sein du mouvement syndical du début du XXe siècle, il y des
oppositions
fondamentales dans les objectifs donnés à la grève générale :
- Pour le courant réformiste, la grève générale est un moyen d'obtenir
des améliorations partielles et immé-diates pour les travailleurs,
secteur par secteur (grèves générales sectorielles) ou ensemble en
imposant par l'action économique le vote de lois sociales.
- Le courant guesdiste (1) était plutôt opposé à la grève générale. Il
subordonnait l'action syndicale à celle du parti afin de permettre la
conquête du pouvoir par celui-ci. Le parti étant considéré comme seul à
même de mettre en ¦uvre la révolution par la mise en place d'un "état
ouvrier". La grève générale devient alors pour les guesdistes un levier
pour permettre la prise de pouvoir insurrectionnelle par le parti
ouvrier.
- Pour le courant syndicaliste révolutionnaire, la grève générale était
l'outil essentiel de la révolution. Elle de-vait en effet permettre aux
travailleurs de prendre le contrôle de l'ensemble de l'économie et des
moyens de production : arrêt simultané de la production dans tous les
secteurs, destruction de l'appareil d'état, abolition du patronat et du
salariat et enfin reprise de la production dans la nouvelle économie
socialisée. Cette dernière devant être au service et sous le contrôle des
travailleurs par le biais des organes démocratiques issus des syndicats.
Cette grève générale devait être très organisée et la plus brève possible
afin d'éviter les préjudices de l'arrêt trop long de la production pour
la population. Bien évidemment cette grève devait ne pas être déclenchée
spontanément mais organisée, préparée après des mouvements partiels par
secteurs. Une notion très importante est celle de "gymnastique
révo-lutionnaire" : l'organisation syndicale devait permettre d'obtenir
des améliorations immédiates pour les tra-vailleurs dans différentes
grèves, les entraînant et les organisant en vue de la grève générale.
Les positions guesdiste et syndicaliste révolutionnaire sont la
continuité des débats entre marxiens et anar-chistes au XIXe siècle.
Jules Guesde, reprenant avec plus de raideur encore des objections de
Friedrich En-gels, avait condamné la stratégie de la grève générale. A
l'époque, de manière purement théorique, on suggérait que si tous les
travailleurs faisaient grève ensemble, pendant suffisamment longtemps (on
parlait souvent de quatre semaines - "le mois sacré" comme disaient les
révolutionnaires anglais, les "chartistes"), soutenus par les caisses
ouvrières évidemment, le capitalisme s'effondrerait. Pour Marx et Engels,
cette position était pour le moins naïve, d'autant plus qu'avec le temps,
la "grève générale" était devenue le mot d'ordre fétiche des anarchistes.
Engels ironisa en 1873 : "Dans le programme de Bakounine, la grève
générale est le levier qu'on emploie pour déclencher la révolution
sociale. Un beau matin, tous les ouvriers de toutes les usines d'un pays,
ou même du monde entier, cessent le travail, contraignant de la sorte en
quatre semaines au maxi-mum les classes possédantes, soit à capituler,
soit à ta-per sur les ouvriers ce qui donne alors à ceux-ci le droit de
se défendre et par la même occasion de jeter bas toute la vieille
société.". Marx et Engels finirent par considérer que la grève générale
n'avait pas de rôle particulier à jouer dans la stratégie ouvrière. Mais,
en 1893, Engels (Marx était déjà mort) reconsidéra la question de la
grève générale à la lumière de la lutte de classe en Belgique où, par le
biais d'une telle grève, les travailleurs venaient d'arracher des acquis
politiques importants. Loin de dénoncer l'utilisation de cette nouvelle
tactique, Engels montra qu'il s'agissait d'une arme très puissante qu'il
fallait manier avec précaution. Comme il l'a dit dans une lettre à
Kautsky : "la grève politique doit, ou bien vaincre tout de suite, par sa
seule menace (comme en Belgique où l'armée était très secouée), ou se
terminer par un fiasco colossal ou, en définitive mener directement aux
barricades."
Trotsky dira : "Ainsi que tout marxiste le sait, la grève générale
constitue l'un des moyens de lutte les plus ré-volutionnaires. La grève
générale n'est possible que lorsque la lutte des classes s'élève
au-dessus de toutes les exigences particulières et corporatives, s'étend
à travers tous les compartiments des professions et des quartiers, efface
les frontières entre les syndicats et les partis, entre la légalité et
l'illégalité, et mobilise la majorité du prolétariat en s'opposant de
façon active à la bourgeoisie et à l'Etat. Au-dessus de la grève
générale, il ne peut y avoir que
l'insurrection armée."
Les grèves générales en France
La première tentative de grève générale en France est prévue pour le 1er
mai 1906 avec pour but l'obtention de la journée de 8 heures (déjà
obtenue en Angleterre). A l'approche de la date fatidique, Georges
Clemenceau, premier flic de France, futur président du Conseil, masse 50
000 hommes dans la région parisienne. Sous prétexte de déjouer un
complot, le ministre fait arrêter le secrétaire de la CGT le 30 avril. Le
lendemain, la police à cheval rend impossible tout rassemblement
parisien. En province, la mobilisation est médiocre. L'agitation se
prolonge jusqu'à la fin du mois de mai. Néanmoins, le mouvement a échoué.
Le Parlement adopte le 13 juillet 1906 une loi sur le repos hebdomadaire
sans que l'offensive syndicale ait véritablement pesé sur le projet conçu
de longue date par des parlementaires réformistes. Le congrès de la
"Charte d'Amiens" se tient du 8 au 14 octobre 1906. Il tire les leçons du
1er mai 1906 mais aussi de la formation en 1905 du Parti socialiste
unifié, la section française de l'Internationale ouvrière (SFIO). En
dépit des critiques provenant des médiocres résultats de l'action, le
mouvement entrepris est à poursuivre. Le rapporteur évoque un schéma à
quatre temps : luttes par branches, arrêts simultanés, grève générale,
révolution. La Charte d'Amiens écarte toute stratégie
parlementaire. Autonome, le syndicat, expression de toute la classe,
travaille à l'amélioration immédiate du sort des travailleurs et à plus
long terme, à leur émancipation par la grève générale.
En mai et juin 1936, après la victoire du Front populaire, déferle une
vague de grèves qui touche la quasi-totalité des secteurs agricole,
industriel et commercial du privé (12 000 entreprises dans le secteur
privé - le "public" n'est pas en grève, ne bénéficiant pas du droit de
grève -, près de deux millions de grévistes, dont les trois quarts
occupent leurs usines). Le 18 juin, Jouhaux, secrétaire inamovible
(depuis 1909 !) de la CGT n'en revient tou-jours pas : "Le mouvement
s'est déclenché sans qu'on sût exactement comment et où." Aucune consigne
centrale en effet ne l'a précédé, ni même accompagné. Des comités de
grève, s'ils ont le mérite d'exister, d'être en général assez
représentatifs des différents secteurs de l'entreprise, sont rarement
élus autrement qu'à l'applaudimètre de l'AG. Leur coordination est
inexistante à quelques exceptions ou tentatives près : la CGT réunit à
plusieurs reprises des délégués syndicaux de la métallurgie ; il existe
un comité intermagasins dont les délégués accompagneront les syndicats
aux négociations du secteur ; enfin le comité de grève d'Hotchkiss
tentera de faire vivre une coordination de 33 puis 280 usines
métallurgiques de la région parisienne au point culminant du mouvement.
La grève imposera les accords Matignon qui vont bien au-delà du programme
électoral du Front populaire. Mais le combat a radicalisé les
combattants. Il faudra toute l'autorité de Thorez pour stopper un
mouvement qui est à son zénith entre le 7 et le 12, c'est-à-dire après
les accords dits maintenant Maquignon. L'autre grande grève générale fut
celle de mai 68 (2). Tandis que les étudiants tiennent d'interminables
"as-semblées générales" depuis la fermeture de Nanterre le 2 mai, les
ouvriers, las de grèves ponctuelles et de négociations infructueuses,
décident de contrer plus durement
l'intransigeance patronale. Des luttes très dures menées début 68, on
peut trouver trace dans un article du Combat Syndicaliste du 22 février
1968, journal de la CNT (qui avait à l'époque une existence symbolique),
dans un article intitulé "Vive l'action directe" :
"- Nantes, 20 janvier 1968 : "L'installation du nouveau conseil
d'administration de la Caisse primaire de sécurité sociale a donné lieu à
une manifestation des unions locales des syndicats ouvriers. Des C.R.S.
venant prêter main forte aux gardiens de la paix, des projectiles divers
étaient lancés sur les forces de police et les premières sommations
étaient faites"
- Redon, 20 janvier 68 : "Les ouvriers de l'usine Jean GARNIER, fabrique
de machines agricoles ont, au nom-bre d'environ cinq cents, de nouveau
débrayé jeudi soir et parcouru la ville. Ils ont encore jeté quelques
pierres et boulons contre les fenêtres de l'appartement particulier du
sous préfet et de la gendarmerie. ...
- Caen, 24 janvier 68 : "Le climat s'est durci à Caen. A proximité de
l'hôpital, la police voulut barrer la route aux ouvriers qui arrivaient
au coude à coude. Le heurt fut violent avec les manifestants armés de
morceaux de bois... Une autre échauffourée avait eu lieu le matin sur la
R.N. 13 à l'entrée de Caen, où les gardes mobiles ont dû dégager la route
bloquée pendant trente minutes par les ouvriers en grève de la Sonormel"
- Angers, 27 janvier 68 : plusieurs centaines de viti-culteurs ont
manifesté contre les conditions d'application de la TVA. à leur
profession.... C'est alors que quelques incidents éclatèrent, des
manifestants lançant des pétards dans la cour de la préfecture. Ensuite
une centaine de manifestants, malgré l'ordre de dispersion, se dirigèrent
vers la gare et envahirent les voies. A 18 h 30, deux trains ont ainsi
été bloqués"
- Caen, 27 janvier 68 : "La manifestation organisée à Caen vendredi
après-midi pour appuyer les revendica-tions des ouvriers métallurgistes
en grève s'est prolon-gée dans la soirée par de véritables scènes
d'émeutes. 18 blessés, 86 personnes, jeunes pour la plupart, furent
appréhendées. Mais dès qu'un cortège se forma, il apparut très rapidement
que des manifestants, particulièrement des jeunes, étaient très
échauffés. Ces manifestants ne dissimulaient guère leurs intentions : ils
tenaient à la main des barres de fer et avaient les poches bourrées de
projectiles. Les gardes mobiles apparurent bientôt lançant des grenades
lacrymogènes. La nuit tombée, pendant trois heures, de violentes bagarres
se multiplièrent au centre de la ville. En même temps, des vitrines, des
feux de signalisation, des enseignes étaient brisées, des voitures
endommagées. La B.N.R a été lapidée, un camion de pneus a été la proie
des flammes. (...)"
L'agitation étudiante, jusque-là isolée, rencontre la sym-pathie de
l'opinion publique : le 13 mai, à Paris et dans toute la France, les
syndicats manifestent avec les étudiants pour protester contre les
brutalités policières. La crise prend alors une nouvelle dimension, car
le lendemain, de façon tout à fait inattendue et spontanée, une vague de
grèves s'enclenche: à la révolte étudiante succède une véritable crise
sociale. Au soir du 14 mai, les salariés de Sud-Aviation, dans la
banlieue de Nantes, occupent leur usine et séquestrent le directeur. Les
15 et 16, la grève gagne les usines Renault de Cléon et Sandouville
(Seine-Maritime), Flins et Boulogne-Billancourt. Progressivement,
jusqu'au 22 mai, et sans mot d'ordre syndical national, le mouvement
s'étend. Le pays se retrouve paralysé par 7 millions de grévistes
déclarés (sans compter les salariés en chômage technique, ou bloqués par
le manque de transports). Les usines, les bureaux, les services publics,
les transports, tous cessent le travail. Nées spontanément, les grèves de
Mai 68 ne sont encadrées qu'a posteriori par les syndicats, qui collent
cependant autant que possible au mouvement, tentant de le traduire en
revendications négociables.
Après un week-end marathon, sont signés entre le gou-vernement d'un côté,
la CGT et la CFDT de l'autre, les "accords de Grenelle" du lundi 27 mai
qui se traduisent par :
- Relèvement du SMIG de 35 %, ce qui le portait de 2,22F à 3 F
Généralisation du SMIG à toute la France (le SMIC n'existait pas encore -
il sera institué en 1970 -. Le minimum était le SMIG, Salaire Minimum
Interprofessionnel Garanti, basé et indexé sur l'indice des prix à la
consommation, mais il ne s'appliquait pas partout en France, ni dans tous
les secteurs d'activité).
- Hausse des salaires de 10 % en 7 mois
- Extension des droits syndicaux
- Reconnaissance de la section syndicale d'entreprise
- Accords de réduction du travail pour revenir progres-sivement aux 40
heures
- Travaux sur le droit à la formation continue, sanctionnés par l'accord
de juillet 70 instaurant la formation professionnelle rémunérée.
Mais ce compromis de Grenelle ne satisfait pas la base ouvrière : il
privilégie les revendications "quantitatives" classiques, alors que les
grévistes mettent plutôt en cause les rapports de travail et les
structures de pouvoir dans l'entreprise. La reprise du travail se fait
lentement. On se bat encore, mi-juin, à Flins et à Sochaux. Bien des
grévistes se sentent floués; mais ils sont isolés. Ces accords
consacrèrent la liquidation du programme révolutionnaire en accordant aux
syndicats ouvriers un statut officiel de "partenaire social" qu'ils
occupaient déjà de facto dans le mode de régulation fordiste en place
depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mai 68 a été un vaste
mouvement de contestation. Contestation du pouvoir, contestation des
institutions, contestation de De Gaulle, contestation des règlements
universitaires, contestation de la violence policière,
contestation de la société, contestation des tabous sexuels, contestation
des conditions de travail, contestation de la croissance économiqueŠ
Une grève générale partielle (dans la fonction publique)
Début juillet 1953, bénéficiant des pouvoirs spéciaux, Laniel, président
du
conseil, annonce qu'il va prendre toute une série de mesures afin de
limiter les dépenses sociales (ce pour financer les dépenses militaires
de la guerre coloniale en Indochine) : réformes de l'assurance sociale,
suppression de 4 000 emplois dans la fonction publique, allongement de
l'âge de la retraite. La procédure voulait que ces projets soient soumis
par le gouvernement au Conseil supérieur de la Fonction publique qui
devait se tenir le 4 août. Ce même jour, la CGT, le Syndicat autonome et
la CFTC (la CFDT, qui en fut issue, n'existait pas encore) appelèrent à
organiser des pétitions, des délégations et un débrayage d'une heure
contre les décrets annoncés. FO s'était contentée le 3 août d'une mise en
"état d'alerte" de ses syndicats. Le 4 août donc, l'activité cessait dans
la quasi-totalité des bureaux, des centres et des services postaux mais,
comme il était prévu, le travail reprit au bout d'une heure, sauf à
Bordeaux. Là, un militant de FO, Jean Viguié, de tendance
anarcho-syndicaliste, prit le micro et résuma la situation: "Seule une
grève générale et illimitée peut aboutir à faire reculer le gouvernement"
et conclut en disant: "Pourquoi ne la
lancerions-nous pas ?". Les applaudissement tinrent lieu de vote. Par
téléphone, les postiers grévistes de Bordeaux avertissaient eux-mêmes
leurs collègues, dans le reste du pays. Deux jours plus tard, la grève
était générale dans les PTT et gagnait d'autres secteurs, concernés eux
aussi par les décrets-lois. À son point culminant, la grève fut suivie
par quatre millions de travailleurs. Il n'y avait plus de trains, plus de
courrier. Le téléphone, alors manuel entre Paris et la province, était
paralysé, le gouvernement dut utiliser les lignes intérieures de l'armée.
Les chèques postaux étaient bloqués, les ordures ménagères s'entassaient
sur les trottoirs des villes. Elle dura jusqu'au 25 août. Mais pour le
gouvernement comme pour les syndicats, il s'agissait de régler cette
affaire avant la fin du mois d'août, avant que le reste des salariés ne
retourne au travail. Le 20, un accord était signé avec FO et la CFTC. Le
gouvernement reculait sur les retraites et les salaires les plus bas.
L'ordre de reprise de FO et de la CFTC fut sans effet. Pour la CGT, il
s'agissait de faire un baroud d'honneur démonstratif de leur influence.
Démonstration faite, la CGT appela à la reprise du travail le 25 août,
sans que les travailleurs obtiennent rien de plus. Mais le gouvernement
avait dû remiser ses fameux décrets-lois et promettre d'augmenter les bas
salaires.
De 1968 à aujourd'hui...
La masse de grévistes de 1968, si elle n'a pas ébranlé le régime malgré
la bonne frousse flanquée à la bourgeoisie, a tout de même contribué à un
certain rééquilibrage du rapport de force entre le capital et le travail.
Des acquis, certes au-dessous de ce qui était escompté, ont pu être
arraché au pouvoir et à la bourgeoisie. De plus, ce nouveau rapport de
force s'accompagnait d'une contestation frontale des valeurs bourgeoises.
Depuis, nous avons assisté à l'érosion de ce rapport de force qui s'est
infléchi en faveur du capitalisme. Des restructurations gigantesques,
parfois pilotées par l'Etat lui-même, ont jeté à la rue des centaines de
milliers de travailleurs. L'offensive de la bourgeoisie s'accentue
ensuite pour réduire à l'état de miettes les acquis cumulés d'un
demi-siècle de luttes sociales. Ces éléments d'un "compromis" entre
travail et capital que certains croyaient possible sont éliminés.
L'action continue du capitalisme est d'autant plus efficace qu'elle est
déterminée à parvenir à ses fins et ne trouve face à elle que des
réactions dispersées, même si elles sont parfois spectaculaires, et des
organisations de travailleurs persistant à penser dans le cadre d'un
"compromis" que la bourgeoisie a depuis longtemps rompu. Ainsi, ces
dernières années ont laissé l'initiative à une bourgeoisie jalouse de ses
prérogatives, ne comptant partager aucune parcelle de pouvoir, désireuse
de maintenir puis d'augmenter de manière conséquente ses taux de profit.
Par ses coups de boutoirs sans cesse plus violents, elle contraint les
travailleurs à se cantonner à une posture défensive. Celle-ci, souvent
désespérée, demeure à l'écart de toute coordination, inconsciente souvent
du nouveau rapport entre les classes et nostalgique d'une période
d'équilibre qui s'est avérée illusoire, un repli stratégique de la classe
des possédants. Cette défensive des travailleurs n'est pas même élément
d'une stratégie de cantonnement qui travaillerait à la construction d'un
nouveau rapport de force, prélude, en même temps qu'élément constitutif
d'une stratégie offensive future, consciente cette fois de l'impossible
existence d'un quelconque compromis durable avec le capital et l'Etat.
Pour que cette conscience rejaillisse, la révolte élémen-taire, même sous
ses formes actuelles, est d'une impé-rative nécessité. Elle doit être le
socle d'une nouvelle conscience de classe débouchant sur une nouvelle
conscience politique indispensable au constat des en-jeux liés aux
rapports de classe d'aujourd'hui.
Lors du mouvement de ce printemps, nous avons pu entendre le mot d'ordre
"Grève Générale" émerger ça et là, de la bouche de militantes et
militants révolutionnaires certes, mais surtout des franges les plus
déterminées de salariés en lutte. Ainsi, parmi les personnels les plus
engagés de l'Education Nationale (minorité importante et très active) est
apparue l'affirmation de la nécessaire confrontation générale sans
laquelle leurs revendications propres n'ont aucune chance d'aboutir. Il
en va de même, évidemment, pour tout mouvement catégoriel. Auparavant et
en même temps, des sections syndicales d'entreprises licenciant en masse
se rencontraient pour construire une réaction des travailleurs à la
hauteur des enjeux en dénonçant clairement le capitalisme et en défendant
l'urgence de la construction d'un rapport de force offensif.
Aujourd'hui, la nécessité de la grève générale, la nécessité de
synthétiser les mécontentements grandissants de tous les salariés,
chômeurs et précaires, germe dans les mouvements. Sans prise de
conscience globale, sans lutte d'ensemble, il sera de plus en plus
difficile de faire avancer quoi que ce soit pour quelle catégorie que ce
soit. Notre salut est encore une fois dans l'union active de tous les
travailleurs. Cependant, il faut maintenir les liens apparus dans les
mouvements au risque de devoir repartir de zéro à chaque coup tordu du
pouvoir. Pour que nécessité puisse devenir réalité, coordination et
organisation sont d'une vitale nécessité, car aucun mouvement se voulant
victorieux ne peut se contenter de se payer de mots.
Camille et Christophe, OCL Reims
Sources : Encyclopédie Hachette, la CNT SAM de Marseille, la brochure de
CNT-AIT de Toulouse sur Mai 68, Rouge du 31/07/2003, Lutte ouvrière du
15/08/2003, un texte d'auteur inconnu, intitulé "La grève générale [Un
point de vue... marxiste]", Temps critiques et autres lectures
(1) courant socialiste français qui fondait sa politique sur des
principes marxistes et ayant pour but final: le renversement du
capitalisme. En 1880, le parti ouvrier français est fondé par Jules
Guesde et Paul Lafargue. En 1905, ce courant participera à la création
du nouveau parti socialiste unifié (qui en adhérant à la IIe
Internationale adopta le titre de Section française de l'Internationale
ouvrière : SFIO), mais ses thèses ne furent pas celles retenues par ce
parti.
(2) on vous recommande vivement de lire, si vous ne l'avez pas encore
fait, le numéro Hors-série à ce sujet de Courant alternatif, 3,80 euros
Article tiré de Courant alternatif # 134
décembre 2003 - 24 pages - 2,3 euros.
Journal disponible dans les maisons de la presse, dans certaines
librairies et par abonnement : pour 1 an (10 numéros mensuels + 2
hors-séries) 31 euros. 1 numéro gratuit sur demande.
pour contacter l'Organisation communiste libertaire :
OCL c/o clé des champs, BP 20912, 44009 Nantes cedex 1
E-mail : oclibertaire@hotmail.com
Site web : http://oclibertaire.free.fr/
*******
*******
****** Agence de Presse A-Infos ******
Information d'intérêt pour et au sujet des anarchistes
Pour s'abonner -> écrire à LISTS@AINFOS.CA
avec le message suivant: SUBSCRIBE A-INFOS-FR
Pour plus d'info -> http://www.ainfos.ca
Vous voulez reproduire ce message?
Pas de problème, veuillez s'implement inclure cette section.
A-Infos Information Center