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(fr) ucl-saguenay: Ghana, poubelle électronique de l'Occident. par Collectif Emma Goldman
Date
Tue, 6 Sep 2016 12:41:59 +0300
Texte paru dans la revue trimestrielle numéro 38 d'Offensive libertaire et sociale. ----
Où vont nos déchets électroniques? À Agbogbloshie, dans la banlieue d'Accra, au Ghana, où
les téléviseurs et les ordinateurs qui ont envahi nos vies sont désossés et brulés pour la
récupération du cuivre... ---- Tout le monde connaît aujourd'hui le concept d'obsolescence
programmée, inventé par les industriels au XXe siècle pour réduire la durée de vie des
objets qu'ils produisent et ainsi pousser à la consommation et augmenter leurs ventes[1].
C'est l'une des caractéristiques du culte de la croissance, le mythe d'une économie
toujours plus performante. Les conséquences sont malheureusement désastreuses: ces
produits envahissent en effet les poubelles (après avoir envahi les foyers) des pays
développés. Que faire alors de ces montagnes de déchets électroniques (ordinateurs,
téléphones portables, télévisions qui s'arrêtent de fonctionner au bout de quelques années
seulement ou sont déjà remplacés par d'autres produits plus neufs, plus performants, plus
plats)? Les solutions et les engagements de recyclage ne sont que de la poudre aux yeux.
En fait, nos déchets électroniques sont bien souvent envoyés dans les pays du Sud pour
être dépecés dans des décharges à ciel ouvert, comme par exemple celle d'Agbogbloshie,
dans la banlieue d'Accra, la capitale ghanéenne.
Là-bas, sur près de dix kilomètres, des centaines de personnes, dont beaucoup de jeunes,
tentent de survivre en brulant le caoutchouc ou le plastique des écrans et autres gadgets
pour récupérer du cuivre. Avec un objectif: la revente à des entreprises souvent
étrangères pour une recette de quelques euros par semaine. Sept jours sur sept, de l'aube
au coucher du soleil, et par des températures souvent insoutenables, ces travailleurs,
dont beaucoup dorment sur place, inhalent ou avalent accidentellement du plomb, du
mercure, ou encore des dioxines hautement toxiques. Dans le simple but de ne pas mourir de
faim. Les sols et les eaux sont gravement pollués par cette activité, et ce pour
millénaires. C'est une véritable catastrophe écologique et sociale.
CONTINENT RÉSERVOIR ET DÉPOTOIR
Le Ghana est en effet devenu ces dernières années la principale terre d'accueil des
déchets électroniques, et Agbogbloshie la plus grande décharge de ce type au monde, avec
plus de 90 000 tonnes récupérées par an (chiffre en constante hausse). Les généreux
donateurs sont la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne (le Ghana est
depuis son indépendance, en 1957, membre du Commonwealth[2]), la Suisse mais aussi la
Corée du Sud et les États-Unis. En 2008, Greenpeace avait tenté dans un
rapport[3]d'alerter l'Europe et les Nations unies sur ce déversement illégal en
préconisant par exemple de répercuter le surcout de la gestion des appareils devenus
obsolètes sur leur prix d'achat. C'était seize ans après la convention de Bâle qui, en
1992, officialisait l'interdiction de cette pratique et obligeait les producteurs des
appareils électroniques à traiter leurs déchets. Deux directives européennes ont même été
écrites en ce sens. Mais depuis, rien n'a changé,
et la situation a même tendance à empirer: l'ONU estime à 50 millions de tonnes la
quantité de déchets électroniques produite chaque année.
Et cela ne cesse de s'aggraver avec «la révolution numérique» ou le passage aux écrans
plats (on estime entre 200 à 500 % leur augmentation d'ici 2020 dans certains pays du
monde[4]). Et là où l'on perçoit tout le cynisme dans cette histoire, c'est que, au
départ, tous les ordinateurs et les téléviseurs étaient envoyés au Ghana sous prétexte de
réduire la fracture numérique. Mais ce projet initial a été assez vite contourné et
détourné par les entreprises qui y ont vu l'opportunité d'éliminer les procédures très
couteuses d'entreposage-démantèlement-récupération et d'esquiver les lois contraignantes
en la matière. Aujourd'hui, on estime à un ou deux sur mille le nombre d'appareils en état
de fonctionner sur la décharge d'Agbogbloshie. Victime de notre croissance, et de la
croissance qu'on lui impose, l'Afrique est un continent réservoir, pillé pour ses matières
premières et dépotoir à qui on envoie nos appareils qui ne fonctionnent plus. Un continent
sacrifié sur l'échiquier de l'économie mondiale.
Le Ghana compte de très nombreux champs de cacao, mais on ne trouve pas un seul morceau de
chocolat dans les épiceries des quartiers pauvres! La question est bien plus profonde que
l'histoire des déchets. Ce pays affiche fièrement 14,4 % de croissance en 2011 (l'une des
plus importantes au monde dans les années à venir, selon le Fonds monétaire
international), mais la misère reste réelle. C'est toute l'économie de ce pays qui est
ravagée par les politiques économiques dictées par le FMI.
LE MÉCANISME DE LA DETTE
Pour bénéficier de prêts et financer son développement, le Ghana, comme ses voisins, a
commencé à creuser sa dette il y a une quarantaine d'années auprès des banques
occidentales et des États du Nord[5]avec l'obligation d'abandonner la culture du riz, qui
fournissait pourtant nourriture et travail, au profit du cacao et du café en culture
intensive et de l'exploitation des mines d'or. Tout ça destiné à l'exportation. Mais il y
a trente ans, les cours du café et du cacao ont chuté, notamment à cause de la
surproduction (due au fait que la plupart des pays ont appliqué ces politiques économiques
en parallèle) et en raison de la liquidation par les multinationales de l'accord
international de 2001 sur le café, qui régulait productions et exportations dans le monde.
Le gouvernement ghanéen de l'époque refait donc une nouvelle fois appel au FMI et à la
Banque mondiale pour l'obtention de 600 millions de dollars, avec des taux d'intérêt
élevés. En échange, un nouveau plan d'ajustement structurel: non pas le développement de
l'industrie locale, mais des exemptions d'impôts et l'allégement des normes
environnementales pour attirer les firmes étrangères, la privatisation des terres, du
sous-sol et de l'eau, et l'augmentation massive de la coupe et de la vente de leur bois,
avec les conséquences que cela peut avoir sur les écosystèmes. Bilan: la chute du budget
santé, une dette qui explose, et un pays qui est obligé d'importer de la nourriture.
Un autre exemple de la pression mise par l'Occident sur le Ghana: nombre de petits
pêcheurs sont contraints d'abandonner leur métier car le poisson est pris au large par les
gros bateaux battant pavillon russe ou de l'Union européenne. C'est cette situation qui
les pousse vers Accra, et ces petits boulots dans la décharge.
«Heureusement», les produits étrangers, notamment subventionnés par l'Europe, inondent les
marchés comme dans les autres pays africains. Les paysans souffrent ou disparaissent au
Ghana, au profit de grandes entités qui se plient au bon vouloir du FMI. Et, en fin de
compte, on a du mal à s'imaginer une pauvreté aussi indécente.
Comme le dit René Dumont[6], un agronome connu pour son combat pour le développement rural
des pays pauvres et son engagement écologiste: «Nos conditions de vie et de travail
continuent à se détériorer et les inégalités sociales s'accentuent. De multiples conflits
traduisent cette situation de crise. Elle ne peut que s'aggraver. C'est un seul et même
système qui organise l'exploitation des travailleurs et la dégradation de vie qui met en
péril la terre entière. La croissance aveugle ne tient compte ni du bien-être, ni de
l'environnement».
LE RETOUR À LA TERRE
Face à une situation aussi dramatique, il existe pourtant des pistes de résistance et des
espoirs. Par exemple, des paysanne-s, aidé-e-s par le réseau international Via
Campesina[7]se regroupent pour lutter pour la souveraineté alimentaire, donc contre le
diktat de l'Organisation mondiale du commerce et des multinationales. Ils et elles
s'organisent et luttent contre l'invasion des OGM, pour l'agriculture paysanne et des
fermes à taille humaine. Concrètement, ils et elles montent des projets de centres de
ressources et de formation à l'agroécologie, pour maintenir les pratiques ancestrales et
respectueuses de l'environnement; assurent le soutien à l'installation de nouveaux
agriculteurs et organisent aussi des rassemblements pour peser sur le gouvernement et
promouvoir la mise en place de politiques agricoles garantissant l'accès à la terre, à
l'eau, aux semences et aux ressources naturelles. Une lutte locale qui, s'il est besoin de
le rappeler, s'appuie sur une connaissance du territoire et de ses spécificités, des
échanges de pratiques, des recherches autonomisantes de vies communautaires, autant
d'expériences émancipatrices qui s'inscrivent en rupture avec le pouvoir mondial. Loin,
très loin de la voie empruntée jusqu'alors par le pays et de l'économie née de la
récupération des déchets.
Sébastien Bonetti et Clément Wittmann[8]
[1]Voir le film Prêt à jeter. L'histoire méconnue de l'obsolescence programmée, de Cosima
Dannoritzer.
[2]C'est une organisation intergouvernementale composée de cinquante-quatre États, qui
sont d'anciennes colonies ou protectorats de l'Empire britannique. Dirigés par la reine
Elisabeth II, ceux-ci sont censés être indépendants, mais ne le sont pas toujours dans les
faits.
[3]Le rapport Chemical Contamination at E-waste Recycling and Disposal Sites in Accra and
Korforidua est consultable sur le site de Greenpeace.
[4]Rapport Recycling. From E-waste to Ressources, Programme des Nations-unies pour
l'environnement, février 2010.
[5]Voir le rapport 50 questions. 50 réponses sur la dette, le FMI et la banque mondiale,
du Comité pour l'annulation de la dette du Tiers Monde, les analyses de l'association
Survie ou L'Empire de la honte, de Jean Ziegler.
[6]Lire notamment L'Afrique noire est mal partie, publié en 1962, ou L'Afrique étranglée
(1980). René Dumont est d'origine rurale, issue d'une lignée de paysans, et militant
écologiste radical. Il devient très vite anticolonialiste, notamment en voyant les ravages
causés en Indochine en 1930, lorsqu'il y est responsable de l'Office du riz. À partir de
cette époque, il militera pour le développement des agricultures locales et des
savoir-faire ancestraux. Il se sensibilise aux problèmes de l'Afrique de 1959 à 1961 lors
de missions pour le comité directeur du Fonds d'aide et de coopération.
[7]Via Campesina («voie paysanne»), mouvement international indépendant qui coordonne
depuis vingt ans des organisations de petits paysans pour leur donner plus de poids face
aux entreprises agroalimentaires multinationales. Le réseau est présent partout, y compris
en Europe, car il considère que les problématiques sont les mêmes pour les petits
agriculteurs.
[8]Clément Wittmann a effectué un voyage au Ghana fin 2012.
http://ucl-saguenay.blogspot.co.il/2016/09/ghana-poubelle-electronique-de-loccident.html
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