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{Info on A-Infos}
(fr) Anticolonialisme : Guadeloupe, pour l'appropriation de la mémoire et du travail
From
worker-a-infos-fr@ainfos.ca
Date
Sat, 8 Jun 2002 18:54:41 -0400 (EDT)
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A G E N C E D E P R E S S E A - I N F O S
http://www.ainfos.ca/
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Alors que la Guadeloupe est travaillée par de nombreuses grèves revendicatives
et de transformation sociale et que l'année 2002 est marquée par le
bicentenaire de la lutte contre le rétablissement de l'esclavage, nous nous
sommes entretenu avec Serge Apatout, responsable des relations internationales
à l'Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG) afin de mieux
comprendre le rôle actif qu'y joue l'UGTG.
Alternative libertaire : Depuis quelques mois les grèves se développent en
Guadeloupe (ANPE, impôts, KFC, hôtellerie...) dans un contexte social très
tendu ? Comment expliques-tu ce regain de combativité ? Et de quelles
perspectives sont porteurs ces conflits ?
Serge Apatout : Perspective de transformation sociale, notamment par
l'émancipation de l'homme qui, par son combat au sein de l'UGTG, gagne en
dignité. L'UGTG, dès sa création, a pris position pour l'indépendance et le
droit à l'autodétermination. Avec la mondialisation on est au coeur du
problème. Patronat, élus et gouvernement français font tout pour réussir cette
mondialisation.
Prenons les 35 h. C'est une idée généreuse au départ de solidarité avec les
travailleurs privés d'emplois. L'UGTG les a négociées ou imposées dans le
privé. Dans la fonction publique, le gouvernement a publié un décret instaurant
un socle de 1 600 heures annuelles ce qui aurait pour conséquence d'augmenter
le temps de travail des agents en faisant perdre les acquis des jours fériés
locaux. Les fonctionnaires pensaient en général qu'on ne pouvaient rien faire.
Pourtant à l'ANPE, nous avons fait sauter le verrou du décret des 1 600 heures
et obtenu des créations d'emplois. Pour cela il a fallu 80 jours de grève et de
manifestation.
Aujourd'hui il faut aller plus loin et contrer cette mondialisation qui veut
écraser les travailleurs, comme on le voit avec les coups portés à l'OIT
(Organisation internationale du travail), permettant ainsi de licencier les
femmes enceintes, d'instaurer le travail de nuit des femmes ou encore de
légaliser le travail des enfants dès l'âge de 13 ans.
AL : Comment l'UGTG articule-t-elle son implication dans ces luttes, qu'elle
impulse souvent, avec son projet de décolonisation de la Guadeloupe ?
S.A. : On est confronté à un conditionnement post-esclavagiste. Pour ceux qui
dirigent, tu es inférieur, le patron fait son boulot, le maire, c'est pareil,
et on cherche à inféoder les travailleurs à ces 'responsables'.
Mais à l'UGTG, nous disons qu'il faut intensifier la lutte de classe et que
c'est par la grève générale, sur la base d'un programme d'action de la classe
ouvrière et la désobéissance civile que nous imposerons à la France la
négociation d'un dispositif de décolonisation et de développement économique et
social dans l'intérêt du peuple et des
travailleurs guadeloupéens.
AL : Mai 2002 sera do miné par le bicentenaire de la lutte contre le
rétablissement de l'esclavage par Napoléon Ier, mais aussi par l'anniversaire
de l'abolition de l'esclavage (27 mai 1794). Des mobilisations, au nom de la
mémoire des esclaves qui ont lutté pour leur émancipation, sont prévues.
Quelle part allez-vous y prendre ?
Quels autres mouvements en sont partie prenante ?
S.A. : L'UGTG a programmé une série de manifestations à cette occasion. La
tendance
actuelle est à l'union des travailleurs en Guadeloupe. L'intersyndicale englobe
la FSU, le
SPEG (enseignants guadeloupéens), l'UNSA, la CGTG et l'UGTG.
Le 1er mai sera donc unitaire. D'autres manifestations se dérouleront durant le
mois de mai. Elle permettront de battre en brèche l'histoire officielle qui est
celle des colonisateurs et qui fait la part belle à Bonaparte responsable du
rétablissement de l'esclavage en mai 1804.
Un peuple sans mémoire ne peut pas exister. Il faut prendre racine sur notre
vrai socle. Actuellement il y a un travail de réactualisation et de
réappropriation de la mémoire guadeloupéenne.
Avec d'autres syndicats, nous avons prévu des manifestations et une marche
symbolique de la mémoire sur la trace des combattants contre l'esclavage
(Ignace tué à Baimbridge, Delgrès qui s'est dynamité à Matouba'), visite des
sites symboliques et des lieux de combats avec un comité d'historiens pour nous
éclairer. L'UGTG appelle les travailleurs et l'ensemble du peuple à rendre
hommage à ces valeureux combattants et à suivre leur exemple de courage et de
combativité pour construire notre pays.
Nous voulons contribuer ainsi à un travail de reconstruction de la mémoire.
Outre les liens avec les organisations syndicales de Guadeloupe, l'UGTG
entretient des relations avec des organisations de Guyane, Martinique, Haïti,
Saint-Domingue et Cuba.
AL : Ce bicentenaire n'est-il pas l'occasion de porter avec force la questions
des réparations et celles-ci ne constituent-elles pas un préalable pour rendre
l'indépendance viable ?
S.A. : Il y a le combat pour s'affirmer comme fils d'esclave. Mais le combat
pour le remboursement de la dette coloniale et esclavagiste est lui aussi très
important. Sur cette question, notre congrès a adopté une résolution. Le
colonialisme nous doit réparation et l'UGTG adhère aux renvendications du
Comité mondial pour les réparations psychologiques, sociales, morales,
économiques, culturelles et spirituellles.
AL : l'UGTG incarne un combat antiraciste, anticolonialiste et de classe. Si
les luttes que vous organisez visent à améliorer les conditions de vie et de
travail des travailleurs de Guadeloupe, elles ont aussi pour objectif la prise
de contrôle de secteurs économiques aux mains du patronat béké qui descend le
plus souvent des planteurs esclavagiste.
Qu'est-ce pour vous que l'alternative ? Que les travailleurs(ses) noir(e)s
accèdent à des responsabilités aujourd'hui accaparées par les blancs ? Ou
s'agit-il en délogeant les békés, d'évincer les capitalistes et de construire
un société libre, égalitaire et sans discrimination ?
S.A. : C'est toujours une question de dignité. On ne veut pas devenir les
nouveaux capitalistes. On nous a dit que nous étions incapables de prendre des
responsabilités.
Pendant ce temps les patrons rackettent, imposent les avantages fiscaux puis
ferment les entreprises.
Il n'est pas question qu'on ait pas de maîtrise sur l'outil de travail. Notre
démarche vise à pousser les travailleurs à s'appropprier les entreprises
fonctionnelles et que les patrons ferment.
Nous voulons que ce soient les travailleurs, et non l'UGTG, qui prennent le
contrôle de ces entreprises. Qu'on le veuille ou non, on se situe dans la
logique où les gens du pays doivent maîtriser eux-mêmes l'économie.
On pourrait citer plusieurs entreprises, telle cette société de travaux publics
mise en liquidation judiciaire et dont les salariés se sont rendus maîtres. Une
autre société, La Salade antillaise, a connu trois faillites tout en empochant
des subventions de la Région. Lors de la quatrième faillite l'UGTG a convaincu
les salariés de reprendre en main l'outil de travail et cette entreprise
fonctionne toujours mais à présent sous leur contrôle exclusif.
L'ASTPP (transport des produits pétroliers) est en train de connaître un sort
similaire. En effet, c'est à la suite d'une décision du patron de vendre
l'entreprise que les travailleurs ont décidé d'en prendre le contrôle.
AL : Veux-tu rajouter quelque chose ?
S.A. : Oui j'aimerais dire quelques mots sur le MEDEF de Guadeloupe.
Vial-Collet l'homologue d'Ernest-Antoine Seillère revendique lui aussi
l'ingérence du patronat en politique... alors que son entreprise KFC viole le
droit du travail.
Propos recueillis le 12 avril 2002
[Extrait d'Alternative libertaire. À consulter à
http://www.alternativelibertaire.org]
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