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(fr) Organisation Communiste Libertarie (OCL) - Courant Alternatif 303 octobre 2020 Que se passe-t-il donc au Mali?
Date
Wed, 21 Oct 2020 19:17:21 +0100
Un peu d'histoire ---- Le Mali est un pays très pauvre, 120ème PIB
mondial, 188ème en terme de PIB par habitant, il est classé 182ème en
terme de développement (le tout sur 212 pays). C'est un pays enclavé
entouré de pas mal de pays (Sénégal, Côte d'Ivoire, Burkina Faso, Niger,
Algérie, Mauritanie et Guinée) et en grande partie désertique. C'est un
grand pays, il fait deux fois la France, pour environ 20 millions
d'habitants dont 2,5 millions à Bamako (si on peut se fier aux
statistiques), la capitale. ---- C'est pourtant un pays qui a un certain
rayonnement en Afrique de l'ouest, notamment parce que c'est le berceau
du plus grand empire qu'ait connu la région, l'empire du Mali, aux 13ème
- 14ème siècles. Cette tradition restée très forte explique peut-être
qu'au-delà de ses 13 langues reconnues (en plus du français, langue
officielle), ce pays pouvait s'enorgueillir jusqu'à très récemment d'une
grande paix civile, sauf en ce qui concerne les touaregs, bien sur. ----
Devenu indépendant comme tout le monde en 1960, son premier président a
été Modibo Keïta, qui a tenté de construire l'indépendance du pays et
notamment de prendre des distances avec la France et d'oeuvrer pour le
panafricanisme. Il a donc été renversé par un coup d'Etat en 1968, par
Moussa Traore dont la dictature a duré jusqu'en 1991. On peut parler
alors d'une révolution ou en tous les cas d'un début de guerre civile,
le principal pont de Bamako s'appelle encore le pont des Martyrs, en
hommage aux étudiants contestataires qui y sont morts, qui s'est achevée
par un coup d'Etat (eh oui, déjà!) qui a mis fin à la dictature et
instauré une période de transition en promettant de rétablir la paix et
de mettre en place des élections, ce qu'il a fait, élections auxquelles
l'auteur du coup d'Etat ne s'est même pas présenté (si si!).
Dès le départ, la démocratie a été entachée par la corruption, qui
existait bien sur du temps de la dictature, mais qui s'est en quelque
sorte démocratisée. Ceci dit, des efforts de développement ont été
entamés (construction de routes, de ponts, mise en place d'un réseau
d'eau potable dans les villes, implantation d'écoles, de dispensaires,
etc.). Le président, Alpha Omar Konaré, a fait ses deux mandats, puis
c'est l'auteur du précédent coup d'état, très populaire à l'époque,
Amadou Toumani Touré (ATT pour les Maliens), qui s'est présenté et a été
élu en 2002. Néo-colonie sous la tutelle de la France, le Mali avait
quand même conservé de son histoire récente l'absence de base militaire
française et le refus de signer les accords concernant les sans papiers.
Dès le départ aussi, le problème du Nord, c'est-à-dire en fait le
problème touareg, s'est posé. En effet, l'animosité entre les touaregs
et les autres peuples du pays a toujours été importante, du fait
notamment d'un passé esclavagiste et de razzias, du fait aussi de la
traditionnelle opposition entre nomades et sédentaires, et dès que la
poigne de la dictature se desserre, cette animosité s'exprime. De plus,
cette région est la plus pauvre et la moins développée. Des accords ont
alors été conclus, incluant des touaregs dans l'armée et à des postes
importants.
Enfin, la Libye a commencé à avoir une influence grandissante sur le
pays, les investissements de Khadafi étant très recherchés. L'Arabie
Saoudite aussi a étendu son influence, c'est le roi Fahd qui a construit
le 2ème pont de Bamako. Beau concentré de géopolitique, le 3ème et
dernier pont est chinois.
Le terrain de jeu de la France
Pour être complet, il faudrait dire terrain de jeu de la France et de
l'Algérie, pays avec lequel il y a une frontière importante. Une
frontière dans un désert peuplé de nomades est une frontière
qu'utilisent les terroristes et les bandits quand ils sont pourchassés.
L'Algérie s'est débarrassée d'une partie de son problème terroriste et
de son problème touareg sur le nord du Mali.
En 2011, quand Nicolas Sarkozy s'est amusé à jouer le chef de guerre en
Libye, le gouvernement savait très bien qu'il allait ainsi déstabiliser
l'ensemble de la région. Notamment une partie des touaregs au service de
Khadafi partent avec armes et bagages et se replient sur le nord du
Mali, région nettement moins bien armée et plus pauvre qu'eux. Ce qui
était prévisible arriva, début 2012, le MNLA (mouvement national de
libération de l'Azawad, séparatistes touaregs) s'allie avec Ansar Dine,
Mujao et Aqmi (groupes djihadistes/trafiquants touaregs en partie venus
de Libye et d'Algérie) pour attaquer l'armée malienne, et ils gagnent.
Le président ATT était de plus en plus critiqué pour sa gestion de cette
affaire, et soupçonné de connivence avec les touaregs. Notamment, il
avait nommé ambassadeur en Arabie Saoudite un des chefs rebelles. Un
mouvement de contestation de l'armée (mené par les femmes des
militaires) a commencé après le massacre d'Anguelhok où plus de 100
militaires ont été égorgés. En mars 2012, à un mois de la fin du mandat
d'ATT qui ne se représentait plus, il est renversé par un coup d'Etat
mené par des sous-officiers. La rébellion touareg s'empare du nord qui
est conquis au début de l'été, le MNLA proclame l'indépendance de
l'Azawad, mais est chassé de Gao par les islamistes. Ces derniers
entament leur progression vers le sud. Entre temps, la France avait
positionné ses troupes au Niger pour protéger ses mines d'uranium., qui
sont à la frontière avec le Mali.
En janvier 2013, les djihadistes prennent Konna, c'est-à-dire que la
voie vers Bamako est ouverte. La France décide alors d'intervenir. C'est
l'opération Serval devenue ensuite opération Barkhane. Ibrahim Boubakar
Keïta (IBK pour les Maliens) est élu en aout 2013. C'est lui qui vient
d'être renversé.
Une exaspération croissante contre la présence militaire française et la
corruption
L'intervention militaire française a d'abord été accueillie avec
soulagement. La population n'avait pas du tout envie d'être sous la
coupe des bandits djihadistes. Il faut bien voir que ce sont avant tout
des bandits dans le sens classique du terme, des trafiquants, et c'est
ce qui fait leur richesse. Le vernis religieux légitime la terreur
qu'ils exercent sur la population. Et le courant de l'islam auquel ils
prétendent se référer ne colle pas du tout avec la pratique religieuse
telle que la conçoit la majorité de la population, une pratique
rigoureuse en ce qui concerne les piliers de l'islam, mais fortement
teintée de traditions proprement africaines et plutôt tolérante, en tous
les cas conciliante dans son esprit.
Dans un premier temps, la France (et les troupes tchadiennes) ont
remporté des victoires contre les rebelles et ont commencé à reprendre
le nord. Mais dans le même temps, des négociations ont commencé avec les
groupes du nord, dont la France n'est pas officiellement partie prenante
mais est quand même la cheville ouvrière, les «accords d'Alger », signés
en 2015. Ils sont terriblement compliqués. Un article recense 9 groupes
armés signataires, 6 qui auraient souhaité y être inclus et 7 groupes
djihadistes... Tous ces groupes un peu mouvants s'interprètent en terme
de clans et de types de trafics bien sur.
La France a visiblement cherché à jouer son propre jeu et à négocier
séparément avec les touaregs. Le filon d'uranium du Niger ne s'arrête
surement pas à la frontière, pas plus que le pétrole algérien. Le tout
avec son habituel mépris colonial et l'habileté d'un éléphant dans un
magasin de porcelaine. L'armée malienne a été interdite d'entrer à Kidal
et même les personnalités politiques nationales doivent demander
l'autorisation pour pouvoir y aller. Lorsque Macron est allé présenter
ses voeux aux militaires français au Mali, non seulement il n'a demandé
aucune autorisation de survol, mais il n'a même pas prévenu les
autorités indigènes.
Ces humiliations très mal vécues ont renforcé la méfiance vis à vis
d'accords qui ressemblent beaucoup aux précédents: promesses de morceaux
de pouvoir aux chefs rebelles, et argent à empocher sous couvert d'aide
au développement. Ce qui permet auxdits chefs de mieux asseoir leur
pouvoir, et encourage à la création de nombreuses factions armées pour
récupérer les miettes distribuées.
Et c'est un des motifs de la colère des Maliens qui assistent à la
désagrégation de leur pays avec la constitution de groupes armés
ethniques, les uns catalogués islamistes les autres loyalistes, mais là
n'est pas vraiment le problème, le problème c'est la multiplication des
conflits interethniques ou intervillageois. Le gouvernement est accusé
d'avoir financé des milices qui ne font qu'aggraver le problème. Il y a
eu des scandales de villages encerclés appelant l'armée à l'aide en
vain, celle-ci n'arrivant pas à obtenir d'ordres d'intervention.
Massacres sous l'oeil de l'armée française. Les peuls notamment ont été
laissés complètement à l'abandon, du fait qu'il existe aussi des groupes
peuls djihadiste. Les populations déplacées ne survivent que grâce à
l'aide que collecte la population, notamment à Bamako.
Des protestations importantes contre la corruption ont eu lieu à travers
tout le pays. Ce qui scandalise évidemment beaucoup dans ce contexte, ce
sont les soldats mal armés et mal nourris du fait de la corruption de
leurs généraux. Alors qu'il y a des cérémonies pour chaque soldat
français tué, le gouvernement prétend ne pas avoir le budget pour le
rapatriement des corps des nombreux soldats maliens morts au combat. Le
fils d'IBK notamment, que son père a placé à la tête de la commission de
défense, est accusé d'avoir détourné l'argent destiné à l'armement. Des
vidéos ont beaucoup tourné sur les réseaux sociaux le montrant en train
d'organiser des fêtes luxueuses pendant que les soldats meurent.
Il faut souligner à ce sujet le rôle des réseaux sociaux. Bien sur, ils
sont présents essentiellement en ville et surtout dans les classes
moyennes, mais ils se sont beaucoup généralisés. En effet, les
communications téléphoniques sont très chères, et un réseau comme whats
app par exemple permet aux émigrés de communiquer gratuitement avec leur
famille. De plus, il permet d'envoyer des images, ce qui est quand même
très pratique quand la population est faiblement alphabétisée. Donc,
beaucoup de nouvelles, vraies et surtout fausses, de discours, de
débats, de prêches, circulent sur ces réseaux. Bien sur, les campagnes
ne sont pas équipées, mais elles ont des radios locales assez vivantes.
Et l'avantage des réseaux et des radios, c'est que ça permet de
communiquer en bambara ou autre, donc de rendre infos et débats
accessibles à tous et toutes.
Un pouvoir très contesté
Les dernières élections présidentielles, en 2018, ont été marquées par
des fraudes massives et ont été contestées dans la rue pendant un
moment. Les élections législatives en mars dernier aussi. L'opposant
malheureux d'IBK en 2018, Soumaïla Cissé, député du nord, a été enlevé
pendant sa campagne électorale. On ne l'a toujours pas retrouvé
aujourd'hui. Une trentaine de résultats ont été invalidés au profit du
pouvoir, ce qui a mis le feu aux poudres. A nouveau, un mouvement de
protestation s'est développé, mais cette fois-ci avec l'appui de l'iman
Dicko, un iman très influent dans le pays qui avait soutenu IBK en 2013
(mais pas en 2018). Ce mouvement est unifié sous le nom de «M5-RFP» ou
Mouvement du 5 juin-Rassemblement des Forces Patriotiques, le 5 juin
étant la première date d'une série de manifestations. Le M5-RFP
réclamait la dissolution du Parlement malien, la formation d'un
gouvernement de transition dont il désignerait le Premier ministre,
ainsi que le remplacement des neuf membres de la Cour constitutionnelle,
accusée de collusion avec le pouvoir. Le 10 juillet, il a appelé à la
désobéissance civile et les manifestants ont occupé des lieux
symboliques du pouvoir. La répression a été sanglante, plus d'une
vingtaine de morts, dont certains tués jusqu'à l'intérieur de la mosquée
de l'iman Dicko.
La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest.(Cédéao) est
venue tenter une médiation, et notamment demander qu'ils retirent leur
revendication de dissolution du parlement. Il faut dire que beaucoup de
ces chefs d'Etat sont en train de tenter un renouvellement de leurs
mandats au-delà des limites posées par leur constitution. Mais enfin,
pour vous donner une idée de l'ampleur de la crise, c'est un peu comme
si l'Union Européenne s'était sentie obligée de dépêcher une délégation
auprès des gilets jaunes pour qu'ils cessent d'exiger le départ de
Macron....
Et donc, alors que la situation semblait bloquée, le 29 aout, ce coup
d'Etat. Condamné par la «communauté internationale», il a, vous vous en
doutez, été accueilli plutôt favorablement par la population.
Visiblement bien préparé, il y a eu zéro mort. Organisé depuis Kati,
principal centre militaire du pays, il a été mené par des colonels.
Ils ont annoncé qu'ils allaient amorcer une transition démocratique dont
ils ne pouvaient pas présenter le contenu tant qu'ils n'avaient pas
discuté avec les représentants politiques et ceux de la «société
civile». Entretiens qu'ils ont commencé très vite. Ils refusent le terme
de coup d'Etat, et se se présentent comme le «comité national pour le
salut du peuple». Ils récusent tout lien avec le M5-RFP mais précisent
leur accord avec les critiques qu'ils ont apportées au pouvoir.
Leur marge de manoeuvre est étroite au vu de la présence de l'armée
française. Ils ont notamment du annoncer qu'ils respecteraient les
accords d'Alger et ils ont relâché IBK, dont chacun sait qu'il est
gravement malade depuis un moment et probablement au bout de sa vie. A
noter que la France avait réclamé sa libération mais oublié de réclamer
son retour au pouvoir. Les ministres et hauts fonctionnaires les plus
connus pour leur corruption sont par contre toujours détenus.
Et la guerre «contre le terrorisme » dans tout ça ? Les avions et armes
qui étaient bloqués à Kati, très très loin du nord donc, sont maintenant
opérationnels sur le front. Il semblerait que l'armée malienne aie
remporté quelques victoires dans le nord. Il se raconte à Bamako qu'au
lieu d'attendre les ordres des Français, maintenant l'armée malienne est
renseignée par les Russes, ce qui lui permet de mener ses propres
attaques. Et de gagner. Il est exact qu'un des mutins revenait d'un
stage de formation en Russie. On peut bien sur avoir des doutes sur les
capacités de cette armée très décriée, mais c'est chez eux et ils
connaissent le terrain.
La Cédéao a annoncé des sanctions et notamment la fermeture des
frontières, ce qui peut faire très mal à un pays enclavé. Mais il n'est
pas certain qu'elle aie les moyens de sa politique : le Mali est le
principal exportateur de mouton d'Afrique de l'Ouest, et cette décision
peut créer des pénuries alimentaires importantes dans les pays de la Cédéao.
Pour le moment, la réaction de la France est plutôt modérée. Elle se
mord sans doute les doigts d'avoir porté IBK jusqu'au bout. Et peut-être
y voit-elle l'occasion de se dégager de ce bourbier?
En tous les cas, ce n'est pas dictature contre démocratie. Par contre,
on peut se demander si la démocratie est quelque part dans cette
histoire. L'avenir est difficile à prévoir. Au-delà des péripéties
institutionnelles (modalités de la transition, date des élections...),
la question est plutôt de savoir si le Mali va pouvoir reprendre son
destin en mains, régler pacifiquement tous les mini-conflits qui
risquent de dégénérer en guerre civile, et surtout se mettre à l'abri de
bandes armées riches et bien équipées qui arrivent par vagues, comme
dégât collatéral de cet autre terrain de jeu des grandes puissances que
sont le Proche Orient et la Libye.
A suivre donc...
Sylvie, le 20 septembre 2020
http://www.oclibertaire.lautre.net/spip.php?article2445
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