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(fr) FA Lyon -[Dans le ML]Néolibéralisme et autorité: un pléonasme plutôt qu'un oxymore
Date
Tue, 5 Feb 2019 22:44:01 +0000
Dans le Monde Libertaire de Décembre 2018 ---- Compte-rendu de Grégoire
Chamayou, La Société ingouvernable, une généalogie du libéralisme
autoritaire, Paris, La Fabrique, 2018, 326p. ---- Voici un texte qui
s'avère utile pour penser le monde contemporain. L'objet de l'analyse, à
savoir le basculement des années 70 et l'inauguration d'un nouvel «art
de gouverner» qui est encore actif aujourd'hui et dont il s'agit de
saisir le mode de production multiple, à la fois dans les discours
scientifiques, mais aussi stratégiques et patronaux, vise à nous aider à
comprendre ce qui caractérise l'époque que nous vivons. Ces nouveaux
discours qui apparaissent dans les années 1970, lors de la
«contre-révolution néolibérale», en réponse à toute une série de
critiques venues de la gauche sur le mode de production capitaliste,
l'entreprise, l'écologie, le gouvernement etc. nous invite également à
repenser nos propres catégories politiques. L'irruption de nouveaux
objets politiques, les multinationales, les stratégies d'incitations
fondées sur les sciences, le gouvernement par les marchés, nous invite
ainsi à abandonner les vieilles catégories politiques qui sont les
nôtres, et notamment l'idée d'une souveraineté qui serait limitée à
l'État, dont nous héritons du XVIème siècle. ---- Bien que la thèse d'un
(néo)libéralisme autoritaire ne soit pas neuve dans les textes portant
sur les formes contemporaines - à partir des années 1970 - du
libéralisme, qu'on a coutume, et l'ouvrage de Chamayou n'y tranche pas,
d'appeler désormais «néolibéralisme», ce livre est précieux. En effet si
cette thèse d'un libéralisme économique se fondant sur un État fort
policièrement et politiquement, capable de réprimer les résistances et
les révoltes et d'organiser, massivement ou plus stratégiquement, le
démantèlement des entreprises publiques, apparaît déjà chez Harvey
(Brève histoire du néolibéralisme) ou pour les francophones chez Dardot
et Laval (La Nouvelle raison du monde), Chamayou se propose un
traitement original de cette question. Il s'agit dans ce livre non pas
d'une histoire intellectuelle du néolibéralisme, mais d'une histoire
croisée des théories, des discours et des pratiques, en prenant le parti
de mélanger des «Prix Nobels» d'économie et des patrons, des idéologues
et des «scientifiques», des casseurs de syndicats et des intellectuels.
Cette façon de raconter l'histoire, inspirée de l'historiographie
foucaldienne, s'avère ici passionnante. On montre ainsi comment la
réaction venue du milieu des affaires, Chamayou assume faire une
histoire «d'en haut», à savoir du point de vue des dominants, aux
critiques de la gauche sur le modèle économique capitaliste dans les
années 1960 et 1970. En cela l'ouvrage tranche avec plusieurs écueils:
la vision unitaire d'un néolibéralisme qui se serait imposé de façon
implacable et cohérente, qui confine à une forme de complotisme, tout
comme l'éclatement de plusieurs possibilités qui viennent dissoudre
l'idée même de l'existence du néolibéralisme en une série de discours
discordants. On voit ainsi comment la pensée néolibérale, réagissant aux
différentes critiques venues de plusieurs milieux de gauche, s'est
composée de façon «bâtarde», principalement aux États-Unis, lieu
principal d'élaboration de la nouvelle pensée libérale, mais possédant
néanmoins une certaine unité visant à défendre des positions politiques
par divers moyens.
L'ouvrage est ainsi extrêmement riche en développements et analyses
historiques précises et sourcées, s'intéressant à des aspects différents
de la réponse «néolibérale» aux nombreuses critiques portant sur le
libéralisme et le capitalisme. Je donnerai ici uniquement quelques
exemples du type d'analyse qu'on trouve dans l'ouvrage.
Ainsi la première partie du livre s'intéresse aux réponses du patronat,
d'un point de vue stratégique, vis-à-vis des critiques portant sur le
travail, notamment dans les usines américaines d'automobile. Ces
critiques produisent des effets réels: absentéisme, désorganisation,
tentation d'autonomie des travailleurs, etc. Dans ce cadre les syndicats
sont également puissants et demandent des garanties toujours plus
importantes au patronat. Il va s'agir pour les milieux patronaux
américains de constituer une stratégie de réponse pour répondre aux
syndicats. Grégoire Chamayou décrit ainsi avec précision les indications
qu'on retrouve formulée à l'époque aux patrons et aux gestionnaires de
ces entreprises pour discipliner les travailleurs et casser les
syndicats. Il va s'agir par exemple de les cuisiner lors des entretiens
d'embauches pour savoir s'ils ont des sympathies progressistes, leur
tenir des discours sur l'inutilité des syndicats («La compagnie
fonctionne sans syndicat, et ce depuis longtemps. Nous ne disons pas que
les syndicats sont bons, ni d'ailleurs qu'ils sont mauvais, juste que
nous n'éprouvons pas le besoin d'en avoir chez nous; or il semble bien
que personne n'a jamais éprouvé le besoin d'en avoir chez nous,
puisqu'ici, il n'y a pas de syndicat.» p. 34), virer systématiquement
les syndiqués ou ceux qui songent à le faire, établir des profils
psychologiques des employés, mais aussi espionner les réunions pour voir
les leaders et, si besoin, les harceler en faisant appel à des groupes
spécialement constitués pour casser les leaders syndicaux. On conseille
ainsi non seulement de jouer sur le tableau répressif mais aussi sur le
tableau du discours corporate, de la responsabilisation individuelle
(«réglez vos problèmes vous-mêmes, vous êtes libres» etc.).
Ces réponses pratiques et stratégiques au sein de l'entreprise vont
s'articuler avec tout un discours scientifique que Chamayou déconstruit,
et qui vise à gommer l'aspect disciplinaire et hiérarchique de
l'entreprise. Ainsi il analyse la production scientifique économique de
la firme, qu'on appelle «néo-institutionnaliste». Il lit ainsi avec
précision un article de 1976 de Jensen et Meckling, extrêmement cité
dans la littérature, qui, sous couvert de défendre une théorie
scientifique de la firme comme «fiction juridique», vise en fait à
défendre un agenda politique en montrant que la firme, n'étant qu'une
fiction produite par le droit, ne peut avoir de «responsabilité sociale
ou écologique. La force de la démonstration de Chamayou est de montrer
l'entremêlement indiscutable de productions scientifiques au sein de la
discipline économique et de positionnements idéologiques réactionnaires
visant de fait à défendre la grande entreprise en essayant de gommer
l'exercice du pouvoir immanent à la situation hiérarchique du salariat.
On produit ainsi tout un tas de théories mystificatrices cherchant à
nier l'inégalité des situations: la théorie des contrats qui indique que
la firme n'est constituée que d'individus égaux contractant librement
entre eux et pouvant symétriquement prendre congés l'un de l'autre (en
faisant abstraction de la nécessité de travailler pour certains,
puisqu'il est dit qu'un employé peut «licencier» son patron en ne
travaillant plus pour lui!), ou encore la théorie du capital humain,
développée par Gary Becker contre Marx et sa théorie de l'exploitation,
stipulant que les individus possèdent tous du capital vu que leur
éducation et leur formation sont le résultat d'un investissement, qu'ils
mettent sur le marché comme des entrepreneurs.
La force du propos de Chamayou est ainsi de réussir à mettre en relation
toute une série d'éléments qui apparaissent disparates. Ainsi il
raccroche également au néolibéralisme l'invention de l'analyse
cout/bénéfice, comme une façon de révolutionner l'épistémologie de la
preuve (il faut désormais prouver qu'une régulation étatique d'un danger
écologique ou social apporte plus de bienfaits que de cout économique
inhérents à la régulation), comme une façon pour le patronat de lutter
systématiquement contre toute tentative de régulation, écologiques - le
livre traite très bien de cette question écologique- sociales et politiques.
Tous ces éléments n'impliquent pas un État évanouissant pour Chamayou
mais au contraire une reconfiguration du rôle de l'État comme garant des
politiques néolibérales. Comme l'ultime chapitre le montre l'État
néolibéral n'est pas absent, mais extrêmement puissant dans son cadre,
notamment pour appuyer les réformes néolibérales et pour garantir
l'ordre public, en réprimant si besoin les manifestations et les
résistances. L'auteur démontre ainsi comment les positions libérales de
Hayek et de Friedman, les deux représentants les plus importants du
néolibéralisme, s'accordent très bien avec la violence dictatoriale du
Chili à partir de 1973 ou encore de l'Argentine à la même époque. La
formule du néolibéralisme apparaît ainsi clairement formulée: une
économie libre soutenue par un État fort.
Il ne faut pas ainsi se laisser tromper par les accents libertaires que
chantent le managment et la théorie néolibérale, annonçant
l'ingouvernabilité radicale des individus et des sociétés. Le
néolibéralisme apparaît comme radicalement autoritaire sur plusieurs
plans: sa théorie du marché spontané ne peut exister que sous la
contrainte politique permanente et l'organisation juridique de l'État;
d'autre part autoritaire il l'est également en ce qu'il consiste à
défendre - tout en niant cette réalité, ce qui est le propre de
l'idéologie! - la discipline et l'exploitation au sein de l'entreprise.
L'autorité se trouve ainsi être politique, sociale et économique.
Face à cela, et notamment au faux-dilemme d'une opposition systématique
d'une intervention étatique paternaliste (illusoire étant donné que les
cadres administratifs de l'État sont eux-mêmes convertis à l'idéologie
néolibérale) à l'auto-organisation des marchés, Chamayou invite à
repenser l'auto-gestion, chose, qui ne peut que plaire aux libertaires
qui pensent et défendent l'autogestion, contre l'État et la firme
autoritaire, depuis longtemps. Les développements de ce livre donnent
ainsi des outils de compréhension critique importants pour souligner
l'importance de la mise en avant du projet libertaire.
NCJ - Groupe Graine d'Anar (Lyon).
https://grainedanar.org/2019/02/04/dans-le-ml-neoliberalisme-et-autorite-un-pleonasme-plutot-quun-oxymore/
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